Marc Bloch qui fera son entrée au Panthéon fut un sacré combattant

 

En juin1946, Le Monde évoquant le livre L’étrange défaite qui revenait sur les causes de la débâcle militaire six ans plus tôt, expliquait que « les historiens passent généralement pour des hommes qui étudient la geste humaine, mais n’agissent guère eux-mêmes. » Mais comme le précisait le nouveau quotidien* la vie de Marc Bloch « constitue une exception éclatante entre toutes. » Une évidence et ce, par son engagement dans les deux grandes guerres du XXe siècle.

1914
Né en 1886 à Lyon, ce fils d’un professeur d’histoire ancienne à la Sorbonne, enseigne alors au lycée d’Amiens. Marc Bloch est immédiatement mobilisé. Il est sergent au 272e régiment d’infanterie** et quitte Paris le 4 août, lendemain de la déclaration de guerre. « Comme tout le monde, rapportera-t-il,  j’ai constaté l’extrême insuffisance de notre préparation matérielle et de notre enseignement militaire. » En septembre, il participe à la contre-offensive française, la bataille de la Marne. Le 19 janvier 1915, l’adjudant Bloch obtient sa première citation. En juin, l’historien sert au 72e RI. Le 3 avril 1916, deuxième citation pour avoir « la nuit au 24 au 25 mars dirigé avec beaucoup d’intelligence et de sang-froid un détachement de grenadiers chargé d’attirer l’attention de l’ennemi dans une fausse direction. ». Après un séjour en Algérie, le sous-lieutenant Bloch est nommé le 5 septembre 1917, lieutenant. Il se bat près du Chemin des Dames, A la fin de l’année, troisième citation : « Excellent officier de renseignements. Son observatoire ayant été renversé par un projectile ennemi et soumis à un tir d’obus spéciaux a continué néanmoins son service, donnant à son personnel un bel exemple de courage et de sang-froid. » En 1918, l’officier de 34 ans est près de Villers-Cotterêts. « Un mépris absolu du danger (…) lors de plusieurs reconnaissances périlleuses et une froide résolution dans l’accomplissement de ses missions » lui valent une quatrième citation. Marc Bloch est démobilisé le 13 mars 1919. Et décoré.

1940
Le capitaine Bloch, le médiéviste, occupe désormais la chaire d’histoire économique à La Sorbonne à Paris ; il est professeur honoraire de l’université de lettres de Strasbourg où il a enseigné après la Première Guerre mondiale. Il est connu et reconnu pour son travail de recherche mais aussi parce qu’il a contribué au renouvellement de sa discipline en y intégrant l'anthropologie, l'économie, l'étude de la société et des mentalités.
Le 24 août 1939, Marc Bloch est mobilisé, à sa demande. Il est âgé de 53 ans et père de six enfants. Quelques mois plus tard, il écrit à son fils Etienne : « Malheureusement, l’initiative appartient à l’ennemi… ». En mai 1940, lors de l’offensive allemande, Marc Bloch est en Belgique et sera cité. Il suit la retraite. Le 26, il est à Lille. Echappe à l’encerclement et rejoint Dunkerque et embarque le 31 pour Londres. Le 2 juin il est de retour en France. A la mi-juin, il échappe aux bombardements de Rennes. 
En juillet, redevenu historien, il est dans sa maison de Guéret (Creuse) et commence l’écriture de L’Etrange défaiteExclu de la fonction publique par Vichy parce juif, il est le 5 janvier 1941, « relevé de déchéance » avec 9 autres professeurs pour « services scientifiques exceptionnels rendus à la France. » Une trêve qui ne sera que provisoire.
« L’antisémitisme est un poison subtil contagieux, polyfltrant » écrit-il alors à son ami Lucien Febvre***.
Début 1943, l'auteur d'Apologie pour l'histoire rejoint définitivement la Résistance et le mouvement Franc-Tireur à Lyon. Il devient alors Rolin, Blanchard, Chevreuse et Narbonne. En juillet, il devient membre du comité directeur régional des Mouvements Unis de Résistance (MUR). Son fils, arrivé au Maroc, signe son engagement au sein des Forces françaises libres.

Martyr
Le 8 mars 1944, Marc Bloch est arrêté par la Gestapo, 24h après son neveu. Conduit à l’Ecole de santé militaire de Lyon, il est torturé à plusieurs reprises. Et interné au fort de Montluc. Le 16 juin, 30 prisonniers sont conduits, en camion, à proximité du village de Saint-Didier-de-Formans (Ain) puis exécutés. Marc Bloch fait partie des fusillés. Deux des suppliciés survivront.
Le 2 juillet, Simmone Bloch qui souffre d’un cancer de l’estomac, qui s’était rendue à Lyon lorsqu’elle appris l’arrestation de son mari, décède après une opération chirurgicale.



*Le premier numéro publié le 18 décembre 1944, daté du 19

**Marc Bloch, devançant l’appel avait effectué son service militaire en octobre 1905 (jusqu’en septembre 1906) au 46e RI à Pithiviers

***Avec lequel, il créé les Annales.

Photo d’Ernest Pignon-Ernest en hommage à Marc Bloch ©DR

Posts les plus consultés de ce blog

Sordide commentaire

Et Marie- Laure Buisson...

Nickel «  La métallurgie calédonienne est au bord du précipice » estime Alain Jeannin