La guerre politique de Vladimir Poutine (2e volet), la démographie russe estropiée
L’âge moyen des militaires russes tués en Ukraine serait de 36 ans. L’âge où l’on fonde une famille, où on la renforce. Le taux de mortalité élevé des militaires des Forces armées de la Fédération de Russie (voir premier volet), l’émigration importante qui a suivi l’engagement de « l’opération militaire spéciale » contre l’Ukraine, estimée à 700.000 Russes par le magazine Forbes, et donc le taux de natalité faible impactent la démographie du pays.
Un déclin engagé dans les années 1990
De 148,3 millions d’habitants en 1992, la population russe était de 143,4 millions en 2022. En 2028, selon les prévisions, elle devrait se situer à 141,4 millions. Tout dépend évidemment de ce facteur aléatoire qu’est la durée de la guerre. D’autres éléments sont également à prendre en compte, comme les conséquences psychologiques du conflit sur les combattants : augmentation de l’alcoolisme, violences intrafamiliales…
En novembre 2024, le porte-parole de Vladimir Poutine reconnaissait dans une interview à RIA Novosti que son pays (56% de femmes, 44% d’hommes) se trouvait « dans une situation démographique très tendue. »
Avenir démographique incertain
En juillet 2024, le Kremlin avait déjà qualifié cette situation de « catastrophique pour l’avenir de la nation. » Selon le Service fédéral des statistiques de l’Etat russe (Rosstat), le taux de fécondité en 2023 était de 1,41 enfant par femme, bien au-dessous du seuil de renouvellement de la population. Entre janvier et septembre 2024, « seulement 920 200 naissances ont été enregistrées, soit une baisse de 3,4 % par rapport à l’année précédente. » Ce chiffre est le plus bas depuis la fin des années 1990. Parallèlement, le déclin de la population s'est accéléré de 18 %, avec 49 000 décès supplémentaires enregistrés en 2024 par rapport à l'année précédente. Aujourd'hui, l'espérance de vie en Russie est inférieure à ce qu'elle était en 2018-2019, et l'écart entre la mortalité masculine et féminine s'est creusé pour atteindre près de 11 ans. Ajoutons à ce panorama que le nombre de familles monoparentales est en augmentation depuis une vingtaine d’années et que 73% des mariages finissent en divorce (45% en France).
Les scénarios et méthodes
Le renforcement démographique a toujours été une priorité de M. Poutine, depuis son arrivée au pouvoir en 1999. En tentant d’annexer l’Ukraine et ses 45 millions d’habitants, il espérait augmenter la population. Même si la Russie a besoin des migrants pour renforcer sa main-d’oeuvre, en particulier venus des ex-républiques d’Asie centrale soviétique « La Russie a besoin des travailleurs de cette région, mais se méfie en même temps d'une immigration excessive » tempérait, en 2022, Bruno Tertrais, expert associé à l’Institut Montaigne. Des républiques aujourd’hui indépendantes dont la démographie est à l’inverse de celle de la Russie.
Autre scénario catastrophe : l’annexion de territoires à l'Ouest aiderait la Russie évidemment à résoudre son problème démographique… Enfin Moscou a usé d’une autre méthode, révoltante : « russifier » des enfants ukrainiens déportés. On estime à 20.000 ceux-ci mais ce chiffre reste à confirmer.
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