Trajectoire légionnaire : Emmanuel Beth


Ennemond, le père du général de corps d'armée (2S) Emmanuel Beth était militaire. Ses deux frères Bruno et Frédéric ont suivi le même chemin et sont, aujourd’hui, officiers généraux (1). Après Saint-Cyr, ce natif de Cherchell (Algérie) a choisi la Légion où il a passé douze ans. Au 2ème REP puis à la 13ème DBLE qu’il a commandée. Patron de la 11ème brigade parachutiste, ambassadeur, il est aujourd’hui consultant. Il revient, dans cet entretien, sur ce parcours et tout d'abord sur le coeur de sa vie, la Légion.

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Qu’est-ce que la Légion ? Des guerriers ou un capital humain ?
Depuis sa création en 1831, la Légion Etrangère a surtout été reconnue pour son aptitude et sa vaillance au combat. Les principaux faits d’armes mettent en valeur les vertus qui sont celles des légionnaires : le respect de la parole donnée, le sens sacré de la mission, la fidélité au chef et l’ardeur au combat. Ces qualités guerrières peuvent toutefois être partagées ponctuellement par d’autres corps d’élite ; c’est pourquoi il est important de noter que ce qui différencie,  avant tout, la Légion étrangère des autres entités militaires, c’est la richesse inégalable et inégalée, de son capital humain international, constitué de plus de 130 nationalités, de toutes origines et aux compétences plus que polyvalentes. C’est d’ailleurs tout le génie français d’être capable de fédérer, d’intégrer, et de mobiliser ces énergies au service de la France autour d’une devise « Legio Patria Nostra ».

Cette Légion ne fait-elle pas peur aux jeunes officiers ? Les attirer n’est plus aussi facile que naguère ?
Il est vrai qu’aujourd’hui le choix de la Légion étrangère en sortant d’école suscite parfois des questionnements de la part des jeunes officiers. Ces hésitations sont toutefois infondées au regard des richesses de la vie dans ses unités et des satisfactions de commandement apportées par « monsieur légionnaire ». Ceci implique bien sûr une disponibilité réelle, un engagement total et parfois des contraintes qui ne sont pas reproduites ailleurs. Mais n’est-ce pas là le prix à payer de l’appartenance à une troupe d’élite ? A ce sujet, le commandement de la Légion étrangère s’est engagé significativement auprès des organismes de formation pour lever les interrogations qui peuvent encore subsister.

Vous êtes un pur produit de cette « maison ». Vous avez coutume de dire que vous lui devez tout ?
Servir la Légion est en effet un honneur inestimable et une chance non quantifiable. Au travers de l’expérience acquise et des fondamentaux qu’elle diffuse, elle apporte à ses cadres un environnement, une dimension et des atouts que l’on mesure encore davantage quand on la quitte : sens de l’humain, aptitude au commandement, voire au management, capacité d’adaptation, ouverture… Alors que j’ai eu la chance d’y effectuer la totalité de mes temps de troupe et de commandement, et ayant eu à multiplier les expériences dans la diplomatie (ambassadeur de France au Burkina Faso) et dans le privé (cabinet de veille et d’accompagnement stratégique : ESL NETWORK), je mesure tous les jours la richesse de ces acquis.

Regrettez-vous de ne pas l’avoir commandée ?
Je crois que la vie militaire n’est pas faite de regrets. Il faut savoir saisir les opportunités. Ayant eu la possibilité de faire l’ensemble de ma carrière dans la troupe en son sein, j’ai commandé ensuite, avec une particulière satisfaction, la 11ème brigade parachutiste à Toulouse qui regroupe des régiments magnifiques, dont le 2ème régiment étranger de parachutistes. Dans ce cadre, j’ai pu être le premier commandant de l’opération Licorne en Côte d’Ivoire avec la quasi globalité de ses unités parachutistes, et bien d’autres encore. J’ai mesuré, à cet effet, la richesse de la diversité de notre armée de terre. A l’issue, j’ai rejoint le CPCO (centre de planification et de conduite des opérations) à l’état-major des armées pour concevoir et commander l’ensemble des opérations interarmées, sous la conduite du CEMA. Immense responsabilité également et période plus que passionnante au cœur de la politique et de l’opérationnel. Pendant deux ans, j’ai ainsi eu à gérer de très nombreuses opérations dans le monde entier et sur le territoire national, engageant des milliers et des milliers de soldats français.

Directeur de la coopération militaire et de la défense au ministère des affaires étrangères, vous vous engagez en 2006 dans votre dernière ligne droite de soldat avant de devenir ambassadeur au Burkina-Faso (2010-2013). Un militaire peut-il être un bon diplomate ?
Je suis convaincu effectivement que le métier militaire, et son dispositif de formation, valorisé par mon expérience légionnaire comme je le rappelais précédemment, prépare remarquablement bien à une multitude de responsabilités quels que soient les secteurs. Pour ce qui concerne la diplomatie, les expériences opérationnelles vont de pair, à partir d’un certain niveau de responsabilités, avec la prise en compte des champs politiques et diplomatiques. « L’engagement militaire n’est que la continuité de la politique, mais avec d’autres moyens », écrivait Clausewitz. Je pourrais rajouter : « le métier d’ambassadeur n’est que la continuité du militaire, mais dans un cadre différent et complémentaire ». Ce fut donc une opportunité extraordinaire dont je dois remercier le Quai d’Orsay. Il faut, à ce stade, noter qu’au-delà des appréhensions initiales compréhensibles, les équipes de l’ambassade ont d’emblée adhérer au mode de management, servant ainsi l’efficacité globale du poste.

Où va le Burkina-Faso après Blaise Compaoré ?
Le Burkina Faso a connu fin octobre une crise majeure avec le départ de son président en exercice. La situation était insurrectionnelle. Alors que les pires scénarios étaient à craindre, le peuple et les élites burkinabè ont remarquablement su gérer cette crise. Le pays est maintenant engagé dans un processus de transition dont on espère qu’il pourra déboucher sans accrocs sur de nouvelles échéances présidentielles en octobre 2015. Cette évolution est d’ailleurs significative d’un peuple dont les structures culturelles et identitaires ont pendant trois ans fait mon admiration : sens du dialogue et de la tolérance, amabilité et convivialité, ardeur au travail et résistance aux situations difficiles, respect des structures traditionnelles et religieuses … Pourvu que cela dure !

(1) Bruno Beth vient d'entrer en deuxième section. Quant à Frédéric, il est directeur de cabinet du directeur général de la DGSE.

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