dimanche 27 mai 2012

Le désespoir des Algériens

En Algérie, il n’y a pas en préparation de manifestation « formidable » pour lutter contre la violence « injuste », telle que celle qu’André Malraux avait appelé de ses vœux à la fin des années 20, en Chine.
Cette violence en Algérie est quotidienne, banale, moralement terriblement dévastatrice. Malgré la fin de la décennie noire (1991-2001), qui fit entre soixante et cent cinquante mille morts, le terrorisme est toujours très présent dans certaines régions, en particulier la Kabylie. De quoi désespérer la population, notamment la jeune génération.
Une seule date, prise au hasard, vendredi 25 mai. « Deux terroristes ont été abattus dans un ratissage à Mekla (Tizi Ouzou) », selon des sources locales. Dans la même journée, un garde communal était assassiné « par des éléments de l’ex-GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et la combat), à Ouled Ben Chaâbane, à 50 km à l’est de Boumerdès. Attentat  qui survient quelques semaines après l’explosion d’une bombe artisanale au chef-lieu communal, faisant sept blessés dont quatre civils ». Ce même jour, un émir de l’ex-GSPC, rapporte la presse algérienne, a été « neutralisé  par les forces de sécurité » à Bordj-Menaiel (ouest de la Kabylie). « Le terroriste répond au nom de Azzazni Mohamed alias Mouaâd. Il avait succédé à l’émir Soheib à la tête de la phalange terroriste des Issers, avait rejoint les maquis au début des années 90 ».
Quelques jours plus tôt, le 19 mai, Djaffar Tamani éditorialiste du quotidien francophone  algérois El Watan exprimait la désespérance du peuple algérien. J’ai choisi de publier le cri d'un homme trahi.Titre : Stratégie de la terreur
L’action terroriste atteint dans le pays un niveau extrêmement dangereux sans que cela n’émeuve ni ne fasse réagir un pouvoir dont les porte-parole n’en ont pas fini de commenter et de célébrer le «succès» des dernières élections. Pourtant, la situation sécuritaire est on ne peut plus grave, montrant l’inefficacité des moyens mis en œuvre pour vaincre le terrorisme et démentant l’ensemble des déclarations officielles au sujet du supposé retour à la paix et à la sécurité. Les groupes armés islamistes, agissant désormais sous la bannière d’Al Qaîda, n’affichent plus ces dernières années une simple «capacité de nuisance» mais une véritable stratégie de guerre totale se déroulant principalement en Kabylie.
Seul le pouvoir refuse de reconnaître cette situation intenable pour l’ensemble de la population. Or, peut-on mener une guerre et la gagner tout en l’occultant, oubliant même de rendre hommage aux victimes des attaques terroristes ? L’absence et le silence des autorités centrales à la suite d’attentats meurtriers commis dans la région ou à travers le pays sont frappants. Aucune autorité centrale ne s’était déplacée à la suite de l’assassinat, le mois dernier, de quatre policiers à Mekla, à l’est de Tizi Ouzou, dans une embuscade qui ne pouvait pas être l’œuvre d’un groupe résiduel ou égaré. Ces derniers jours, c’est Azzefoun, ville du littoral, qui a été secouée par trois attentats successifs, commis sur le chemin d’une caserne de la Marine nationale. Trois gardes-côtes ont perdu la vie dans ces attaques à l’explosif perpétrées trois jours de suite avec une étonnante facilité.
Au bilan lourd subi par les services de sécurité s’ajoute l’effet dévastateur sur le climat général dans une région vouée à la peur tout au long de l’année. Les groupes armés, qu’aucun dispositif antiterroriste n’arrive à déloger ou à anéantir, mènent leur guerre sur plusieurs fronts, militaire et psychologique, en s’attaquant régulièrement à l’économie locale à travers les kidnappings d’entrepreneurs, rançonnés et poussés à la délocalisation. Des attentats à la périphérie d’une cité balnéaire, à la veille de l’ouverture de la saison estivale, participent de cette stratégie de mise à mort de la vie socioéconomique dans la région. Le sentiment de terreur qui habite la population ne remonte pas jusqu’aux sphères dirigeantes, préoccupées par leur seule et propre survie, ni à des partis politiques occupés à reconstituer le scénario de la fraude (1) à laquelle ils ont incontestablement participé à donner corps.
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(1) Les Algériens viennent d’élire leurs députés.

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