Europe, le constat du colonel Marsia, après la pandémie
Jean Marsia est l’infatigable défenseur
d’une Europe fédérale. Ancien
directeur des études de l’Ecole royale militaire de Bruxelles, le colonel
Marsia (e.r), ancien conseiller militaire du Premier ministre belge Elio Di Rupo,
vient d’écrire « Une constitution fédérale pour les Etats-Unis d’Europe.
Pourquoi et comment ? »*
Ce livre est consultable via ce lien :
Ce plaidoyer est publié à l’heure de la
célébration du 75e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre
mondiale, du 70e anniversaire de la déclaration Schuman (création d'une Communauté européenne du charbon et de
l'acier) et d’un constat : l’OTAN et l’Union européenne sortent plus
désunies que jamais de la pandémie Covid-19.
La crise sanitaire aurait pu être
l'occasion de resserrer les rangs européens. C'est le contraire qui se produit
?
L'Union
européenne (UE) s’est déconnectée des problèmes réels. Elle n'a quasi rien fait
pour l'Italie et l'Espagne, mais elle est intervenue avec des moyens importants
lorsque la pandémie s'est étendue à l'Afrique. Les 27 États membres, et même
certaines régions, pratiquent un insupportable chacun pour soi, en Allemagne, en
Belgique, en Espagne, en France, en Italie et en République tchèque. Certains
ont refusé d'exporter vers l'Italie, au début de la crise, les moyens de lutter
efficacement contre l'infection. Certains pays nordiques ont bloqué une partie
importante du financement du plan de relance de l'économie proposé par la France.
Pour celui-ci, mais aussi pour réaliser la transition écologique, développer la
justice sociale et améliorer l'efficience des dépenses de sécurité et de
défense, nous avons besoin d'une politique budgétaire, d'une fiscalité propre,
d'une capacité d'emprunt européenne. Sans Europe fédérale, c’est impossible.
Le modèle n'est-il pas bout de souffle ?
L'UE, au
lieu de s’unir de plus en plus étroitement, s’est de plus en plus fractionnée,
fragilisée et réduite à « l’incapacité, laquelle est une trahison en
fait de gouvernement », pour reprendre Chateaubriand. Son fonctionnement
est inefficient et opaque. La Commission s’est soumise au Conseil européen.
Elle est technocratique, antidémocratique. Elle maîtrise parfaitement la langue
de bois et elle est championne de la course sur place. En annonçant que quelque
chose va se passer, elle nous fait croire que c’est chose faite. A la
suite d’un abus de pouvoir, le Conseil est devenu un gouvernement
d’assemblée, par définition inefficace, alors que, faute de vision d’avenir, il
manque à son devoir, fixé par les traités, qui est de donner à l’UE de grandes
orientations, à moyen et à long terme. Le Parlement européen est privé des
droits essentiels : voter l’impôt et le budget, investir le gouvernement,
prendre l’initiative législative. Son élection est illégitime, car elle ne
respecte pas l'égalité des citoyens inscrite à l’article 9 du traité sur l'UE.
Avec, également, une OTAN parfaitement
désunie ?
L'OTAN, à cause de MM. Trump, Erdogan et Johnson, ainsi que
l'Union européenne, sortent plus désunies que jamais de la pandémie Covid-19.
Dans son état actuel, l’OTAN ne garantit pas plus notre sécurité et notre
défense que l'UE n'assure notre bien-être, ni ne conforte la monnaie commune.
C'est pourquoi l'heure est à la mobilisation : concrétisons nous-même ce
fédéralisme que le monde politique nous promet depuis 70 ans sans intention de
tenir sa promesse, avec pour résultat la déchéance de l'Europe. Elle ne pèse
plus rien sur la scène mondiale et un coronavirus suffit, avec l'incurie de nos
dirigeants, à la mettre à genoux.
Les
Etats-Unis d'Europe (EUE) ?
Je plaide
effectivement sans relâche en faveur d'une juste cause : un fédéralisme
coopératif, comme en Suisse. Il
maintient la souveraineté du peuple et institue la délégation des pouvoirs qui
émanent de celui-ci, ainsi que l’équilibre entre la fédération et les pouvoirs
locaux. Seule une Europe fédérale est à même de faire de l’Europe une
puissance, en améliorant substantiellement l’efficience des dépenses de
défense, en réalisant l’unité de commandement, et nous donner ainsi un espace
de sécurité et de paix, tout en conciliant la sécurité avec la garantie des
libertés et des droits fondamentaux.
N'avez-vous pas l'impression d'être un
prêcheur isolé ?
Non, appeler
au fédéralisme en ces heures critiques où la pandémie fait des milliers de
victimes et où les gouvernants européens cèdent à la tentation de se protéger
par la fermeture des frontières et le confinement des Européens est sans aucun
doute utopique, mais l’utopie est moins mortifère que l’inaction, le
conformisme, l'égoïsme et le narcissisme de ces gouvernants. Nous savons que
les virus et les idéologies totalitaires ne connaissent pas les frontières et
prospèrent dès que le terrain est favorable. De plus en plus, les Européens
rejettent les « particraties » (formes de gouvernement au sein duquel le
pouvoir serait exclusivement détenu par des partis politiques) quitte à soutenir des
populistes, faute de mieux. Notre constitution fédérale pour les États-Unis
d’Europe leur propose une alternative bien meilleure.
Ce livre est consultable via ce lien :