Hubert Germain, dernier Compagnon de la Libération : "Mon père avait été viré par Pétain"
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Je n'avais pas eu l'occasion de remettre à
Hubert Germain, mon ouvrage consacré aux
Compagnons de la Libération de son régiment, la 13e Demi-brigade de Légion
étrangère (DBLE). C'est toujours un grand plaisir de passer un peu de temps
avec lui. Après trois livres sur le sujet dont l'un sera réédité en juin, je
suis toujours à la recherche de ce temps perdu, regrettant de n'avoir pas
entamé ce travail sur ces 1038 hommes et femmes titulaires de la croix de la
Libération plus tôt. Chaque fois que je rencontre Hubert Germain depuis quinze
ans, mon carnet s'enrichit d'anecdotes. Ou en développe d'autres. Ainsi nous
avons évoqué avec celui qui est désormais le dernier Compagnon de la Libération, son retour en France lors du débarquement de Provence en août 1944. Il a 24 ans et est lieutenant. Il souhaite revoir le plus rapidement possible ses parents (son père est général d’armée). Seule
information dont il dispose, ceux-ci sont retirés à Grasse (Alpes-Maritimes).
- "Mon père, qui
avait été viré par Pétain, habitait là, en retraite. Je suis arrivé, j’ai
cherché où ils pouvaient habiter. Et c’est dans un café que j’ai su que mon
père avait été déporté. Quand vous recevez cela en pleine figure ça vous file
un choc même si vous dites qu’il y a encore ma mère et ma sœur. J’ai cherché.
J’ai sonné à une maison. J’ai entendu un pas lourd, la porte s’est ouverte.
Vous voyez une femme vieille, les cheveux gris-blanc. La mauvaise teinte. Les
yeux las. Le malheur et la lassitude inscrits sur le personnage et qui se dit
en me voyant devant la porte : « Ah, les pépins vont
continuer. »
- «Que puis-je pour vous lieutenant ?» Cette femme ne me reconnaissait pas. C’est à ce moment-là que ma sœur a surgi. « Mère, tu ne reconnais pas ton fils ?» Qu’elle ne me reconnaisse pas, c’est normal, elle avait quitté un gamin et elle retrouvait un homme en uniforme. Mais ça, c’est atroce ! J’ai dit à ma sœur de venir avec moi et nous sommes montés dans la jeep pour aller voir le sous-préfet qui était encore celui de Vichy et n’avait pas encore été remplacé. Je lui ai dit qui j’étais et que mon père avait été arrêté par la police française, livré à la Gestapo et envoyé en camp de concentration. Le sous-préfet a alors fait son ignorant. Je lui ai dit : « Vous avez douze heures. Douze heures pour que ma famille soit rétablie dans tous ses droits d’abord et dans sa dignité.» Le menaçant de le coller au mur si dans les douze heures il ne « s’exécutait » pas."
Son père rentre de déportation. Hubert Germain prévenu par un télégramme de l’hôtel Lutetia* va l’accueillir à la gare de Cannes. "Il est arrivé et cherchait si un membre de la famille était là. Je l’ai pris dans mes bras. Pour pleurer, il s’est mis de côté. Nous sommes sortis de la gare et je lui ai dit : « Papa, tu n’es plus papa, tu es le général Germain, il y a ici une compagnie de Légion qui est là pour te rendre les honneurs. Et on lui a rendu les honneurs. Il était vivant mais vide…"
* Transformé alors en centre d'accueil pour les survivants des camps de concentration.