Il y a 30 ans, la guerre du Golfe. Souvenirs journalistiques…
©Henri Weill/1991 |
Récemment, l’ambassade de France au Koweït et un quotidien local m’ont demandé de me plonger dans mes souvenirs et de raconter la guerre du Golfe 1, couverte à Ryad (Arabie Saoudite) puis au Koweït, dès que celui-ci a été libéré. Pays où devait se rendre, initialement, aujourd’hui Florence Parly à l’occasion du 30e anniversaire de Daguet. En 1991, j’étais reporteur pour une chaîne de télévision aujourd’hui disparue, la 5. Voici quelques anecdotes concernant cette guerre du Golfe aux multiples noms et phases. Ainsi, Tempête du désert (phases aérienne et terrestre) à laquelle a notamment participé la division Daguet, dispositif commandé par le général Michel Roquejeoffre qui a intégré la coalition visant à délivrer le territoire de l’émirat du Koweït de l’occupation irakienne. C’était donc il y a trente ans. Pour la première fois, une guerre a été vécue en direct grâce aux télévisions du monde entier et, en particulier, CNN.
Ces souvenirs
reposent sur une succession d’images. Je les ai classées dans un ordre
chronologique. La première nous conduit à Roissy. Où nous partons, à la
mi-janvier 1991, avec une dizaine de collaborateurs de la 5, chaine pour
laquelle je travaille depuis sa création, il y a près de quatre ans. Nous
sommes une dizaine de journalistes, cameramen, monteurs. Comme je suis
responsable de la mission, je porte beaucoup d’argent liquide, car l’hôtel Hyatt
de Ryad, où nous sommes hébergés, n’accepte que des dollars… Nous allons y
loger cinq semaines.
Compte-tenu des
menaces qui pèsent, il est fortement recommandé de partir sur le terrain avec
une tenue « nucléaire, biologique et chimique » (NBC). Notre
direction de l’information a fait ce choix. Celles-ci doivent arriver de
Montpellier et nous être livrées à l’aéroport, deux heures avant notre départ.
Elles ne sont pas au rendez-vous. Ne voulant faire prendre aucun risque au
groupe, je décale de 24h notre départ (nous relevons d’autres équipes de la
chaîne). Le lendemain, les tenues nous sont livrées. Nous embarquons dans le
Boeing de la compagnie Saudi arabian airlines. Celui-ci est
pratiquement vide. Cette guerre du Golfe 1 constitue un choc en France. Les
restaurants sont alors vides, les magasins également. Environ 14 000 militaires français
participent à la coalition et constituent la division "Daguet". C'est
la première fois depuis l’Algérie, donc 38 ans auparavant, que nos troupes
partent faire la guerre. Jusqu'ici elles n’ont participé qu’à des opérations de
maintien de la paix. C’est un choc !
Avec le général Le Pichon, Daguet ©Henri Weill/1991 |
Arabie Saoudite
Une fois sur place, nous avons pour consigne, lorsque la sirène du Hyatt de Ryad retentit, de descendre à l'abri, situé au sous-sol de l'hôtel. Mais nous ne l’avons jamais fait. Nous préférions aller sur le toit, là où se trouvaient les paraboles de diffusion, afin de voir les SCUD (missiles russes tirés par les Irakiens) être interceptés par les missiles Patriot américains. Dans les dernières heures de l'offensive terrestre, un missile est toutefois tombé à proximité de nous. Les télévisions françaises travaillaient en pool. Lorsqu’il y avait un reportage avec l’armée (française), un rédacteur et un cameraman représentaient l’ensemble et nous fournissions aux autres confrères images, interviews et éléments de commentaire. Ces reportages devaient officiellement être visionnés avant envoi par un officier de communication français mais j’ai le souvenir que tout s’est passé sans problème avec eux. A la fin, ils ne venaient même plus.
Sortie de Koweït city après l'offensive terrestre ©Henri Weill/1991 |
L’offensive terrestre
Ici nous l’attendions
depuis plusieurs jours. L’annonce en a été faite par le ministère de la défense
en pleine nuit du 23 au 24 février 1991. Le téléphone sonne vers 2h30 selon ma
mémoire. C’est donc Paris qui nous apprend son déclenchement (à l’époque nous
n’avons pas de téléphones portables, ni tweeter, ni réseaux sociaux…) Nous
travaillons « à l’ancienne. » Nous essayons de joindre les officiers
du SIRPA (de téléphone filaire à téléphone filaire). Ils sont à l’hôtel Novotel
où résident également d’autres confrères français. De ne pas être dans le même
établissement est un souci. Mobilisation immédiate de toutes les chaines
françaises. Nous montons sur le toit du Hyatt
et pendant plusieurs heures, jusqu’au petit matin, nous allons enchainer les
directs. Sans disposer de la moindre information précise…
Avion de la British airways, aéroport de Koweït city ©Henri Weill/1991 |
Reportages
J'ai tout
d’abord deux images de pool qui reviennent en écrivant sur ce passé. J’avais
embarqué, lors des opérations aériennes, dans un avion ravitailleur français et
celui-ci avait fourni du carburant à un Jaguar qui allait bombarder une cible
en Irak (les Français et les Américains fournissaient souvent des images des
attaques). C’était extrêmement impressionnant. La deuxième : mon premier
déplacement à Koweït, par voie aérienne militaire (VAM). Les puits de pétrole
étaient encore en feu, les pistes de l’aéroport de Koweit city étaient
encombrées par les carcasses d’avions détruits par les Irakiens. Ceux-ci
venaient de quitter le pays. Au sortir de la capitale, leur dernier convoi
avait été bombardé par les forces alliées. Dans un très large périmètre il y avait,
abandonnés, armes lourdes et légères, munitions, casques, tous types de
véhicules, mais aussi le fruit des rapines que les occupants voulaient
emporter : vêtements, lessives, machines à laver…
Sortie de Koweit city ©Henri Weill/1991 |
Le
surlendemain, je suis retourné au Koweit mais en voiture. Avec un cameraman et
un preneur de son. Pas par la côte et Dahran mais par le centre (désert). On
nous avait expliqué que c’était encore interdit aux journalistes d’y accéder.
Nous venions pour réaliser un magazine sur les dégâts subis par le pays pendant l'occupation irakienne. Dans
l’autre sens, revenant du Koweït, l’armée américaine faisait chemin
inverse. C’était véritablement « l’invincible armada » qui rentrait
de campagne. Le convoi s’étalait
sur des kilomètres et des kilomètres. Je n’ai jamais eu l’occasion, depuis sur
d’autres théâtres d’opérations, de voir pareilles images.
Je ne me remémore pas,
trente ans après, l’entrée au Koweït sans une forme de sourire. Comme je viens de
l’expliquer, il était compliqué en ces premiers jours, pour les journalistes
d’y entrer. C'est pour cela que j'avais choisi cette route. J'avais revêtu la
tenue NBC. Tenue « désert » des militaires français. Pour passer la
frontière j'ai ajouté sur la poitrine les barrettes de capitaine données par un
officier. Au poste frontière, je suis descendu du Range Rover et suis allé me
présenter à un militaire koweïtien. Lui indiquant que nous allions à
l’ambassade de France. Le cameraman et le preneur de son, eux, étaient en civil
mais cela n’a posé aucun problème. « Mon homologue » m’a remercié et
nous a autorisés à entrer…
La Guerre du Golfe
La guerre du Golfe 1 (2 août 1990-28 février 1991) débute le 2 août 1990 avec l’envahissement du Koweït par l’Irak. Une semaine plus tard, François Mitterrand, président de la République, annonce notamment l’envoi du porte-avions Clemenceau avec son escorte, afin d’assurer la protection du golfe Persique (opération « Salamandre). Le 14 septembre 1990, les Irakiens investissent l’ambassade de France à Koweït City. Une division française « Daguet » est constituée et participera à la coalition contre l’Irak. Qui protégera également l’Arabie Saoudite.
Cette
opération porte le nom de Bouclier du
désert qui consiste en une longue période de préparation des troupes avant
l’offensive alliée baptisée Tempête du
désert à partir du 17 janvier 1991. L’assaut terrestre qui suivra durera
100 heures.
Dix militaires français ont été tués, certains étant morts par accident avant le déclenchement des opérations ou après le conflit.