J’ai toujours considéré Hubert Germain
comme l’archétype de l’engagement, fruit d’un héritage familial et national.
Des notes recueillies depuis une vingtaine d’années lors de quelques
conversations, j’extrais cette phrase, qui résonne différemment en cette fin
octobre 2020. Il parlait de la IIIème République et des valeurs de liberté, de
fraternité et d’égalité qu’elle se devait d’incarner « A ce titre,
l’instruction laïque en devenant le principal vecteur d’émancipation des
individus, constituait le ferment essentiel d’une société qui se voulait plus
juste. » Le futur compagnon de la Libération ne se pose guère de
questions en 1940, lorsque Pétain demande l’armistice. « Comment
voulez-vous qu’à dix-neuf ans, avec ce qui s’était forgé en moi, l’amour de mon
pays, de ma terre, mon désir de devenir officier, je ne refusasse pas de servir
les Allemands » déclare-t-il à Marc Leroy qui a réuni ses entretiens dans
un livre Espérer pour la France que viennent de publier les
éditions Les Belles-Lettres. Le 24 juin, Germain alors en classe préparatoire
au lycée Montaigne à Bordeaux, est à Saint-Jean-de-Luz où il parvient à
embarquer sur un navire transportant des militaires polonais. Londres et le général
de Gaulle, la Syrie, l’école des officiers à Damas et à sa sortie, la Légion
étrangère où il tient à servir. Plus précisément, la 13e demi-brigade
(13e DBLE) ralliée dès le 29 juin au général de Gaulle. Il
enchaine les combats : Bir Hakeim, El Alamein, l’Italie où le jeune
officier est blessé. Enfin la campagne de France. Qui lui permit, raconte-t-il
dans l’ouvrage de faire « la différence entre la France et les Français.
Il faut bien comprendre qu’il n’y a jamais eu de levée en masse au moment de la
Libération... » Viennent les retrouvailles, à Grasse, avec sa mère qui,
dans un premier temps, ne le reconnait pas. Un peu plus tard avec son père,
général d’armée, suspect aux yeux de Vichy et déporté en Tchécoslovaquie en
1943. Dans l’après-guerre, après avoir quitté l’armée, l’ex lieutenant mènera
une carrière politique, notamment au cabinet d’un autre légionnaire, Pierre
Messmer, ministre des Armées. L’ancienne ordonnance du général Koenig,
deviendra ensuite député de Paris puis ministre du président Georges Pompidou.
Hubert Germain raconte dans ce court livre (90 pages), avec pudeur, ces
engagements qui ont pour ciment l’amour de la France. A 100 ans, depuis le 6
août dernier, il n’a plus rien à prouver. Mais nous lecteurs avons tant à
puiser dans cet héritage...
Espérer pour la France, Les Belles-Lettres, 2020, 17€