Espionnage, « Il y a très peu de défecteurs français » explique Michel Guérin
Les défecteurs, ce sont des Walk-Ins, nom du titre du livre de Michel Guérin consacré à ces espions qui frappent à la porte d’en face (Mareuil éditions). « Des volontaires » dit-on dans les services. Ces services, Michel Guérin les connait bien puisqu’il a travaillé durant 40 ans dans le renseignement : DST, DCRI dont il fut le numéro 2. Ce monégasque de naissance termina sa carrière comme inspecteur général de la police nationale.
Qui fait défection ?
Dans le cas des walk-ins, un officier de renseignement ou assimilé, c'est-à-dire quelqu'un travaillant dans un service de renseignement.
Peut-on dresser un portrait-robot du "walk-in" ?
Ce serait illusoire et surtout malhonnête, tant la diversité des profils est importante.
Le défecteur est un traître ?
Pour le service qu'il trahit...assurément !
Le prix à payer pour un défecteur est toujours très élevé, quelles que soient ses motivations ?
Oui, car même si ses conditions d'accueil et d'insertion dans son nouvel environnement sont bonnes, même s'il réussit sa « nouvelle » vie, le « saut » qu'il a dû effectuer pour couper avec l'ancienne laisse toujours des traces, apparentes ou non. Les exemples abondent.
Il devient donc une cible pour ses anciens employeurs ?
Oui, un vrai walk-in - une fois démasqué s'il s'agit d'un walk-in en place - devient une cible pour son ancien service, soit pour qu'il refasse défection en sens inverse, soit pour le « punir ».
Majoritairement, le défecteur vient de l'Est ?
A l'époque de la guerre froide, et sur la durée de cette période, quantitativement oui. Mais les volontaires venus de l'Ouest, singulièrement des Etats-Unis, à partir des années 1970, ont causé des dégâts importants.
Comment se prémunir d'une fausse défection ?
Deux solutions : la mauvaise, consistant à rejeter systématiquement toutes propositions de collaboration, ce qu'ont fait durant une certaine période certains services soviétiques ; la bonne, nécessitant une approche professionnelle, avec un bon accueil mais un debriefing, une enquête et des recoupements poussés.
Certaines défections font, tôt ou tard, l'objet de publicité ?
Oui, les exemples sont multiples et certaines peuvent même être connues assez tôt, pour des raisons de propagande de la part du pays d'accueil.
Mis à part Vetrov*, les services français sont-ils sollicités par de potentiels walk-in ?
Bien sûr !
Et à l'inverse beaucoup de défecteurs français ?
Très peu.
Quel est, pour vous, le défecteur modèle ?
Celui qui amène les informations les plus pertinentes, les plus importantes, les plus déstabilisantes pour son service - en général, il s'agit d'un walk-in en place - et dont le traitement est le plus aisé - une personnalité stable, professionnelle et respectant parfaitement les règles de sécurité - mais là, on est dans le domaine du rêve...
*Affaire Farewell : colonel du KGB, Vladimir Vetrov remettait à la DST, à partir de 1981, via un contact français à Moscou, des documents exceptionnels documentant le pillage technologique et scientifique de l'URSS à l'Ouest.