Michel Rocard
Il ne saura pas, dans les prochains mois, quel avenir se choisiront les Calédoniens. Car il restait très attentif à ce devenir. Acceptant de participer aux colloques concernant l'avenir institutionnel du territoire, jamais avare de confidences sur les coulisses de l'accord de Matignon, en juin 1988. Qui mettait fin à des années de guerre civile. Que l'on nommait alors avec pudeur "événements". L'événement résida dans la construction politique imaginée par le Premier ministre Michel Rocard après la prise d'otages d'Ouvéa (22 avril-5 mai 1988, 6 militaires, 19 indépendantistes tués). Une mission du dialogue savamment construite, puis des négociations qui se terminèrent par une nuit à Matignon, au cours de laquelle le chef du gouvernement sut hausser le ton pour parvenir à la poignée de mains entre le leader anti-indépendantiste, Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, le responsable du Front de libération national kanak et socialiste (FLNKS). Ce dimanche matin-là, le 26 juin, Michel Rocard, le visage fatigué mais souriant, s'exprima pourtant peu. Il laissa aux signataires la vedette. Michel Rocard réussit dans une entreprise extrêmement complexe, alors que jusqu'ici les tentatives mitterrandiennes avaient échoué. Bien plus tard, Michel Rocard nous réunit, nous les journalistes qui avions suivi l'ensemble du dossier calédonien, à Matignon, avec nos familles, autour d'un verre. Pas de grand discours ; il eût des mots spontanés et sincères pour chacun d'entre nous. Un groupe, une histoire, des hommes, des femmes ayant un champ commun. C'était là sa manière d'être, tout simplement.