Les infatigables tentatives d’influence russes en Moldavie

 


« Les ingérences russes ? Elles font partie de notre patrimoine » explique amusé un artiste moldave vivant en France. « L’ingérence, la désinformation de Moscou sont anciennes. Depuis l’indépendance… » intervenue en 1991 avec la fin de l’URSS. La présidente moldave en 2023 déclarait, en écho, que « le projet de la Russie d’entreprendre des actions subversives sur le territoire de notre État n’est pas nouveau ».

Battre la présidente sortante
Moscou a en effet toujours souhaité conserver une influence sur son ancienne république. Maia Sandu, la cheffe d’Etat moldave, accusait ainsi publiquement la Russie de vouloir déstabiliser son pays, usant de ses armes habituelles : cyberattaques, désinformation (fausses vidéos d’elle-même), chantage économique et soutien aux opposants de cette économiste pro-européenne. « Des tentatives infatigables » commente un diplomate européen qui a été en poste à Chisinau, la capitale. Un exemple avec la présidentielle de l’automne dernier. Selon des chiffres émanant du ministère de l’intérieur le Kremlin aurait engagé 90 millions d’euros pour soutenir Alexandru Stoianoglo (voir post du 6 novembre 2024), challenger de la présidente sortante, qui a été réélue (55% des voix).

UE objectif compliqué 

Autre relais de Moscou en Moldavie, Evghenia Gutul, gouverneure de la province (autonome) turcophone de Gagaouzie*, sponsorisée par Ilan Shor, aujourd’hui réfugié en Russie dont il vient d’obtenir la nationalité. Cet oligarque a été condamné dans son pays d’origine à 15 ans de prison pour avoir fait partie des bénéficiaires du scandale dit du « milliard volé » de 2014.
Les électeurs moldaves, le 20 octobre dernier, lors du premier tour de la présidentielle étaient également amenés à se prononcer par référendum sur le projet d’inscrire dans sa Constitution l’objectif d’adhésion du pays à l’UE. « Elue une première fois en 2020, Maia Sandu s’est présentée pour un nouveau mandat avec un message clair en faveur de la poursuite du rapprochement avec l’Union européenne dans ce contexte de guerre en Ukraine » commente Florent Parmentier, secrétaire général du CEVIPOF et spécialiste de la Moldavie. Le « oui » l’a emporté d’une courte tête, 50,3%. La majorité des régions du pays s’est prononcé à plus de 50 % pour le « non ». « C’est en Gagaouzie – en partie instrumentalisée, elle aussi, par Vladimir Poutine – que le rejet de l’UE a été le plus fort : 95 %. 
C’est la diaspora qui a fait pencher la balance vers le "oui " en se prononçant en sa faveur à 77 % » précise Louise Soubervie, chercheuse à l’IRIS. Ainsi en France, plus de 79 % des Moldaves ayant pris part au vote dans les 20 bureaux à leur disposition, ont soutenu ce virage pro-européen. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer les quelques 20% d’opposition parmi lesquels : l’influence des médias sociaux pro-russes et un scepticisme à l’égard des bénéfices de cette adhésion…

L’épine transnistrienne
La Moldavie qui est l’un des sept voisins de l’Ukraine n’est pas sur la ligne de front. Pays de 2,4 millions d’habitants, il accueillerait 135 000 réfugiés ukrainiens selon les chiffres fournis par l’Inspection générale pour la migration dont près de la moitié sont des enfants et des personnes âgées. Comme son grand pays voisin visé par l’impérialisme russe, son histoire contemporaine est douloureuse avec ses milliers de citoyens déportés par Staline. Peuple arraché à la Roumanie en 1940, les Moldaves ont notamment été condamnés à écrire leur langue en alphabet cyrillique. Le 31 août 1989, le pays, encore socialiste, est repassé à l’alphabet latin.
En 1991, les nouvelles autorités se sont attaquées à extraire « les racines du mal «, c’est-à-dire le parti communiste. Le défi le plus important était alors d’éviter des affrontements entre la majorité des citoyens roumanophones (65%) et une minorité russophone refusant de devenir roumaine, vivant en particulier dans l’est de la Moldavie « la république moldave socialiste soviétique du Dniestr 
», devenue la Transnistrie qui a aussitôt fait sécession**. Une guerre, qui a pris fin en 1992, a suivi et a fait, selon les chiffres communément admis, 2 000 morts et 100 000 déplacés.
La Transnistrie, c’est une étroite bande de terre pro-russe, qui représente 10% du territoire moldave, dans laquelle Moscou maintient 1 500 militaires*** et sur laquelle sont entreposés des stocks d’armes. Mais comme les autres membres de l’ONU, la Russie ne reconnait pas « le gouvernement » de Tiraspol. Mais indique Florent Parmentier, « contrairement à certaines attentes, les troupes transnistriennes, qui se situent à seulement quelques dizaines de kilomètres d’Odessa, n’ont pas franchi la frontière ukrainienne le 24 février 2022… ». 
Moscou mise maintenant sur la victoire de son poulain, dimanche, en Roumanie pour accroître son influence et prendre en tenaille la Moldavie.

*134 000habitants
**Un compromis politique sera trouvé en 1994
***Groupe opérationnel des forces russes en Transnistrie

Illustration : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/

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