jeudi 26 avril 2012

Histoire de Camerone, Christian Morisot


Illusions perdues
par le chef de bataillon (er) Christian Morisot


Nous avions ce jour là, comme disent les marins, un vent favorable et les effluves des andouillettes que nous avions habilement grillées semblaient aimantées par la Place d’Armes où se déroulait la commémoration du célèbre combat de Camerone.
Ces fantômes, ectoplasmes de fumée, venaient délicatement frôler de leur émanation odorante les narines de tous les participants à la cérémonie, provoquant chez eux, un dérèglement hormonal incontrôlable. Leurs horloges biologiques détraquées indiquaient que l’heure du repas avait largement sonné. Nous ne pouvions nous rendre sur la place, notre priorité était la préparation de « l’après défilé », il nous fallait organiser la « méga-bouffe » des affamés, le déjeuner rapide de tous les amateurs de repas « fast-food », la kermesse qui suivait ne pouvait attendre.
Pris d’une envie pressante, je me dirigeais, tout naturellement, vers les toilettes chimiques industrielles, l’urgence commandait de ne point trop attendre, même si l’accès à ces dernières était rendu difficile par l’installation imprévue de tentes qui  rendaient le parcours particulièrement  tortueux.
A mi-chemin,  je constatais que j’étais suivi par une magnifique jeune femme vêtue d’un tailleur chic qui soulignait à la perfection sa taille fine. L’instant était à la tactique d’approche, je zigzaguais, m’arrêtais ; elle zigzaguait et s’arrêtait, plus de doute, la jolie personne me suivait. Devant cette situation autant inattendue qu’agréable, je décidai de faire front, je me lançais à affronter de face la jolie môme en lui demandant de but en blanc, cœur battant, pourquoi donc, me suivait-elle ?
Celle-ci m’offrant son plus joli sourire et empruntant la même voix que les hôtesse de l’air à Orly me dit qu’elle avait demandé à un monsieur l’endroit des toilettes, il lui avait répondu : « suivez le monsieur joufflu, il y va ! ».
Je la regarde interloqué, désemparé et je me mets audacieusement à citer, tout haut, une longue litanie apprise dans mon jeune temps : « Ô ! rage, Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie. Ô cruel souvenir de ma gloire passée ».
Sans se départir de son merveilleux sourire, la femme à l’allure altière me lança une œillade à faire fondre un régiment de sapeurs et malicieusement me dit : « Très joyeux Camerone, monsieur ! »
Les andouillettes ce jour là avaient un drôle de goût…