« Mon petit, ridicule, mesquin Daech, je te dois un aveu : moi aussi, je suis un pervers et un idolâtre. J'aime la vie, le métal, les restaus et, parfois même, regarder un match de foot »
Journaliste toulousain, Simon Castéran a perdu, vendredi soir, sa cousine Madeleine. Sur son blog, lessermonsdulundi.com, mon confrère adresse à Daech cette lettre qui est en train de faire le tour du monde. En voici de larges extraits.
J'ai bien lu
ton communiqué de presse victorieux. Comme on l'imagine, tu dois être heureux
du succès de tes attaques menées vendredi soir à Paris. Massacrer des civils
innocents qui ne demandaient qu'à jouir d'un bon match de foot, d'un concert de
métal ou tout simplement d'un petit restau entre potes, ça défoule, pas vrai ?
Alors certes, ça ne te change pas beaucoup des milliers d'exactions commises
quotidiennement, depuis des années, en Irak et en Syrie. Mais en bonne
multinationale des lâches et des peine-à-jouir que tu es, il te fallait
t'imposer sur le marché occidental. Ce que tu as fait, dès janvier, avec
l'attentat de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher. Toutes mes félicitations :
grâce à tes happenings sordides et sanglants, la marque Daech est plus forte
que jamais. Elle a même effacé jusqu'au souvenir d'Al-Qaeda qui, à côté de toi,
semble désormais presque raisonnable.
Donc, tu as
tué. Oh bien sûr, pas par goût du sang et de la violence, mais au nom « d'Allah
le Très Miséricordieux ». Moi qui croyais que la « miséricorde » suppose la
bonté et l'indulgence envers les autres, je ferais mieux de jeter mon
dictionnaire. Et de m'acheter une Kalachnikov et des grenades, pour m'en aller
distribuer à mon tour amour et compassion partout où vous vous trouvez. Avant
de laisser, sur vos corps enfin bénis, la photo de ma cousine Madeleine, que
votre miséricorde a lâchement assassinée vendredi au Bataclan.
L'eussiez-vous
connue, que vous l'auriez détestée immédiatement. C'était une femme libre et
heureuse, pleine de cette lumière intérieure qui vous manque tant. Horreur
suprême, c'était aussi une intellectuelle, qui aimait son métier de prof de
lettres en collège. Car oui, chez nous, les femmes ont non seulement le droit
d'être éduquées, mais aussi d'enseigner. Tout comme elles ont le droit d'aller
où bon leur semble, d'écouter de la musique, de boire de l'alcool et d'aimer
qui elles veulent. Sans burqa, ni violence. Bref, de jouir de cette liberté qui
vous fait tant horreur. Et dont Paris, «la capitale des abominations et de la
perversion», dis-tu, s'est fait depuis longtemps la représentante.
Oui, chers
sœurs et frères, n'en doutons pas : l'abomination et la perversion n'est pas à
chercher dans le massacre d'innocents par des fanatiques surarmés, qui
travestissent le Coran en un manuel du parfait petit terroriste, mais dans
cette vie païenne, faite de plaisirs et de joie. Cette « fête de la perversité »
qui réunit, de semaine en semaine, des milliers «d'idolâtres» ; lesquels, au
lieu d'adorer la Mort comme vous le faites en « (divorçant) de la vie d'ici-bas
», préfèrent se rassembler pour communier ensemble, dans un instant de partage
et d'adoration de l'existence.
À ce titre,
mon petit, ridicule, mesquin Daech, je te dois un aveu : moi aussi, je suis un
pervers et un idolâtre. J'aime la vie, le métal, les restaus et, parfois même,
regarder un match de foot. Mea culpa, mea maxima culpa. Je suis un Croisé,
comme tu dis. Un Croisé de la liberté, de l'amour et de la convivialité ; à la
différence, cependant, que contrairement à toi, j'ai évolué depuis le Moyen
Âge. Ma religion n'est pas faite de fer et de sang, comme la tienne, mais de
chair et d'espoir. Aussi, si tu veux un bon conseil, mon cher Daech,
dépêche-toi : car l'Histoire est sur tes talons, et déjà les Lumières que tu veux
éteindre menacent ton califat d'un autre âge...