L'héritage exploré


Jean-Jacques Fradet est un enfant du quartier parisien de Belleville. Il est actuellement directeur des systèmes d'information chez Gras Savoye, groupe français de courtage d'assurance et de réassurance. Auparavant, il a travaillé chez Alstom, la Société générale ou Capgemini. Un profil de cadre dirigeant donc. Je ne le connais pas, mais je suis persuadé qu'il a fait sienne cette interrogation de Chateaubriand : "Sans la mémoire que serions-nous ?" Ce qui me semblerait expliquer l'écriture de Belleville Mamie Blues (L'Harmattan, 2020), livre paru dans une collection qui paraît faite pour lui, "Graveurs de Mémoire". Ces pages, touchantes et tragiques, sont une jolie découverte. Touchantes et tragiques parce qu'elles retracent l'histoire de sa grand-mère, juive polonaise de Tarnow qui, avant ses vingt ans, a fui la vague tragique pour trouver refuge dans le Belleville de l'immédiat avant Seconde Guerre mondiale. Que rencontrera-t-elle ? Les éléments constitutifs de la vie des Israélites (comme nommés alors) la peur, de la dénonciation, de l'arrestation, de partir "vers l'Est" de l'Europe d'où elle venait mais dont on avait que des chances infinitésimales de revenir. Dans cette galerie de portraits, on croise également, un membre de la famille au nom familier aux plus de vingt ans, celui de Charles Denner. Beaucoup de gens se sont essayé depuis la Libération, à écrire sur leur famille. J'ai lu beaucoup de ces livres souvent destinés, uniquement, à laisser une trace aux descendants. Si j'ai souhaité consacrer un post à l'ouvrage de Jean-Jacques Fradet, c'est qu'il possède de vraies qualités. Celui-ci a abordé l'Histoire comme un enquêteur efficace, capable de mettre en perspective les événements. Ce qui permet au lecteur de suivre aisément. Habituellement, je contesterais à un étudiant en journalisme de faire deux citations dans un papier. Mais je vais oser. Et reprendre, celle d'un homme qui a vécu différemment cette période (américain, il est retourné aux Etats-Unis pendant le Seconde guerre pour servir au Bureau de l'information de guerre). Il s'agit de Julien Green. J'ai retrouvé récemment cette réflexion sur une personnalité qu'il évoquait dans son Journal : "Il a quatre-vingt-un ans et d'intraitables souvenirs qu'il va chercher dans la nuit de sa mémoire comme au fond d'une grande caverne pleine de ténèbres; il revient toujours avec quelque chose, un nom, une date, une anecdote..." De cette exploration de la nuit de l'histoire et de la mémoire, Jean-Jacques Fradet en a rapporté tant de souvenirs...

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