mercredi 15 mai 2024

« C’est l’intérêt de la Nouvelle-Calédonie qui est en jeu »

Le groupe Ebra* m'a proposé, hier, de répondre à une interview sur la Nouvelle-Calédonie et la situation sur le territoire. La voici.

Interview « C’est l’intérêt de la Nouvelle-Calédonie qui est en jeu »

Elle a suscité une nuit d’affrontements d’une rare violence dans l’archipel : la révision constitutionnelle défendue par Gérald Darmanin élargit le nombre de votants lors du scrutin provincial, ce que dénoncent les indépendantistes. Henri Weill, journaliste qui a couvert le dossier calédonien pour la 5 entre 1987 et 1991, et ancien de RFO Nouvelle-Calédonie, analyse la situation pour nous.

Propos recueillis par Ulla Majoube - Aujourd'hui à 06:02 | mis à jour aujourd'hui à 06:54 - Temps de lecture : 3 min

Photo Sipa/Nicolas Job 

Pourquoi la réforme constitutionnelle déclenche une telle réaction  ?

« Le corps électoral varie en fonction des scrutins. Le général permet de participer aux scrutins nationaux (municipales, législatives, présidentielles et européennes) ; le corps électoral spécial aux élections provinciales. Enfin il existe un corps électoral spécifique mis en place, en 1999, pour les référendums sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté. Le dégel (l’ouverture) du corps électoral pour les élections territoriales, au centre de cette réforme constitutionnelle, est fermement contesté par les indépendantistes. C’est un sujet déterminant et qui empoisonne l’histoire calédonienne depuis les années 1970. »

Pourquoi l’élection provinciale cristallise les tensions entre loyalistes et indépendantistes ?

« Parce que si la réforme est adoptée, les citoyens ayant dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie, soit environ 25 000 personnes supplémentaires, pourront élire leurs représentants. Aujourd’hui, les indépendantistes dirigent le gouvernement territorial et le Congrès. Cette réforme pourrait modifier les équilibres [les kanaks représentait 41,2 % de la population au recensement de 2019, selon l’Insee] que l’on peut vraiment qualifier de subtils sur le Caillou. »

Que restera-t-il des accords de Nouméa, une fois le projet gouvernemental voté ?

« Les accords de Matignon, qui ont permis de rétablir la paix civile en 1988, prévoyaient une période de développement de dix ans. Ceux de Nouméa (1998) engageaient une révision de la Constitution pour donner une plus grande autonomie à la Nouvelle-Calédonie. Ces accords prévoyaient également trois référendums sur l’indépendance. Le troisième en cas de vote négatif pour les deux premiers. Si les Calédoniens répondaient par trois fois "non" à la question "Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?" – ce qui fut le cas –, alors l’accord de Nouméa prévoyait que les partenaires politiques se réunissent "pour examiner la situation ainsi créée". »

Quel est l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ?

« Tout est à écrire aujourd’hui. Les deux premiers référendums ont donné une légère majorité au "oui à la France" (56,67 % en 2018, 53,3 % en 2020), et les indépendantistes, pour de bonnes ou mauvaises raisons, ont boycotté le troisième.

Emmanuel Macron a invité, dimanche , les représentants politiques calédoniens à se rendre à Paris. Aujourd’hui, ces émeutes, condamnées par les représentants politiques calédoniens, invitent à une prise de conscience collective (gouvernement, indépendantistes, loyalistes). Le dialogue est la seule issue possible. C’est la compétence et le sens du devoir qui me semblent primer. C’est l’intérêt de la Nouvelle-Calédonie qui est en jeu. Le problème de fond est identitaire et humain. »

« La Chine observe avec intérêt la situation calédonienne »

Quel rôle peut jouer la Chine dans cette crise ? On sait qu’elle est très intéressée par le nickel sur place…

« La Chine, qui a modifié les équilibres en Indo-Pacifique, observe avec intérêt la situation calédonienne. Et bénéficie de relais locaux. Pour comprendre la stratégie chinoise, il suffit de s’intéresser à Vanuatu (l’ancien condominium franco-britannique des Nouvelles-Hébrides), état situé à 1 heure d’avion de Nouméa.

L’Azerbaïdjan, relais de Moscou, s’intéresse actuellement à la Nouvelle-Calédonie. Récemment, un mémorandum a été signé à Bakou par une élue indépendantiste du Congrès. Ce qui a provoqué une polémique sur le territoire. Il s’agit là d’un embryon de coopération ponctuelle avec l’Azerbaïdjan destinée à nuire à la France, soutien affirmé de l’Arménie. »

 *Les dernières nouvelles d'Alsace, l'Alsace, l'Est républicain, le Républicain lorrain, Vosges matin, Le Bien Public, Le Progrès, Le Journal de Saône-et-Loire, le Dauphiné.

mardi 14 mai 2024

"Le chevalier de Jérusalem"

Victor K. a imaginé un personnage mystérieux (c’est son métier) et raffiné. Il s’agit de la colonelle Coralie Desnoyers (Athéna) qui commande le service action de la DGSE. Que tout lecteur, certainement, aimerait croiser dans sa vie.
Dans ce tome 4, voici la quadragénaire engagée avec ses personnels dans une troublante et complexe mission en Orient. Le Proche et le Moyen. « L’Orient compliqué » parfaitement nommé naguère par le général de Gaulle. Mission d'ailleurs qualifiée de « quasi-impossible » par l’auteur.


Vincent Crouzet alias Victor K.


"Le Chevalier de Jérusalem" est encore un roman d'actualité ?
Pleinement. L'objet de la série "Service Action" est d'inscrire la trame romanesque de chaque opus dans les crises contemporaines qui secouent le monde. Et qui hélas ne manquent pas. J'avais un autre sujet en tête pour ce quatrième volume dont j'avais écrit les cent premières pages, jusqu'à cet épouvantable 7 octobre au matin. Tout alors a basculé. Cette fois, le SA est projeté au Proche et Moyen-Orient au service d'une paix impossible.

Pourquoi ce choix ?

Cela a fait immédiatement sens. La position de la France sur le Proche Orient, équilibrée mais acrobatique, permet aussi une nuance de propos intéressante. Aussi, je place mes personnages entre les différents protagonistes de tous les camps. La DGSE et son Service Action doivent s'adapter aux contradictions de la diplomatie.

Est-ce un roman à messages ?

Sur les évènements de Gaza et Israël, j'essaie de ne surtout pas tomber dans le manichéisme, tout en condamnant les actes de barbarie du 7 octobre. Je place le Hamas premier responsable de cette abomination qui ensanglante la Terre sainte depuis. Mais je ne peux pas non plus épargner des dirigeants israéliens cyniques, ni des colons fanatiques. D'ailleurs mon personnage central, le Chevalier de Jérusalem évolue dans un empire de cynisme absolu. En général j'essaie de me départir de tout moralisme, ou de toute leçon en tout cas. Malheureusement, les faits se suffisent à eux-mêmes.

Vous racontez toujours avec beaucoup de pédagogie ?

Je ne sais pas. Lorsque j'écris, le romancier l'emporte sur l'expert. J'essaie d'être plutôt dans le visuel que dans le démonstratif. De "projeter" une image qui parfois est plus parlante que de trop de mots. Souvent, je me sens plus réalisateur qu'écrivain. Mais sans contraintes de production. La première liberté d'un romancier, finalement. Sur le Service Action, oui, j'essaie de relater le quotidien des agents, mais en racontant le fonctionnement de l'unité à travers l'intrigue, et les opérations, dans le seul mouvement.

La posture d'Athéna est de plus en plus délicate ?

Cette fois, "Jupiter", le président de la République, délègue à la cheffe du SA une mission quasi-impossible : retrouver et protéger un personnage fantasmatique au coeur de tous les enjeux, le Chevalier de Jérusalem. Son unité va devoir frapper au Soudan, et elle va se retrouver au plus proche des démons, Ali Khamenei en tête... Mais elle recouvre dans le n°4 une posture de soldat, en servant sans états d'âme.

Sera-t-elle à la tête du SA dans le prochain roman ?

Évidemment oui. Je ne peux pas me passer d'elle. Suis accro. J'ai cette fille dans la peau. J'ai vraiment de l'affection pour mes personnages. Je suis pleinement attaché à cet effectif pourtant fictif, et à Athéna plus encore. Mais elle va douter, c'est certain, parce que la prochaine mission qui lui sera assignée sera lourde à assumer sur le plan éthique.

Comment l'environnement de la "Boîte" perçoit-il vos livres ?

Deux écoles. La première n'est pas fan. Et n'est pas fan en général de ceux qui ont oeuvré pour le Service et écrivent en suivant, des essais comme des romans. Je comprends leur épure. La seconde a compris que la fiction permettait d'imprimer une image de puissance, et une influence certaine. Les Américains et les Britanniques ont intégré pour leur part depuis des décennies le rôle primordial de la fiction, écrite ou audiovisuelle, pour construire une image et une réputation positives pour la CIA ou le MI-6. La DGSE, avec l'adoubement du "Bureau des Légendes", suit l'exemple anglo-saxon. Pour ma part, quels que soient certains grincements de dents, je m'évertue à présenter un visage positif de la "Boîte", à laquelle je serai pour toujours redevable. Je le répète : la DGSE est devenue l'une des toutes premières agences de renseignement au monde, dans le top 3, pleinement respectée par ses homologues. En présentant cette maison sous un angle très dynamique, et réaliste, j'ai ainsi l'impression de continuer à rendre naturellement service sans jamais rien demander en échange pour conserver ma liberté d'écrivain. Ma première exigence.

"Le chevalier de Jérusalem", Victor K, Robert Laffont

lundi 13 mai 2024

Ce 13 mai 1958 qui précipita la fin de la IVe République

  

Depuis trois ans et demi la guerre ensanglante l’Algérie. Le 24 avril de cette année 1958, trois jeunes Algériens, condamnés à mort, sont passés par les armes. L’un fabriquait des bombes, les deux autres les posaient. Le lendemain, le FLN en représailles, exécute trois Français, des militaires prisonniers (ce que l’on apprend un peu plus tard). 
Les responsables des associations patriotiques organisent au monument aux morts d’Alger, le mardi 13 mai, une cérémonie afin de leur rendre hommage. Mais aussi pour afficher leur colère. Ce « comité de vigilance » s’estime, en effet, trahi par le gouvernement, incapable, à leurs yeux, de lutter efficacement contre la rébellion et de maintenir l’Algérie française.

Une IVe République vacillante

Une nouvelle fois, la France est sans gouvernement. Trois semaines plus tôt, celui conduit par Félix Gaillard est tombé. C’est Pierre Pflimlin qui est pressenti.
Robert Lacoste, ministre-résidant apprécié des pieds-noirs a quitté Alger le 10 mai. Deux jours auparavant il a reçu, sur le front des troupes, la croix de la valeur militaire avec palme des mains du général Raoul Salan, commandant en chef en Algérie. Lacoste leur confie alors : « Méfiez-vous…nous allons vers un Dien Bien Phu diplomatique ». Lacoste a prononcé cette phrase en déclinant l’offre que les militaires viennent de lui faire : « Restez en Algérie, nous marcherons avec vous ». L’armée meurtrie par les défaites en Indochine, par l’indépendance du Maroc et de la Tunisie est en train d’entrer en désobéissance.
Les généraux, sous la signature de Salan, le 9 mai, adressent un télégramme au général Ely, chef d’état-major des armées, dans lequel ils évoquent d’éventuelles négociations avec le FLN en vue d’un cessez-le-feu : « L’armée, d’une façon unanime, sentirait comme un outrage l’abandon de ce patrimoine national. On ne saurait préjuger sa réaction de désespoir » avertissent-ils.

Pierre Pflimlin

Lacoste parti, Pflimlin cherche à réconcilier les irréconciliables dans un parlement désillusionné. Une impuissance qui laisse les généraux seuls en Algérie face à la poussée de la foule algéroise. Dans laquelle se retrouvent des activistes comme Ortiz, Martel, Lagaillarde. On y trouve également Delbecque, ami de Chaban-Delmas, qui essaie tant bien que mal de positionner le général de Gaulle dans cette Algérie des colons qui, lors de la Seconde Guerre mondiale, a d’abord préféré Pétain puis Giraud.
En début d’après-midi, ce 13 mai, les commerçants baissent le rideau de fer.
A 15h à Paris, à l'Assemblée nationale, le débat d’investiture commence. Pflimlin est épuisé par des nuits blanches de négociation. Il prononce son discours : « La France n’abandonnera jamais l’Algérie… Le gouvernement ne repousse pas à priori l’idée que nos voisins (Tunisie et Maroc) pourraient un jour nous apporter leur concours pour amener nos adversaires à entrer en pourparlers avec nous en vue d’un cessez-le-feu ».

Propos blasphématoires
A Alger ces propos mettent le feu aux poudres. La foule est surexcitée lorsque les généraux Salan, Jouhaud, Massu, Allard et l’amiral Auboyneau arrivent pour l’hommage aux trois militaires tués. Des voix crient : « Massu au pouvoir ! ». Pourtant quelques minutes après la cérémonie, la foule commence à se disperser. Soudain, les hauts-parleurs lancent une consigne : « Tous au gouvernement général ! ». Lagaillarde prend la parole au balcon et invite cette foule à pénétrer dans le bâtiment. Les forces de l’ordre, faute de consignes précises, ne réagissent pas.
Le secrétaire général du gouvernement général demande des consignes à Paris. « Faites pour le mieux ! » lui est-il répondu. Lagaillarde, le président des étudiants, dit : « Nous vivons la constitution d’un comité de salut public civil et militaire. Nous ne partirons pas tant que nous n’aurons pas le résultat du vote d’investiture. Si Pflimlin passe, c’est l’émeute ».

Vive de Gaulle
Le général Massu en est conscient. Il accepte donc la présidence du comité dans lequel les gaullistes parviennent à faire entrer un homme, Neuwirth. Massu envoie un message au président de la République, René Coty : « Le comité attend avec vigilance la création à Paris d’un gouvernement de salut public, seul capable de conserver l’Algérie comme partie intégrante de la métropole ».
Le 14 mai à 3h25, le gouvernement Pflimlin obtient toutefois l’investiture par 274 voix contre 129.
A Alger, le 15 mai, jeudi de l’Ascension, le comité de salut public appelle la population à se rassembler au Forum. Les généraux apparaissent au balcon. Salan, l’orateur, rappelle à cette foule qu’un de ses enfants, mort en 1943, repose au cimetière du Clos Salambier. Il enchaîne : « La seule fin acceptable de cette guerre, c’est l’écrasement de la poignée de terroristes rebelles à l’autorité ». Il marque une pause et ajoute : « Vive de Gaulle ».
La fin de la IVe République est proche. Le soir même, de Colombey-les-Deux-Eglises (Haute-Marne), le général de Gaulle précise par communiqué : « Naguère, le pays dans ses profondeurs, m’a fait confiance pour le conduire jusqu’au salut. Aujourd’hui, devant les épreuves qui montent de nouveau vers lui, qu’il sache que je me tiens prêt à assumer les pouvoirs de la République ».

Source : ACP

dimanche 12 mai 2024

Guerre hybride


 @ChatGPT

Afin de préparer des actions de déstabilisation, un compte affilié au groupe Wagner Biélorussie a publié sur Telegram un message en français demandant à ses sympathisants « d’empêcher une nouvelle guerre en Europe ». Lorsqu'une personne engage une conversation, des officiers traitants du GRU/GU sont avertis et prennent la main afin de tenter de comprendre ses motivations. Une manœuvre destinée au recrutement d’agents dormants et qui s’inscrit dans la stratégie de guerre hybride menée par la Russie.

vendredi 10 mai 2024

Les légionnaires du 6 juin

 

Louis Lanternier @DR

Deux anciens légionnaires ont participé au débarquement du 6 juin 1944, parmi les 177 commandos Kieffer (1er BFMC). Il s’agit de Louis Lanternier, ancien de la 13, qui après Narvik, a choisi la Marine lors de son ralliement au général de Gaulle. 26 ans en 1940. Et d’Otto Zivohlava, 18 ans en 1940, né autrichien qui a combattu sous le nom de Jean Gauthier*.

* 177 visages du Jour J, Benjamin Massieu et Jean-Christophe Rouxel, éditions Pierre de Taillac

mercredi 8 mai 2024

La Légion instrumentalisée par des comptes pro-russes

Copie d'écran @X

Ainsi sur les réseaux sociaux a-t-on pu lire que le 3e régiment étranger d’infanterie (REI) serait déployé en Ukraine. Fake news rapidement démentie par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Œuvre de personnes connaissant bien peu la Légion étrangère et cette unité basée à Kourou, experte des techniques et actions dans la jungle et chargée de la protection du Centre spatial guyanais et de la lutte notamment contre l’orpaillage clandestin. 
Comme le souligne un expert de la guerre informationnelle « ces attaques ne se caractérisent pas par leur ingéniosité mais visent à engloutir sous un flot massif des récits favorables au Kremlin ».

mardi 7 mai 2024

A Moscou, pas de défilé pour le Régiment immortel


Défile 2015 @Wikipédia

Pour la deuxième année consécutive à Moscou, la marche du Régiment immortel a été annulée par le pouvoir. Celle-ci se déroule habituellement le 9 mai lors de la cérémonie marquant la victoire de 1945. Une Seconde Guerre mondiale appelée en Russie « Grande guerre patriotique ». Cette annulation vaut pour toutes les villes.
Depuis 2015, le défile militaire est accompagné d’un défilé civil au cours duquel les vivants marchent avec le portraits des morts d’hier afin de rendre hommage aux 27 millions de victimes soviétiques du second conflit mondial. Une initiative véritablement née quelques années plus tôt, à Tomsk en Sibérie. Une manifestation rapidement récupérée par le pouvoir qui pose la Russie unique héritière de la victoire sur le 
« mal »
Il est probable que le pouvoir craint que des portraits de jeunes militaires russes morts en Ukraine viennent se joindre à ceux des grands-parents ou arrière-grands-parents tués, il y a 80 ans et plus.

dimanche 5 mai 2024

Pierre Neuville, 1922-2024

 

@DR

Demain matin se dérouleront en l’église de Lumio (Haute-Corse) les obsèques de Pierre Neuville, 101 ans. Ce corrézien de naissance s’était défini ainsi dans un ouvrage publié en 2013 : « Parti de rien, avec un petit certificat d’études de campagne, me voici docteur en préhistoire et commandeur de la Légion d’honneur ». Il avait accédé depuis à la dignité de grand officier.

Les difficiles premières années
« J’étais un enfant naturel, un bâtard, selon les termes de l’époque » racontait-il dans Les combats de ma vie (La société des écrivains). Pour cela, il sera moqué. A 12 ans, Pierre Neuville est valet de ferme, un an plus tard il travaille une partie de l’année en usine puis devient apprenti boulanger. C’est là que la guerre le saisit en 1940. Quelques mois plus tard, il se choisit un autre destin en s’engageant dans l’armée, direction l’Algérie et le 28e escadron du Train.
Après le débarquement américain du 8 novembre 1942, il sert avec la 1ère DB, dans cette armée en reconstruction destinée à libérer la France. Maréchal des logis-chef à 21 ans, il est au Bataillon de choc avec lequel il reçoit son baptême du feu, en octobre 1944 en métropole. Il est blessé en décembre par des éclats d’obus 
en Haute-Saône. En 10 mois de combats son unité perd 62 % de ses hommes.

L’Indochine puis l’Algérie

Adjudant à 22 ans, il obtient ensuite son brevet parachutiste (n° 6884). Destination l’Extrême-Orient avec le 1er bataillon de paras de choc. Puis c’est l’Algérie au sein du 2e régiment de tirailleurs algériens où il devient officier renseignement. Il reçoit sa sixième citation et est fait chevalier de la Légion d’honneur à titre exceptionnel. Il porte également la Médaille militaire. De ce premier séjour algérien, il écrit : « 3 ans, 8 mois et 9 jours séparé de ma famille... »
Les affectations se succèdent : officier renseignement à Saint-Maixent, deuxième séjour en Algérie, centre d’instruction à Verdun et puis en 1966, la Légion et le REP où il cumulera les années. Inhabituel pour l’officier qu’il est devenu. En 1974, l'officier quitte l’institution militaire qu’il servira toutefois encore cinq années comme réserviste. Le lieutenant-colonel Neuville aura traversé trois guerres.

Puis les études

Quelques aventures plus tard, celui qui est resté vivre en Corse après avoir effectué des études, obtient à 66 ans, un doctorat en préhistoire. Sa thèse, en 5 volumes et 1 020 pages, portait sur Les éléments de broyage de la Préhistoire et de la Protohistoire de la Corse dans le contexte méditerranéen. De nouvelles pages se tournent. Il est sur le terrain, dans les amphis, cherche, encourage les plus jeunes.
L’homme qui eut plusieurs vies, fut un passionné témoignait il y a quelques heures, le général Alain Bouquin, ancien COMLE et son voisin sur ces terres corses.

vendredi 3 mai 2024

Les tentatives de pénétration ultramarines de Bakou (suite)

 


@Photo X
Après la signature par une élue indépendantiste de Nouvelle-Calédonie d’un mémorandum avec le parlement d’Azerbaïdjan (voir post du 29 avril) voici qu’un autre texte vient d’être signé à Vienne (Autriche) par le parti indépendantiste polynésien Tavini Huiraatira* avec le Groupe d’initiative de Bakou. Cet organisme créé il y a quelques mois, explique sur son site se battre pour « l’élimination totale du colonialisme » et vise bien entendu Paris qui apporte son soutien à l’Arménie.

L'intérêt soudain de Bakou pour le Pacifique Sud
Depuis quelques mois, le parti polynésien s’est rapproché de l’Azerbaïdjan. Ainsi trois de ses membres, Oscar Temaru son leader historique, Moetai Brotherson, président de la Polynésie française et Anthony Géros, président de l’Assemblée de Polynésie ont rencontré en octobre 2023, le représentant de Bakou à l’ONU.
Il y a dix jours, devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, Gérald Darmanin a dénoncé « l’ingérence néfaste » du régime autoritaire dirigé depuis 2003 par Ilham Aliev. S’étonnant de l’intérêt de cette ancienne république soviétique pour le Pacifique Sud. Réponse du porte-parole du ministère des affaires étrangères d’Azerbaïdjan : « Le ministre français de l’intérieur ne devrait pas oublier que son pays a commis des crimes contre l’humanité contre les populations locales (dans le cadre de la politique coloniale de la France) et assassiné des millions d’innocents ».

*Représenté par Vito Maamaatuaiahutapu

jeudi 2 mai 2024

"Afrique Adieu" de Jean-Pierre Augé

Jean-Pierre Augé a d’abord été officier servant à la Légion étrangère. 2e RE à Corte (1979 à 1981) puis quatre ans au 1er REC (alors à Orange). Ensuite, une nouvelle carrière s’offre à lui, la DGSE pendant près de 20 ans. Cette expérience, celle de l’Afrique noire tant à Paris que sur le terrain comme chef de poste, il la raconte dans Afrique adieu, mémoires publiées chez Mareuil éditions. 


- De la Légion à la DGSE, un parcours qui, sans être courant, n’est pas totalement inhabituel ?
Je n’en ai connu que deux, entrés à la Maison comme capitaines. J’en ai accueilli un, lieutenant au REP lorsque je commandais le Secteur Afrique noire.

- Servir dans une telle direction, n’est-ce pas prendre des risques pour le déroulement de la suite de sa carrière militaire ?
C’est un choix. Le « risque » était de ne pas prendre les moyens de réussir le concours de l’Ecole de guerre ! Je l’ai décidé en toute connaissance de cause pour me donner entièrement à mon nouveau métier. Je ne le regrette pas.

- Vous avez toutefois été chef de corps d’un régiment singulier, le 44e RI ?
Effectivement. Être responsable, de 2002 à 2005, en liaison étroite avec la DPMAT* et la chancellerie du MinDef**, de la gestion de carrière de 450 officiers et 750 sous-officiers (recrutement, avancement, et défense des intérêts de la communauté militaire face à des manœuvres internes qui lui étaient peu favorables) fut un honneur.

- Mais avant ce commandement vous avez, notamment, été chef de poste au Niger, au Tchad, en Côte d’Ivoire, avec des situations différentes. Représentant officiel de la « Boîte » avec une mission large et complexe ?
Missions passionnantes, sous couverture diplomatique au Niger, auprès des présidences au Tchad et en Côte d’Ivoire. Entre rebellions, coups d’Etat, complots, élections mouvementées… mes camarades chefs de poste extérieurs de recherche comme moi-même étions bien occupés et bénéficions d’une large initiative.

- Quelles relations nouer avec l’autre chef de poste, diplomatique celui-là, représentant officiel de la France dans le pays concerné ?
L’idéal est que ces relations entre l’ambassadeur et le chef de poste soient excellentes. Leurs missions sont complémentaires. L’un comme l’autre peuvent tirer un grand profit de leur entente. Dans ce domaine, j’ai connu le meilleur et (presque) le pire.

- Vous avez également dirigé ce qui était le secteur SR/N (Afrique noire) à Paris. De quoi est fait alors votre quotidien ?
En premier lieu, comme dans toute unité militaire, veiller à la cohésion et à l’efficacité du Secteur, placer les bonnes personnes aux bons endroits, épauler les chefs de poste confrontés à des situations difficiles, seuls avec leur radio-secrétaire à des milliers de kilomètres de la Centrale, décider de la pertinence des renseignements recueillis avant de décider de leur diffusion aux grands destinataires de la DGSE.

- Votre ouvrage laisse apparaître nombre de conflits de personnes ?
Tout n’est pas aussi « rose « que dans Le Bureau des Légendes. La réalité est souvent plus proche de la série américaine Homeland. Comme je le raconte dans le livre, le « pic » de conflits, heureusement circonscrit, est apparu entre 2000 et 2002. Je n’avais pas connu un phénomène d’une telle ampleur précédemment.

- Des situations préjudiciables au bon fonctionnement de toute entreprise, organisation, institution…
Fort préjudiciables en effet. Motif pour lequel j’en fais état et n’hésite pas à « égratigner » les responsables.

- L’Elysée reproche, semble-t-il, à Mortier de ne pas avoir prévu les récents coups d’État en Afrique ?

Il semble. Je continue néanmoins de penser que les héritiers de SR/N ont fait leur travail avec les moyens dont ils disposaient.

- Vous fournissez au lecteur dans ces 300 pages, un aperçu communicable des missions d’un espion. Vous dites d’ailleurs dans le dernier chapitre « qu’écrire sur la DGSE est une gageure ». La Centrale a-t-elle réagi à la publication de l’ouvrage ?
Pas que je sache.


*Direction du personnel militaire de l'armée de Terre
**Ministère de la défense.