Le
sous-lieutenant Hami, élève de Saint-Cyr Coëtquidan est mort noyé le 30 octobre
2012, lors de la traversée d’un étang d’une cinquantaine de mètres, dans
le cadre d’une soirée de " transmission des traditions" (posts du 31/10/2012 et du 29 juillet
2013). Le parquet militaire de Rennes a ouvert une enquête. Le ministre
de la défense a également ordonné une enquête de commandement. Qui a été
menée par le général de corps aérien Rousseau, inspecteur des armées. Celui-ci
a conclu que ces activités de tradition, relevant de la chaîne de commandement, engageaient
« la responsabilité directe » du lieutenant-colonel,
commandant le bataillon, qui a aujourd’hui quitté l’armée. Quant au général,
commandant les écoles, aucune responsabilité personnelle n’a été pointée. Seule
la responsabilité « es-qualité ».
samedi 30 novembre 2013
lundi 25 novembre 2013
Centrafrique. "Au printemps, je leur ai dit faites décoller deux coucous et vous leur ferez peur..."
Cet intellectuel centrafricain est régulièrement consulté par les autorités françaises. Il ne souhaite pas que son nom soit dévoilé et pour cela utilise un pseudonyme, comme tous les membres du bureau de la Ligue des patriotes de Centrafrique (LIPAC). Lui, "Jacob Asso" en est le secrétaire général. Dans l'attente d'une probable intervention militaire, conditionnée par le vote, ces prochains heures, d'une résolution par le conseil de sécurité de l'ONU, il livre son analyse :
"Au début du printemps, j'ai dit à mes interlocuteurs : Faites décoller deux coucous et vous leur ferez peur. Sinon, dans huit mois, vous aurez à intervenir dans une crise généralisée...Nous y sommes ! Une intervention de l'ONU ? Cela marche là où il y a un Etat, des interlocuteurs. Mais il n'y a plus d'Etat en RCA et la classe politique est décriée par toute la population. Même au sein du gouvernement actuel, des voix s'élèvent pour dire que le pays doit être placé sous la tutelle de l'ONU.
Nous devons aussi nous interroger sur les raisons du désastre. Qui n'est pas venu brutalement. Il y a vingt, vingt cinq ans, le FMI nous disait que "cela marchait". Alors ? L'histoire de notre pays est rythmée par la France. Celle-ci a souvent fait les mauvais choix...
Aujourd'hui, mon pays est sous occupation de 25 000 non-Centrafricains, des musulmans, qui sèment la terreur..."
"Au début du printemps, j'ai dit à mes interlocuteurs : Faites décoller deux coucous et vous leur ferez peur. Sinon, dans huit mois, vous aurez à intervenir dans une crise généralisée...Nous y sommes ! Une intervention de l'ONU ? Cela marche là où il y a un Etat, des interlocuteurs. Mais il n'y a plus d'Etat en RCA et la classe politique est décriée par toute la population. Même au sein du gouvernement actuel, des voix s'élèvent pour dire que le pays doit être placé sous la tutelle de l'ONU.
Nous devons aussi nous interroger sur les raisons du désastre. Qui n'est pas venu brutalement. Il y a vingt, vingt cinq ans, le FMI nous disait que "cela marchait". Alors ? L'histoire de notre pays est rythmée par la France. Celle-ci a souvent fait les mauvais choix...
Aujourd'hui, mon pays est sous occupation de 25 000 non-Centrafricains, des musulmans, qui sèment la terreur..."
dimanche 24 novembre 2013
Un service militaire obligatoire ?
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Crédit : berthoalain.com |
...En Papouasie
Nouvelle-Guinée où le Premier ministre souhaiterait l’instaurer afin de lutter
contre la délinquance juvénile et « une perte de repères traditionnels et
identitaires » chez les jeunes. Si cette annonce a créé une polémique,
Peter O’Neill entend répondre ainsi à la recrudescence de la criminalité qui
touche notamment les grandes villes de ce pays océanien, Port-Moresby –
considérée comme l’une des capitales les plus dangereuses au monde- ou Lae (2ème
ville). En mai dernier, le parlement papou a réintroduit la peine de mort (avec Flash d’Océanie :
http://newspad-pacific.info/).
lundi 18 novembre 2013
Du moral dans l’armée de terre. Paroles d’acteurs.
Le moral est une
boussole. Particulièrement lorsqu’une société vit des bouleversements et des
incertitudes, que les mauvaises nouvelles s’accumulent, que les repères sont
brouillés, que les perspectives ne s’écrivent plus qu’à court terme. Chacun
se sent perdu. Rassurer n’est guère aisé et se rassurer est encore plus difficile. Les
bouleversements structurels sont en cause mais les impacts du quotidien
constituent des échos parfois assourdissants. Ils concernent autant la société
civile que les armées qui vivent, depuis près de six ans, au rythme des
restructurations. C’est sur ces dernières et en particulier l’armée de terre,
que nous avons porté notre regard. Et écouté des acteurs. Militaires et civils...
Cet officier dont la fonction lui permet d’obtenir une « vue
d’ensemble » explique : « Sur le terrain il y a des gens
radieux. Mais à Paris par exemple, le son de cloche est différent ». Dans
la catégorie des militaires « satisfaits », il faut particulièrement
intégrer ceux qui partent en OPEX. « Mais » ajoute-t-il aussitôt, « il
ne faut pas résumer l’armée à ces seules opérations ». Le budget « opérations
extérieures » de la loi de programmation militaire (2014-2019) apporte une réponse précise à ce
« risque », retenant un montant prévisionnel annuel de 450 millions
d’euros (contre 630 en 2013).
Autre aspect considéré comme positif : la préparation
opérationnelle. Avec un bémol, la disponibilité technique des matériels. Ainsi ceux
qui rentrent d’Afghanistan doivent être remis en état
(« métropolisation »). Ce qui prend du temps. Traité avec humour, et
pour reprendre un sketch de Fernand Raynaud qui s’interrogeait sur la période
que met le fût du canon pour refroidir, la réponse fusait ainsi : « Cela
prend un certain temps ! ».
Les mécontentements
Dans le hit-parade de ces mécontentements figure en tête
l’incontournable et médiatique Louvois (qui fût secrétaire d’Etat à la guerre
de Louis XIV). Le système de paie défaillant est devenu champion du dysfonctionnent.
« Mais a-t-on réglé l’idée qu’il y a un problème ? » feint de
s’interroger un parlementaire très au fait des affaires
militaires. « Tous les acteurs concernés » poursuit-il «ont-ils
pris la mesure de la « débâcle administrative » ? Ainsi,
l’imposition sur les trop-perçus. « Qui génère un stress auquel les
militaires ne sont pas habitués ».
La vie courante dans les bases de défense est un autre
point-clé du mécontentement. On y voit des hommes et des femmes contraints
d’utiliser leur ordinateur personnel, leur propre véhicule pour effectuer des
missions professionnelles mais aussi…apporter leur papier hygiénique. Phénomène
qui en dit long sur cette paupérisation qui semble gagner du terrain. « Ce
qui est ressenti comme une forme de vexation » estime un haut
fonctionnaire militaire. Un témoin, raconte cette double anecdote. « Dans
la cité des cadres de Villacoublay, la chaudière est en panne. Il n’y a pas de
crédits pour la réparer. Alors, les personnels se débrouillent. A l’école du
génie d’Angers, même problème. Là aussi on a installé des douches de campagne
pour les stagiaires ». Un député de la majorité, membre de la commission
de la défense et des forces armées de l’Assemblée nationale commente :
« On a récemment dit aux militaires voilà 30 millions d’euros. Dépensez-les !
Le risque est de les dépenser mal ».
Et encore
Autre facteur de crispation, l’entretien des
infrastructures. « On ne construit plus, on n’entretient plus »
constate un officier supérieur. « Les besoins sont de 11 € par surface
bâtie. Nous ne disposons pas du quart ! ». Un autre : « Comme
les crédits manquent nous assistons à un phénomène de « réinternalisation ».
Ainsi, il n' y a plus d’argent pour tondre les espaces verts. Alors la main-d’œuvre est à
nouveau militaire mais sans les moyens du passé. Autres exemples : gardiennage des emprises, bus fournis
aux unités des forces (soutenus) sans conducteurs...que la formation bénéficiaire du soutien doit
donc trouver. « Les soutenus » sont obligés de participer à leur propre soutien, voire à le
reprendre en intégralité dans certains domaines" explique un officier.
« Tout le monde le sait maintenant. Nous sommes en
déflation constante. Moins 24 000 suppressions à venir. N’oublions pas les
10.000 postes qui restent encore à supprimer au titre de la dernière LPM ! »
rappelle ce spécialiste des ressources humaines. « Le soutien perdra
15 000 postes. Aujourd’hui, il n’y plus rien à prendre ! » déplore
un officier de l’état-major des armées (EMA). A cette déflation, il faut ajouter le
« dépyramidage ». « La précédente réforme n’a pas permis de
gagner en masse salariale », précise-t-il. Et d’ajouter, certain de son
effet « car d’un autre côté, on a créé 700 postes OTAN, d’autres pour la
cyberdéfense… ». Concluant : « Le taux d’encadrement en
officiers doit descendre à 16% . Nous aimerions que cela soit valable pour les personnels
civils de catégories A qui ont augmenté de 25%, ces cinq dernières années ! ». Autre phénomène mécanique : ce « dépyramidage »
influe sur le tableau d’avancement des colonels. « Nous fabriquons des
brevetés qui n’atteindront pas le grade ! » constate un jeune
retraité. Les mesures d’incitation au départ seront-elles suffisantes (pécule,
pension afférente au grade supérieur, promotion fonctionnelle sous
condition…) ? ». Reste une question : leur financement.
Demain
Ce « grand
chambardement » concerne également d’autres catégories d’officiers,
anciens, qui faute de perspectives d’avancement conformes à leurs ambitions
risquent de partir… « Ce seront les meilleurs d’entre eux qui se
recaseront le mieux ! » commente un spécialiste du reclassement. Un proche de l’Hôtel de Brienne et du cabinet, sur lequel
convergent beaucoup de critiques (parmi d’autres le « saquage » de
deux colonels siégeant au Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM)
après la réunion houleuse du 21 juin dernier, le rôle du directeur de cabinet
du ministre…) conclut ainsi : « Je crois que Jean-Yves le Drian et ses collaborateurs du cabinet ont pris conscience qu’il fallait des moyens pour améliorer le système
Bdd. C’est un système que l’on n’a pas choisi. Et nous sommes contraints de
remanier le déficit ! ». Face aux restrictions, le système D prévaut.
Rien de bien nouveau. Son recours sera-t-il systématisé ? Le colonel Le
Gal, chef de corps du 31ème régiment de génie (Castelsarrasin,
Tarn-et-Garonne) lui, est parti à la recherche de partenaires extérieurs
utilisant « une marge de manœuvre pour valoriser le régiment ». Son
objectif : financer une salle de traditions
régimentaires qui permettrait notamment d’améliorer le parcours initiatique des
jeunes engagés. « C’est une initiative individuelle innovante et…osée !
» commente-t-on boulevard Saint-Germain.
dimanche 17 novembre 2013
Les espions se livrent
…dans une exposition retraçant les relations entre
littératures et renseignement. Une manifestation pour laquelle, annonce le
ministère de la défense, " la DGSE a accepté de dévoiler certains de ses
documents et objets". Réalisée à partir des fonds de la bibliothèque des
littératures policières (Bilipo), de collections des services français, cette
exposition dévoile « la relations trouble et complexe entre les services
et l’écrit de 1800 à 1989 ». A travers écrivains espionnés, écrivains
espions et écrivains d’espionnage, l’exposition permet de saisir selon ses concepteurs "comment s’est bâti un pan de l’imaginaire moderne
à travers littérature populaire et cinéma".
Des documents ou objets authentiques utilisés par des agents
du BCRA, du SDECE et de la DGSE sont présentés. Et de citer des montres appareils-photos
ou à détecter les radiations, des machines à écrire destinée à transcoder, des
endoscopes pour regarder dans les serrures, des micros dissimulés dans un livre
et…des sous-vêtements féminins à poche secrète. Une exposition qui a ouvert ses portes quelques jours après
la disparition de Gérard de Villiers.
Jusqu’au 24 mars 2014,
Bilipo, 48-50, rue du cardinal Lemoine 75005 Paris
vendredi 15 novembre 2013
Les ambitions militaires de l'Azerbaïdjan (2)
Ce pays du Caucase vit depuis la fin de l'ex-URSS sous la domination du clan Aliev. Qui en contrôle tous les rouages, qu'ils soient politiques ou économiques (post du 13 novembre). Dans ce second entretien, nous examinons avec Mathieu BOULEGUE, chercheur à l’IPSE *(programme Eurasie-Europe), les ambitions militaires de l'Azerbaïdjan.
* Institut prospective et sécurité en Europe
![]() |
crédit : wikipedia |
Le conflit du
Karabakh dure depuis 20 ans ; Azéris et Arméniens ne sont pourtant pas pressés
d’y mettre fin. Pourquoi ?
MB : Cela fait
presque deux décennies, en effet, que le conflit du Karabakh perdure, ce qui en fait la plus
longue guerre de tranchées de l’Histoire. Tragiquement, la préservation de cette situation est bénéfique aux deux Etats, officiellement en guerre.
Pour
l’Azerbaïdjan, se lancer dans une aventure militaire reviendrait à risquer de
perdre la rente énergétique sur laquelle la famille Aliev s’est consolidée
depuis le « contrat du siècle » de 1994. La guerre n’est donc pas une option
valable pour le pouvoir en place. Par ailleurs, l’explosion du budget de la défense
depuis 10 ans permet au pays de se lancer dans une sorte de politique de
« défiscalisation » à grande échelle, afin de trouver un relais de croissance
supplémentaire mais également de concilier un
certain nombre d’opérations de détournement de fonds. De plus, la rhétorique
belliqueuse permanente permet de garder la situation suffisamment sous tension
et flatter ainsi le nationalisme.
Pour l’Arménie,
la préservation de ce statu quo implique que la « République du Haut-Karabakh »
demeure sous son contrôle. Se livrer à des provocations serait contre-productif, Erevan pouvant se retrouver en position de faiblesse à la
table des négociations. L’Arménie joue également sur sa victimisation dans le
conflit et profite du lobbying actif de sa diaspora... Les perspectives
de règlement du conflit sont donc bloquées !
Comment la Russie considère-telle l’Azerbaïdjan ?
De manière assez
ambiguë ! Les rapports entre Moscou et Bakou sont marquées par de profondes
dissensions, notamment sur la question énergétique et le Karabakh. Pour faire
simple, c’est principalement grâce à la rente énergétique et le transit des
pipelines que l’Azerbaïdjan est aujourd’hui un Etat autonome vis-à-vis de la
Russie. Sans quoi Bakou aurait rejoint le giron russe depuis
longtemps…
Plusieurs points
irritent la Russie et ternissent les relations bilatérales. D’abord l’Azerbaïdjan s’est retiré de l’Organisation du traité de sécurité collective
(OTSC, alliance militaire des anciens pays soviétiques) en 1999 pour rejoindre, la même année, l’organisation du GUAM, ouvertement tournée contre la Russie. Le
rapprochement entre Bakou et Tbilissi à la suite de la guerre russo-géorgienne
d’août 2008, a également été mal perçu par Moscou. Les deux pays sont en réalité dans une forme de confrontation vis-à-vis de la Turquie et de l’Iran, deux alliés sur lesquels
l’Azerbaïdjan compte activement et que la Russie courtise.
Au cours de
l’année 2013, plusieurs développements internationaux ont provoqué
une nouvelle phase de tension. Ainsi la fermeture
provoquée par Bakou de la station radar de Gabala, prêtée aux forces armées russes ou encore la mise en avant du gazoduc TANAP. De plus, Moscou ne semble pas
parvenir à exercer une pression suffisante pour forcer l’Azerbaïdjan à rejoindre
l’Union Eurasienne. Enfin, Moscou soutient plus ou moins ouvertement l’Arménie dans le
conflit du Karabakh, notamment en lui fournissant la majorité de son
matériel militaire. Moscou a également tout intérêt à préserver le statu quo
dans ce conflit tant d’un point de vue stratégique qu’énergétique.
Les Azeris se positionnent et lancent un salon de l’armement à Bakou en 2014 ?
De manière assez
surprenante en effet ! En avril 2013, le ministre de l’industrie de défense
Yaver Djamalov avait annoncé que la capitale accueillerait un salon international de
défense, ADEX, du 11 au 13 septembre 2014. L’Azerbaïdjan cherche à développer son complexe militaro-industriel national
via la production interne d’équipements et de matériel militaire.
Il est vrai que
l’industrie de défense azérie a réalisé des progrès notables en matière de production indigène ces derniers années, dans le domaine des armes légères et de
petit calibre (notamment le fusil de précision Istiglal) ou encore des véhicules
de transport blindés (comme les modèles Matador et Marauder dont la licence de
production a été achetée à l’Afrique du Sud en 2009). La création d’un ministère
de l’industrie de défense en 2005 a permis la mise en place de grands projets, en particulier de centres de production de
munitions. Il convient
toutefois de relativiser ces succès internes car le complexe militaro-industriel
de l’Azerbaïdjan reste très faible technologiquement et dépend en grande
partie de la coopération internationale. Notamment des productions
conjointes avec des partenaires diversifiés comme l’Afrique du Sud, la Turquie
ou Israël. Le salon ADEX intègre cette logique qui pourrait permettre une montée en gamme.
De manière plus
insidieuse, l’organisation d’ADEX permet d’exercer une pression indirecte sur
l’Arménie en mettant en avant les avancées militaires « spectaculaires » de
l’Azerbaïdjan.
Les Azéris voudraient également se positionner sur le marché des drones ?
Ils sont demandeurs et
même producteurs. En février 2012, la signature d’un contrat de défense
avec Israël a fait grand bruit (notamment en Iran et en
Arménie) puisqu’il a conduit à la vente pour 1.6 milliards de dollars
d’armement à l’Azerbaïdjan ; principalement des drones Heron et
Searcher ainsi que d’autres systèmes de défense anti-aérien. Cette question des
drones israéliens avait déjà été abordée lors de la visite de Shimon Peres à
Bakou en 2009. Des accords de production ont suivi. En
mars 2011, la joint-venture Azad Systems a vu le jour entre l’Azerbaïdjan et la
société israélienne Aeronautics Defense Systems pour la production conjointe de
drones type Aerostar et Orbiter. Toutefois, l’implication azerbaïdjanaise se
limite à la production de quelques composants et à l’assemblage sur place. De
plus, le contrat n’aurait pas permis de transferts de technologie
importants.
Les drones sont
utiles pour les forces armées d’Azerbaïdjan à des fins de surveillance et de
reconnaissance. Fin 2011, un drone
azerbaïdjanais a d’ailleurs été abattu par les forces du
Karabakh sur la ligne de contact, confirmant la présence de ces engins dans les
activités de renseignement militaire.
* Institut prospective et sécurité en Europe
mercredi 13 novembre 2013
L'Azerbaïdjan et ses propriétaires (1)
![]() |
Crédit : eur.i1 |
L’Azerbaïdjan mène
une guerre de tranchées avec l’Arménie depuis une vingtaine d’années au sujet du Karabakh, sans qu’une perspective de règlement n’apparaisse. Puissance
militaire régionale cet Etat, situé sur la ligne de partage entre l’Europe et
l’Asie, cherche à émerger. Pour cela Bakou a relancé son industrie de défense depuis 2005 et s’apprête à accueillir en 2014 un salon international de
l'armement. Pays de 9,2 millions d’habitants, l’Azerbaïdjan est dirigé par le clan
Aliev depuis la chute de l’ex-URSS. Heydar (1993 à 2003) a ensuite fait élire
son fils Ilham. Celui-ci vient d’être réélu président (3ème mandat) le
10 octobre après des élections, une nouvelle fois, tronquées. Sa victoire a
d’ailleurs été annoncée, nous explique dans cet entretien Mathieu BOULEGUE
chercheur à l’IPSE (programme Eurasie-Europe)* la veille du scrutin.
MB : Le 9
octobre, une application pour smartphone, accréditée par la Commission
électorale centrale, a involontairement publié les résultats
« officiels », accordant au président sortant une victoire
écrasante. Une défaite d’Ilham Aliev semblait improbable au regard du
niveau de fraude électorale enregistré tant par les observateurs indépendants
que par la mission d’observation électorale de l’OSCE/ODIHR qui a relevé des
irrégularités dans 58% des bureaux de vote. Le président Aliev a donc été réélu
avec 84.77%. Sans les fraudes et falsifications, ce dernier n’aurait
probablement pas été reconduit. Le pouvoir disposant de toutes les
« ressources administratives », il lui a été facile d’organiser des
fraudes à l’échelle nationale en utilisant des techniques bien connues comme le
« vote carrousel », le bourrage d’urnes, l’intimidation des
électeurs...
Cette
élection n’était-elle pas aussi organisée pour les Occidentaux ?
Ce
scrutin présidentiel tient plus d’un réenregistrement tacite et planifié du
président sortant que d’un réel choix démocratique. Personne n’était dupe en
Azerbaïdjan. Aliev a même modifié la constitution pour étendre son
« règne » et se donner ainsi la possibilité de réaliser un troisième
mandat. Le vote correspondant alors plus effectivement à une campagne
médiatique visant à démontrer la façade démocratique du pays au profit des
pays occidentaux, « pour nous faire plaisir ». Les médias locaux ont
ainsi mis en avant la pluralité électorale et la présence de 10 candidats aux
présidentielles : là encore, il convient de mettre en lumière le fait que
8 de ces 10 candidats n’ont eu pour objectif politique que de promouvoir la
candidature d’Aliev. Celui-ci n’a pas réellement fait campagne puisque son
activisme politique s’est limité à faire le tour du pays quelques mois avant le
scrutin pour inaugurer nouvelles écoles, hôpitaux et autres infrastructures
essentielles ainsi que d’augmenter le salaire des fonctionnaires et les
retraites de 10% juste avant le scrutin.
Photo : Aesma |
L’opposition
a-t-elle une identité ?
Avant de parler d’identité,
il est utile de préciser que la véritable opposition en Azerbaïdjan est pour le
moment coalisée autour du Conseil national des forces démocratiques (CNFD), "organisation parapluie" regroupant des partis d’opposition historique, comme le
parti Musavat d’Isa Gambar et le Front Populaire d’Ali Keremli, entre autres.
Pour le dernier scrutin, le CNFD avait désigné Camil Hasanli comme candidat
présidentiel. Faute de mieux puisque les autres prétendants – et notamment le
cinéaste Rustam
Ibragimbekov – ont été inquiétés par la justice et mis en prison. Dans ces conditions, et au regard des pressions permanentes
exercées par le pouvoir en place, l’opposition est aujourd’hui structurée
autour d’un seul et unique objectif : chasser la famille Aliev du pouvoir.
Il est par conséquent difficile de parler d’une réelle identité mais plutôt
d’un but commun fixé par des formations politiques hétéroclites qui ne se
seraient probablement jamais alliées dans d’autres conditions.
« L’identité » de l’opposition est donc formée autour de
la cristallisation du mécontentement populaire contre Aliev et la dénonciation
de la corruption généralisée – Hasanli a d’ailleurs focalisé sa campagne
électorale sur ce dernier point.
Point positif pour l’opposition, l’utilisation croissante
des médias
sociaux comme Facebook et les « flash mobs » par les jeunes
activistes semble revitaliser la contestation politique, de même que les
Azerbaïdjanais semblent renouer avec les manifestations comme mode d’action
contestataire.
Manifestation de l'opposition à Bakou (photo Aesma) |
Phénomène
récent : la montée de l’islam et des islamistes… Il est
beaucoup question d’une « troisième voie » religieuse en Azerbaïdjan,
située entre un pouvoir politique corrompu et une opposition incapable de
prendre le pouvoir par les urnes. L’Azerbaïdjan joue grandement, et à raison,
sur la rhétorique de la « puissance chiite modérée » et
progressiste dans une région en proie aux conflits interconfessionnels. Environ
80% de la population nationale se revendique chiite.Toutefois des forces
religieuses extrémistes, aussi bien chiites que sunnites, sont présentes dans
la société azerbaïdjanaise et semblent capable de fédérer un certain nombre de
mécontentement de la population concernant les problèmes de développement, les
inégalités, le chômage, la corruption et la désillusion contre le pouvoir en
place. On parle ainsi d’organisations sociales iraniennes actives
principalement dans le sud du pays, de groupes islamisés d’origine turque dans
le nord et de quelques éléments salafistes provenant du Daghestan voisin. Ces
dernières agissent « par le bas » au sein de la société civile afin
de pallier les déficiences socio-économiques du pouvoir central. Ces forces
radicales demeurent malgré tout limitées à l’heure actuelle et sont
systématiquement réprimées par les autorités. Il est par conséquent difficile
de parler d’une réelle « montée » de l’intégrisme musulman en
Azerbaïdjan.
L’azerbaïdjan
est riche grâce au pétrole et au gaz. Faut-il vous demander a qui profite la
rente ?
Oui,
l’Azerbaïdjan est désormais un pays de rente énergétique. il ne s’agit pas
seulement de revenus pétroliers mais également gaziers car le "peak
oil" menace la stabilité des exportations énergetiques du pays.
l’Azerbaïdjan a par conséquent largement développe ses activités gazières
depuis 2010, a tel point que l’on parle aujourd'hui d’une "ère
gazière" pour suppléer l’age d’or du pétrole.
Cette manne énergétique ne profite réellement qu’a une minorité d’individus – moins de 1%
de la population – représentée par la famille Aliev, son entourage, et une
poignée d’oligarques proches du pouvoir, détenant des pans entiers de
l’économie nationale. la rente énergetique permet d’auto-entretenir le système
népotique en place basé sur la corruption, le détournement de fonds et
l’accaparement a très grande échelle de l’économie nationale. la rente n’est
bien entendu pas redistribuee au sein de la population, creant ainsi des
disparités socio-économiques grotesques entre une ultra-minorité rentière et le
reste de la population. afin de soutenir la croissance – artificiellement
gonflée par les revenus d’exportation d’énergie – les oligarques se sont lances
dans de vastes campagnes de construction qui ont conduit a un boom immobilier
dans la capitale Bakou (au détriment du vieux centre, presque entièrement rasé,
sur les ruines duquel des bâtiments de 20 étages vides d’occupants poussent
comme des champignons). L’Azerbaïdjan
commence d’ailleurs a souffrir du « syndrome hollandais » : le
pays ne dispose plus d’un parc industriel permettant de se substituer a
d’éventuelles diminutions des exportations énergetiques et n’est plus en mesure
de relancer ces activités. en fait, le pays ne produit donc plus rien mis a
part la rente.
* Institut prospective et sécurité en Europe
Suite de l’entretien " Les ambitions militaires de l'Azerbaïdjan " dans un prochain post…
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