"La délation est fondée sur l’intérêt personnel"
Evoquant les coulisses de la
bataille sanitaire qui est en train de se dérouler, un médecin urgentiste m’écrivait
hier, ceci : " Il y a les grands élans de générosité et les
applaudissements de 20h mais aussi des vols de matériel, des soignants trouvant
chez eux ou sur leur voiture des messages anonymes : allez-vivre
ailleurs ! Tous les comportements humains s’observent des plus nobles aux
plus primitifs où l’instinct de survie dépasse la raison. " Le philosophe
André Comte-Sponville donne une définition précise de la délation : " C’est
une faute, car elle n’est pas fondée sur l’amour de la justice, sur la volonté
de protéger des victimes mais sur l’intérêt personnel. " Sur les réseaux
sociaux, nombreux sont celles et ceux qui tracent un parallèle avec la délation
qui a sévi dans la France vaincue et occupée par les nazis, à partir de 1940. Dans
un livre qui lui est consacrée, La délation
sous l’occupation (Alain Moreau éditeur, 1983), André Halimi, rappelait que " l’horreur, la mesquinerie, la lâcheté, la bêtise, la veulerie sont
aussi, comme leurs contraires, les vrais ingrédients de l’histoire. " Les
historiens se sont peu intéressé au phénomène. On peut toutefois estimer le volume de lettres
envoyées à l’administration vychiste, en particulier au Commissariat général aux
questions juives, et aux autorités d’occupation à quelques centaines de milliers,
comme le pense l’un des rares historiens à l’avoir fait, Laurent Joly. Robert
Aron dans son Histoire de l’épuration,
rappelle que le comité médical de la Résistance, où figurent Pasteur
Valery-Radot, le professeur Milliez, le professeur Debré, trouve dans les
bureaux vides du ministère de la Santé publique, des quantités de lettre de
dénonciation les concernant. Mais le phénomène ne s’est pas arrêté en 1944-45…