Le Camerone de Carlos
Après la publication récente de la série "Leur Camerone" (14 au 22 avril), un sous-officier que j'avais portraituré dans un ouvrage consacré aux légionnaires m'a proposé un texte sur le repas de Corps et le rite de la poussière. Le sergent-chef (er) Carlos Marsal est cuisinier et alpiniste. Il a passé 15 ans à la Légion.
(DR) |
"Au cours de mes années à la Légion, devenu sous-officier, j’ai appris
toutes les ficelles et les rites d’un popotier. Il faut bien le dire, celui de
la Poussière est tout particulièrement croustillant : chaque convive est debout derrière sa chaise avec deux doigts de vin rouge dans le
verre.
- Au commandement : "Garde à vous !
Préparez-vous pour la poussière", prononcé par le popotier.
- "Attention pour la Poussière ! ",
chacun saisit son verre et le porte au niveau des lèvres.
- "Envoyez !". Chacun boit d’un
coup son vin et pose son verre d’un coup sec.
Aussitôt, le popotier entonne le refrain du Régiment,
puis celui du Boudin, toujours au garde à vous.
Ensuite,
c’est la lecture du menu :
Menu en
date du 30 Avril……
Saint
du jour…….
Fête à
souhaiter (le lendemain)…..
Lecture
du menu, très souvent imagé et avec des jeux de mots
Mon souvenir de menu-type :
Plateau de Fromages
Gâteau aux armes de la Légion et glaces
Sans oublier les cuvées de Puyloubier blanc-rouge et rosé
Mon souvenir de menu-type :
Langouste mayonnaise, Macédoine de légumes
Filet de boeuf, champignons, pommes croquettes ou noisettes,tomates provençales et fagot de haricots verts
Bon
appétit président (ou mon colonel)
Bon
appétit nobles invités, bon appétit chers camarades….
Toutefois il peut y avoir certaines nuances, lorsqu’il s’agit d’un
repas de Corps, de sous-officiers, de popote lieutenant, d’officiers supérieurs
ou de compagnie. Mais Camerone, c’est tous les grades confondus.
Le
Rituel veut que l’on dise : "Foutez- vous en plein la gueule !
Que la
première bouchée vous régale et que la dernière vous étouffe !
Et ce,
dans l’ordre hiérarchique inverse afin de faciliter par la même, le jeu normal
de l’avancement dans l’armée française en général et dans la Légion Etrangère
en particulier, ce dont je serai d’ailleurs le dernier et ô combien, indigne
bénéficiaire"
Le président peut répondre : "Gloire et honneur à ce
cochon de popotier ! ".
Dans ce
cas, tout le monde réplique : "Et qu’il en crève ! "
Le
popotier termine en criant : "Et par Saint-Antoine", à
quoi tous répondent : "Vive la Légion !"
Selon
le régiment et les invités, le popotier peut associer d’autres saints :
Michel
chez les parachutistes, Georges chez les cavaliers.
Par
politesse, on ajoute le saint de l’arme de l’invité. Chacun s’assied,
après le président (mais pour Camerone, après le chef de corps).
Je ne
rentrerai pas dans les détails propres à un popotier, mais je retiens cette
tradition de faire dessiner le menu par des artistes légionnaires dans le livre
d’or, parfois de vrais chefs-d’œuvre. A table, le popotier entonne les chants,
que tous reprennent en chœur. Ainsi ce rituel de la poussière est un héritage
des époques où l’on parcourait à pied ou à cheval de grandes distances. Avec
deux doigts de pinard, la poussière de la route avalée descend… !
Utilisé dans le langage du légionnaire, Camerone est devenu un mot emblématique qui renforce le courage. Qui n’a pas entendu "Faire
Camerone" pour se stimuler."