Témoignage d’un Nouméen : « Les vendeurs de mensonges sont aussi coupables que ceux qui n’ont pas voulu voir la chronique d’une mort annoncée… »



Lorsqu’il parle des émeutes, David a encore de la colère dans la voix. Présent depuis 15 ans en Nouvelle-Calédonie, cet homme de 43 ans vient d’arrêter son activité dans le tourisme. Un secteur au point mort qui était déjà morose ces dernières années, après des attaques de requins.

Sur le terrain
En ce début octobre « les forces de l’ordre ont repris le contrôle de la situation, non sans difficultés » témoigne cet habitant de Nouméa. Mais « un embrasement dans le nord, n’est pas exclu » craint-il. Le couvre-feu vient d’ailleurs d’être prolongé jusqu’au 14 octobre par le haut-commissaire. Autre exemple de cette situation éruptive, pour les élèves dans le sud du Caillou, l’accès aux cours reste compliqué. La situation en périphérie de Nouméa, à Saint-Louis et au Mont-Dore est, elle, très loin d’être réglée.

Mi-mai

Revenant sur les débuts de l’insurrection, le quadragénaire raconte cette peur qui l’a envahi : « Le mardi 14 mai, c’est un cauchemar. Ce sont des appels à la haine, des violences ciblées contre les non-kanak. Il y a une envie de la part des gens de la CCAT* de faire peur, de détruire. Des jeunes sur le rond-point à côté de mon domicile ont jeté des cocktails molotov sur nos voitures. Les policiers étaient débordés. Les émeutiers étaient organisés, coordonnées, certains avaient des radios…»

Une réponse : des barricades
« Les premières nuits ont été très longues avant l’arrivée des renforts de gendarmerie ou de police venus de métropole. Face à la fureur, nous avons érigé des barricades afin de protéger nos familles et nos biens. » Ainsi sont créés les « Voisins vigilants ». Ce sont des « des pères, des mères, des jeunes, des personnes âgées, des propriétaires, des locataires, des pauvres, des gens plus riches… » détaille David. Beaucoup ont craint pour leur vie.
« En même temps que la violence, des indépendantistes de la CCAT ont alors joué la carte de la victimisation, expliquant être les cibles de milices qui patrouillaient pour les abattre » poursuit notre interlocuteur.

L’économie exsangue
Le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Nouvelle-Calédonie a évoqué sur ce blog, le 13 août, l’état de l’économie locale après les émeutes, la hausse des prix qui a suivi, conjuguées à la situation désespérante du secteur du nickel. « Plus rien ne pourra se faire sans l’aide de la France » commente David. Le territoire a connu une hausse vertigineuse du nombre de chômeurs. La population kanak est aussi touchée. « C’est pour leurs enfants que la situation risque d’être catastrophique » pronostique l’ancien chef d’entreprise. Parlant à nouveau de cette CCAT, David lâche « on est loin du mouvement américain des droits civiques, ce ne sont pas les Black Panthers ».

Demain
« Les gens qui peuvent partir vont le faire…et ce sont surtout ceux qui payent des impôts » ajoute notre interlocuteur. Notant que pour lui « le FLNKS a perdu la main, les jeunes en veulent aux vieux qui leur ont vendu du rêve. Les vendeurs de mensonges sont aussi coupables que ceux qui n’ont pas voulu voir la chronique d’une mort annoncée. »

*Créée en novembre 2023 pour s’opposer au projet de dégel du corps électoral, la Cellule de coordination des actions de terrain est une organisation indépendantiste kanak

Photo ©Noémie Dutertre/ NC La 1ère

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