Mort de Claude Lepeu, Compagnon de la Libération
Je l’avais rencontré il y a quelques semaines dans son
appartement de l’ouest de Paris. Il était fatigué. Devenu aveugle, l’ancien
artilleur (95 ans) accueillait toutefois ses visiteurs avec un grand sourire. Une
fois de plus, il avait raconté ses vingt ans, « cette guerre qui a changé
toute ma vie. » Le 21 juin 1940, l'étudiant de 19 ans quitte la France en s'embarquant, à Saint-Jean-de-Luz, sur un navire polonais. Engagé huit jours plus tard dans les Forces françaises libres, il est donc affecté à la 1ère batterie d'artillerie en voie de constitution.
Suit le parcours classique de ces hommes partis combattre sous la bannière du général de Gaulle : Dakar, le Cameroun, la campagne de Syrie, la Libye. Blessé lors de la sortie de vive force de Bir-Hakeim (nuit
du 10 au 11 juin 1942), il nourrissait un regret : ne pas avoir participé
à la libération de Paris, sa ville.
Cette balle reçue au pied gauche, Claude Lepeu s’en
souvenait comme si les faits remontaient à quelques jours. Des champs de mines,
des véhicules qui sortent à 20 kms, les tirs allemands, son voisin qui
s’effondre tué et sa blessure. « J’ai voulu retirer ma chaussure. C’était
impossible ». Il se fait un garrot. Quelques heures plus tard, les Anglais
lui donnent les premiers soins. Il était temps. Il va être opéré au Caire. Le
chirurgien anglais n’est pas optimiste sur ces chances de sauver son pied.
Pourtant, il le sera. Mais la plaie s’infecte. Face à l’avancée allemande, les
Anglais l’évacuent. Un médecin français introduit des asticots qui nettoient la
plaie. Nouvelle opération à Beyrouth sous anesthésie locale. Puis à Damas, par
un autre chirurgien français. Retour à Beyrouth où une septicémie se déclare.
L’extrême onction qui lui est donnée…
Claude Lepeu était Compagnon de la libération depuis le 9 septembre 1942. Quatorze sont encore en vie.