Avec Daniel Cordier, les combattants de la Seconde Guerre mondiale sont en train de disparaître.

 

Monument aux morts de Wattignies-la-Victoire (Nord).

Sans que l’on y prenne garde, c'est une génération qui, inexorablement, est en train de disparaître. Celle de nos parents, grands-parents ou arrière grands-parents. Celle des combattants de la Seconde Guerre mondiale. Des visages hétérogènes. Militaires de carrières ou rappelés, prisonniers temporaires ou durant quasiment cinq années, résistants de l’intérieur, des colonies, Français libres, soldats de l’armée d’Afrique d’abord fidèles au Maréchal puis fin 42 s’engageant auprès des Forces françaises libres (FFL). N’oublions pas d’autres traits, ceux qui choisirent l’autre côté, Vichy…

  Fils de Poilus

Enfants, adolescents, ces hommes ou ces femmes avaient côtoyé les poilus survivants, les mutilés, les gueules cassées, ceux qui avaient fait Verdun ou les Dardanelles…ces miraculés de l’enfer, ces taiseux considérant que le malheur enduré dans les tranchées ne se raconte pas. Ces hommes valeureux qui devaient continuer à vivre accompagnés d’encombrants compagnons nocturnes, les cauchemars. Ces malheureux dépossédés de leur jeunesse avaient pour point commun d’affirmer « Plus jamais ça ! » Et pourtant. Leurs héritiers, ces combattants de la guerre à venir, croisaient quotidiennement les femmes définitivement habillées en noir, portant le deuil d’un mari, d’un père, d’un frère, d’un fiancé. Tous étaient nés avec des monuments aux morts encore neufs... Leur aînés leurs disaient souvent : « Tais-toi, toi tu n’as pas fait la guerre ! » Leur heure allait venir.

                                                      1940

Ma génération a vu le jour dans l’ombre des combattants et combattantes de l’autre guerre, celle qui n’aurait pas dû venir, la seconde. Qu’en reste-t-il ? Des trajectoires limpides ou tortueuses, des blessures visibles ou enfouies, des secrets de famille dans une France que l’on annonçait rapidement réconciliée. Face au courage des uns, on avait gommé de ses souvenirs la lâcheté des autres, ainsi ces abjects anonymes qui rendaient alors la Poste prospère, tant les lettres de dénonciation étaient nombreuses. Ce n’est que plus tard, après ces années de reconstruction suivies des « Trente glorieuses », que l’on regarda différemment, avec une nouvelle génération d’historiens, français et étrangers, ces années dites noires. Bien qu’il ne soit pas toujours simple de séparer le bon grain de l’ivraie. Même s’il est confortable de se prononcer lorsqu’on connait la fin de l’histoire. Une question m’a toujours obsédée: « qu’aurais-je fais en 1940 ou les mois suivants ? » Je n’aurai évidemment jamais à me prononcer mais comme tout journaliste, j’aime bien qu’à une question succèdent des mots. Mais là, c’est impossible. 

Cordier et Germain

Des hommes comme Daniel Cordier et Hubert Germain ont, eux, répondu. Très clairement. En ce mois de juin, ces eux jeunes garçons de 19 ans ont transformé leur désappointement en fougue, le 17, après l’intervention radiophonique du maréchal Pétain annonçant la demande d’armistice. L’action plutôt que la raison ? Heureusement que quelques individualités, souvent très jeunes, ont choisi de partir pour tenter de continuer de se battre contre « le boche » et le renoncement. Avec qui ? Ils l’ignoraient. Où aller ? Même chose. En Afrique du Nord avec l’armée d’Afrique, en Grande-Bretagne avec les Anglais (quelques-uns avaient entendu un général français sur les antennes de la BBC parler, ou lu son nom le lendemain dans les journaux), au Canada ? Ces deux aventuriers, appareillant, séparément, du Pays Basque sont revenus vivants de près de cinq années de guerre. Eux, comme les autres compagnons de la Libération que j’ai côtoyés depuis une vingtaine d’années, ont affiché en permanence l’humilité. Aux Invalides, ce jeudi, en regardant le cercueil de Daniel Cordier c’est à l’engagement de la jeunesse, au désintéressent, au don de soi, à l’acte de foi qu'hommage a été rendu.

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