lundi 13 juin 2016

Disparition de Charles Gonard, résistant et Compagnon de la Libération

Je lui fis plusieurs fois raconter l'épisode. Un jour, il en dit plus : "Ma tête a alors été mise à prix, 20 millions de francs (4 millions d'euros)". La Seconde Guerre mondiale révéla l’homme d’action. S'il vécut après-guerre une vie professionnelle discrète au Maroc puis en France, Charles Gonard dirigea l’une des actions d’éclat de la Résistance : l’élimination de Philippe Henriot, secrétaire d’Etat à l’information et à la propagande du dernier gouvernement Laval, milicien, et redoutable éditorialiste à Radio- Paris. 


Copyright : Ordre de la Libération
Nous sommes le 28 juin 1944, 10 rue de Solférino à Paris. L'ancien bâtiment de la fédération des fonctionnaires abrite le ministère. A quelques centaines de mètres, se trouve l'ambassade d'Allemagne. La veille Morlot (son pseudonyme) a appris qu' Henriot est arrivé de Vichy et qu'il coucherait à Paris. Depuis longtemps les repérages ont été faits. Un peu avant 5h45, trois Traction Citroën surgissent. Une quinzaine d'hommes descend et neutralise les cinq policiers qui assurent la protection du secrétariat d'Etat et de l'ambassade d'Allemagne. Le concierge conduit le groupe dirigé par C. Gonard devant la porte de la chambre d'Henriot. Celui-ci n'a pas jugé utile, la veille, de conserver la protection rapprochée fournie par la Milice. Charles Gonard frappe à la porte :
- "On veut enlever le ministre !" lance-t-il. Et de glisser sous la porte une carte des brigades spéciales de Constantini. La porte ouverte, Henriot se serait débattu. Charles Gonard raconte la suite : " Selon nos instructions, Desmoulins, l'un des hommes qui m'accompagnaient, voyant que cela ne se passait pas bien, a tiré. Puis nous avons été deux à donner le coup de grâce..."
Né en 1921, ce fils de polytechnicien , essaie sans succès, en 1940, de rejoindre le général de Gaulle à Londres. A Marseille, où il prépare l'Ecole coloniale, il prend contact fin 1941 avec le mouvement Combat. Ce seront ses premiers pas dans la Résistance. Peu à peu l'étudiant devient spécialiste des actions "coup de poing" avec les Groupes Francs de la région R2 (Provence-Côte d'Azur) : destructions de relais à haute tension dans les Hautes et Basses Alpes, coupures de voies dans le Vaucluse, destructions de trains de munitions allemands, exécutions de collaborateurs. Début 1944, Charles Gonard est chargé de former les Groupes francs nationaux des FFI (Forces françaises de l'intérieur) à Paris. D'autres actions suivent : destruction du fichier du STO (Service du travail obligatoire) à Versailles, attaque à la grenade d'un repaire de la bande à Spirito, rue Fontaine à Paris (Spirito, figure du milieu marseillais des années 30, engagé au sein de la Gestapo française), évasion de Jean-Pierre Lévy, chef du mouvement Franc-Tireur. Blessé le troisième jour de l'insurrection parisienne, Charles Gonard, reçut en 1945, la croix de la Libération. "Il est mort paisiblement dimanche" précisait aujourd'hui sa fille. Ses obsèques auront lieu mardi 21 juin à 15h à Saint-Louis des Invalides.