Camerone 2021, général Alain Lardet : « Ce 158ème Camerone croise les 100 ans de notre devise, Honneur et Fidélité »

 

Camerone 2013, A. Lardet, alors colonel, devant le monument aux morts à Camaron de Tejeda (Mexique) ©DR/LE
 

Pour la deuxième année consécutive, le 30 avril, la Légion étrangère célébrera l’emblématique combat de Camerone sans invités ni public, crise sanitaire oblige. Que ce soit dans les régiments ou au quartier Viénot à Aubagne (Bouches-du-Rhône) qui abrite le 1er Régiment étranger et le Commandement de la Légion. Le général Alain Lardet, qui commande depuis l’été dernier les képis blancs, détaille dans dans l’entretien ci-dessous cet intime 158e Camerone.

 - Un Camerone 2021 qui se déroulera, une nouvelle fois, à huis clos ?

 Une nouvelle fois, oui, pour la deuxième année, les conditions sanitaires ne permettent pas de partager cette commémoration avec les amis de la Légion étrangère et le public des garnisons de nos régiments. Même nos familles ne pourront assister à ce moment de communion autour de notre histoire militaire. C’est un vrai manque que nous intégrons bien sûr, mais il n’est pas anodin. Mes deux derniers enfants me le disaient encore la semaine dernière : « Tu te rends compte, depuis le mois d’août dernier, nous n’avons pas assisté à une seule prise d’armes ! ». Lors de celle-ci les légionnaires gonflent la poitrine lors du défilé, les associations d’anciens marquent leur fidélité par leur présence massive, les enfants, fiers, débutent l’entraînement à l’ordre serré, de quoi ravir les épouses, contentes de se revoir, bref elle est bien l’expression de la solidarité qui doit unir les membres d’une même famille.

- Vous préservez l’essentiel ?

Comme l’année dernière, les contraintes extérieures ne pourront nous priver de ce moment intense où chaque légionnaire, revisitera les dix heures de combat de la compagnie capitaine Danjou. Ce dernier, conscient de l’issue inéluctable du combat, à un contre trente, posa un acte fondateur de la Légion étrangère. Il fit promettre à ses légionnaires de se défendre jusqu’à la dernière extrémité. Il l’ont fait et chaque année, le 30 avril, nous écoutons la manifestation de la marque légionnaire : « La mission est sacrée, tu l’exécutes jusqu’au bout… » Pour l’essentiel, il n’y a pas besoin de public pour écouter et soupeser le poids de la fidélité. Pensons à la première mise en valeur de Camerone en 1906 par le lieutenant François dans son poste de Ta Lung à la frontière de Chine ou à tous ces légionnaires engagés en opération, isolés un 30 avril.

- Quel est le thème de ce Camerone 2021 ?

Ce 158ème anniversaire du combat de Camerone croise un autre anniversaire : les 100 ans de notre devise « Honneur et Fidélité ». Il y a 100 ans, nos drapeaux arboraient cette devise, pour la première fois, sur décision du ministre de la Guerre et sur demande du lieutenant-colonel Rollet. Selon la belle formule de Louis d’Estouteville* « Là où est l’honneur, là où est la fidélité, là seulement est la patrie », nos légionnaires ne seront donc jamais apatrides. De ces deux anniversaires, il était évident de n’en faire qu’un pour cette année. C’est pourquoi le thème de la commémoration de Camerone est « Honneur et fidélité, 100 ans de la devise »

- Qui sera le porteur de la main du capitaine Danjou ?

 Pour marquer ces cent ans, la main du capitaine Danjou remontera la voie sacrée comme un drapeau, portée par un légionnaire d’exception, le général Tresti. Même s’il s’en défend, son histoire est un concentré d’honneur et de fidélité. Italien, il s’engage pour cinq ans à titre étranger, en 1958. Formé à l’école de Sidi Bel Abbes, il gravira tous les échelons de grades, poursuivant sa formation à l’école de guerre. En 1987, lointain successeur du lieutenant-colonel Rollet, il prend le commandement du 3e REI. En 1996, il est nommé général.

- Officier général à titre étranger, c'est un parcours exceptionnel ?

 Oui, évidemment , il est exceptionnel  par l’amplitude des grades portés. Il l’est par sa personnalité, son sens du service, son humilité. Lorsque je lui ai demandé d’accepter d’être le porteur de notre relique, il a tout d’abord décliné : « Mon général, vous me faites un immense plaisir mais je ne peux pas accepter, je ne suis pas digne d’un tel honneur... » Persuadé du contraire, j’ai tout de même dû faire appel à ses anciens chefs pour le convaincre.Le légionnaire Tresti, matricule 124522, incarnera si bien, avec ses accompagnateurs, le service avec honneur et fidélité. Il sera en effet entouré d’une garde de légionnaires de tous temps, valides ou blessés, anciens au premier rang, d’active au second, de tous grades, de toutes les nationalités et de tous les régiments. Tous membres de l’ordre de la Légion d’honneur, tous choisis comme exemple de fidélité à la parole donnée, ces six officiers, sous-officiers et légionnaires sont les mêmes que ceux de Camerone, décrits par le capitaine Maine : « il y avait là de tout comme nationalité, des Polonais, des Allemands, des Belges, des Italiens, des Espagnols … le voisinage du danger avait assoupli les caractères, effacé les distances, et l’on eût cherché vraiment entre des éléments si disparates, une entente et une cohésion plus parfaites. Avec cela, tous braves, tous anciens soldats, disciplinés, patients, sincèrement dévoués à leurs chefs et à leur drapeau ».

- Les légionnaires d’honneur devaient participer cette année à la cérémonie. La crise sanitaire va l’empêcher...

C’est une grande déception. Vous l’avez compris, nous devions accueillir pour la première fois sur la place d’arme, honneur et fidélité obligent, un carré de représentants de notre force spéciale, plus que centenaire : la cohorte des légionnaires d’honneur. Si l’honneur est définitivement attaché à leur grade, c’est pour reconnaître leur fidélité, définitivement attachée à la Légion étrangère. Ils sont de toutes les missions spéciales, de la valorisation de nos vignes à la défense des droits des légionnaires, de la mise en valeur de notre patrimoine à l’emploi opérationnel de nos unités, œuvrant sans esprit de recul. Le centenaire de notre devise est aussi leur anniversaire.  Ils ne seront donc pas présents pour ce 30 avril. Qu’à cela ne tienne, je leur ai donné rendez-vous le samedi 16 octobre prochain, à Aubagne pour fêter solennellement les 100 ans de la devise autour des emblèmes de la Légion étrangère.

- Depuis la création de la Légion étrangère combien de civils (hommes et femmes) et de militaires ont-ils été faits "légionnaire de 1ère classe d’honneur" ?

C’est difficile de fournir un chiffre avec exactitude mais nous recensons aujourd’hui plus de 1200 personnes qui ont reçu la distinction de « légionnaire d’honneur » en témoignage de gratitude. La liste est disparate et merveilleuse. Je vous renvoie au dernier numéro du magazine Képi Blanc qui consacre une double page à ces hommes et femmes, qui tous par ce grade sont entrés dans la famille légionnaire. L’honorariat n’est ni une récompense, ni un dû, ni une flatterie, ni un hochet. Il est un signe du cœur. Il reconnaît un attachement et une fidélité à « Monsieur légionnaire » : Des maréchaux, des princes, un hôpital, des infirmières , des journalistes, des ambassadeurs, des avocats, un champion de boxe, des cantinières, des architectes, des préfets,  des œnologues, des présidents, des commerçants, des maires, des artistes, des aumoniers…des bienfaiteurs, ainsi va la Légion.

*Louis d’Estouteville fut au XVème siècle, capitaine du mont Saint-Michel et gouverneur de Normandie.

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