lundi 31 mai 2021

Nouvelle-Calédonie (3) 1988, l’assaut à Ouvéa, la victoire de François Mitterrand, l’amnistie…

Le troisième et dernier référendum destiné à déterminer l'avenir de la Nouvelle-Calédonie se tiendra d'ici octobre 2022. A quelle date ? Une proximité avec la présidentielle en ferait, potentiellement, un enjeu de l'élection. Et rappellerait 1988. Voici le dernier volet de souvenirs de la Calédonie au coeur de ce que l'on appelait alors, avec d'infinies précautions, "les événements".

Ouvéa, avril 1988 © A.P.

A Gossanah (Ouvéa) le jeudi 5 mai 1988, l’assaut est donné à la grotte où sont retenus les derniers otages. Onze gendarmes détenus dans le sud de l’île depuis l’attaque de la gendarmerie de Faya-Oué, ont été libérés le 25 avril. Les autres ont été conduits à Gossanah. Des membres du GIGN sont également devenus otages pour éviter le pire, ainsi que Jean Bianconi, substitut du procureur de la République, qui est toutefois autorisé à sortir afin de servir de médiateur. Deux jours avant l’assaut, le magistrat introduira deux revolvers collés sur son ventre ainsi que des balles et des clés pour les menottes. Comme il pleut, il revêt un ciré. Il n’est pas fouillé à son arrivée. Le commandement du dispositif a été confié au général Vidal, patron des FANC (Forces armées de Nouvelle-Calédonie). Etrangement pour une mission sur le territoire national, les forces qui mèneront l’assaut sont composées d’éléments du 11ème régiment parachutiste de choc (11ème choc, bras armé du SDECE puis de la DGSE, dissous en 1993), du commando Marine, Hubert et du GIGN. Dans cet entre-deux tours de la présidentielle, le Premier ministre de cohabitation Jacques Chirac attend un dénouement rapide. Et espère qu’électoralement, celui-ci pèsera trois jours plus tard.
Ce 5 mai, le premier assaut a lieu à 6h25. Le second à 12h30. Les forces de l’ordre obtiennent la reddition des preneurs d’otages. Ceux-ci sont sains et saufs. Une heure plus tard, 8 preneurs d’otages sont évacués. Parmi lesquels Alphonse Dianou. Pourtant ultérieurement, celui-ci sera comptabilisé au nombre des morts…car il s’est passé beaucoup de choses entre-temps. Deux autres indépendantistes auraient également été tués après l’assaut.

Armes saisies après l'assaut, 5 mail 1988 © A.P.

Le bilan est lourd : 19 indépendantistes, 2 militaires du 11ème choc tués. Les Accords de Matignon sont signés le 26 juin 1988, grâce à la pugnacité du Premier ministre Michel Rocard et la volonté de Jacques Lafleur (anti-indépendantiste) et Jean-Marie Tjibaou (indépendantiste).
Le dimanche 8 mai, François Mitterrand l’emporte sur Jacques Chirac avec 54,02% des suffrages exprimés. Ensuite, le législateur fera bénéficier tous les acteurs d’une amnistie, contenue dans la loi référendaire approuvée lors du référendum (national) du 6 novembre 1988.

dimanche 30 mai 2021

Nouvelle-Calédonie (2) 1988, Grande Terre, Ouvéa : la guerre civile

Le 3ème et dernier référendum destiné à déterminer l'avenir de la Nouvelle-Calédonie se tiendra d'ici octobre 2022. A quelle date ? Une proximité avec la présidentielle en ferait, potentiellement, un enjeu de l'élection. Et rappellerait 1988. Je vous livre ces souvenirs de l'époque, racontés dans un livre "Opération Victor" (1989).

Ouvéa, aéroport 1988 ©A.P.

Il est souvent nécessaire dans ce métier de tordre le coup aux évidences. Si je suis ce vendredi 22 avril 1988 à Nouméa, c’est en écoutant le flash de France Inter que j’apprends l’attaque de la brigade Fayaoué à Ouvéa. La mort de quatre gendarmes tués par des Mélanésiens (un cinquième, un officier est grièvement blessé) et la prise en otages de 24 gendarmes mobiles et deux territoriaux. Ces gendarmes n'étaient pas armés ou n'ont pas eu le temps de se servir de leurs armes.
Je suis en Nouvelle-Calédonie, où j’ai travaillé six mois en 1985 à RFO, pour La Cinq. Nous sommes à deux jours du premier tour de l’élection présidentielle. 
Avec une équipe de RFO, un photographe du quotidien Les Nouvelles calédoniennes nous parvenons à louer un avion privé et nous posons sur l’aérodrome d’Ouloup. Dans un premier temps, nous sommes enfermés dans un hangar afin que nous ne filmions ni ne photographions les corps des gendarmes envoyés à Nouméa par avion militaire. Nous sommes autorisés ensuite à nous rendre à la gendarmerie où nous faisons notre reportage.

Le dimanche, jour des élections sur la Grande Terre, c’est l’ébullition. « La marmite saute » à Canala où de graves incidents se déroulent. Devant la mairie, un gendarme mobile est grièvement blessé par un tireur embusqué. Quelques heures plus tard, alors que des barrages empêchent tout accès à la cité de la côte est, un peloton de mobiles est la cible d’indépendantistes. Une balle touche une grenade. L’explosion blesse 6 gendarmes. En début de soirée, la gendarmerie qui surplombe Canala est attaquée. Des fermiers caldoches ou mélanésiens hostiles à l’indépendance sont chassés. Parfois, leurs habitations sont brûlées. On parlera aussi d’un viol…

La Calédonie est devenue folle. L’épidémie gagne du terrain. Le lendemain, 25 mai, alors que nous nous sommes à l’entrée de Canala et que Nicolas le cameraman filme, nous sommes brutalement interceptés par des gendarmes du peloton d’intervention (qui s’appelait alors ELI pour Elément léger d’intervention) de Nouméa. Nous sommes au pied du calvaire. Cela ne s’invente pas ! Le moteur de la voiture tourne. Ils ne nous laisseront pas le couper. Les insultes fusent. Les gendarmes nous conduisent manu militari dans leur VBRG. Le cameraman reçoit un coup de crosse sur la tête. En nous interpellant, les militaires ont essuyé des coups de feu. Ils répliquent. Le serveur de la mitrailleuse s’énerve. Des rafales partent du véhicule blindé. Puis nous sommes conduits à la gendarmerie. Tout s’arrange pour nous. Sauf que quelques minutes plus tard, l’ambiance devient glaciale. Nous apprenons que lors des tirs de riposte qui ont suivi notre ridicule interception, une jeune fille de 17 ans qui se trouvait devant la mission d’où elle était sortie, en spectatrice, a été tuée par une balle perdue
… A suivre.

samedi 29 mai 2021

Nouvelle-Calédonie (1) : éviter d’organiser la dernière consultation début 2022 pour qu’elle ne soit pas enjeu de la présidentielle comme en 1988

Tribu de Saint-Joseph, Ouvéa, avril 1988 © A.P.

Quelques-uns des principaux acteurs politiques calédoniens sont réunis à Paris, autour du Premier ministre et du ministre des outre-mer, pour examiner les conséquences du « oui » et du « non » au troisième et dernier référendum sur  l’avenir du territoire. Reste à savoir quand celui-ci sera organisé. Avant ou après l’élection présidentielle de 2022 ? Si c’est avant, ce sera d’ici la fin de l’année afin que la Calédonie ne se retrouve pas au coeur de l’élection nationale. Réponse fin juin.
La Nouvelle-Calédonie enjeu de la présidentielle rappelle de douloureux souvenirs. Comme Ouvéa. L’attaque de la gendarmerie et la mort de quatre gendarmes, la prise d’otages de 24 autres le 22 avril 1988, deux jours avant le premier tour de l’élection présidentielle française. Le 5 mai l’assaut est donné à la grotte où les otages sont retenus. Bilan : 2 militaires, 19 indépendantistes tués certains après l’intervention. L'opération Victor s’est déroulée trois jours avant le deuxième tour qui oppose François Mitterrand à son Premier ministre de cohabitation. Jacques Chirac qui vient d’obtenir la libération des derniers otages du Liban… Le président sortant sera réélu avec 54,02 %.
Dans deux posts à venir, je vais me plonger dans mes souvenirs de journaliste et vous raconter la Calédonie d’avril-mai 1988. Souvenirs que j’avais consignés naguère dans un livre « Opération Victor » (1989). Longtemps, un terme générique pudique a résumé cette violence en Nouvelle-Calédonie : « Les événements »…

jeudi 27 mai 2021

Les défaillances du renseignement militaire belge

 

Ludivine Dedonder, ministre de la défense belge ©DR

Cette affaire Conings, du nom de ce caporal-chef d’extrême-droite servant au sein de la police militaire belge soupçonné par les autorités de « tentative d’assassinat et de possession illégale d’armes dans un contexte terroriste », en fuite depuis 10 jours, a mis au jour les défaillances dans la circulation de l’information entre les services de renseignement. La Sûreté de l’Etat connaissait depuis longtemps l’inclination politique du militaire. L’organe de coordination, qui analyse la menace en Belgique (OCAM), considérait Jürgen Conings comme « une menace possible et vraisemblable ». C’est-à-dire relevant d’un niveau 3 sur une échelle qui en compte 4. L’information a été transmise au service de renseignement militaire (SGRS, 700 collaborateurs) mais n’a suscité aucune enquête. Et la ministre de la défense, Ludivine Dedonder n’aurait donc pas été informée. « Le top de l’armée est dans le viseur » écrivait aujourd’hui l’éditorialiste du Soir. Le quotidien francophone résume d’un trait la situation à Bruxelles : « Le dossier reste politiquement incandescent. »

samedi 22 mai 2021

Le caporal-chef qui déstabilise la défense belge

 

©DR

L’armée, en Belgique, vit depuis quelques jours des moments difficiles. Ce constat est directement établi par son chef, l’amiral Michel Hofman. Et ce, à la suite de la cavale d’un militaire d’extrême-droite, soupçonné par les autorités de « tentative d’assassinat et de possession illégale d’armes dans un contexte terroriste. » Celui-ci, le caporal-chef Jürgen Conings, membre de la police militaire, est recherché depuis lundi soir alors qu’il aurait menacé de s’en prendre aux symboles de l’Etat, à des personnalités dont un virologue, ainsi qu’à une mosquée. Ce militaire de 46 ans aurait emporté avec lui un ou plusieurs pistolet(s) mitrailleur(s) Herstal ainsi que des armes anti-char de type Law. Reste à comprendre comment cet ancien instructeur a pu obtenir de telles armes ? Le profil de Conings était connu et figurait, explique la presse d’Outre-Quiévrain, sur les listes de l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (en matière de terrorisme et d’extrémisme). Autre question : comment a-t-il pu rester dans l’armée ? Le service de renseignement militaire (SGRS) et son manque de moyens supposés (sources et ressources) sont également pointés du doigt. L’affaire est au fil des heures devenue politique d’autant que le caporal-chef n’a toujours pas été retrouvé par les 400 policiers et militaires qui le recherchent dans la province du Limbourg. « Ce qui se passe actuellement est fondamentalement contraire aux valeurs que nous défendons et diffusons en tant que membres du personnel de la Défense, militaires et civils, et au serment que nous avons prêté » vient d’expliquer l’amiral Hofman dans un message envoyé à tous les employés de son département.

vendredi 21 mai 2021

Des noms de Compagnons de la Libération pour les futurs patrouilleurs outre-mer

 

©Armées

Ces six bâtiments de 30 marins qui seront livrés entre 2023 et 2025 porteront le nom de titulaires de la croix de la libération issus de l’outre-mer. Les patrouilleurs basés en Nouvelle-Calédonie (Nouméa) porteront le nom d’Auguste Bénébig et de Jean Tranape. Tous deux sont issus du bataillon d’infanterie de marine et du Pacifique (couramment appelé bataillon du Pacifique, sa première appelation). Ceux destinés à la Polynésie (Papeete) seront baptisés Philippe Bernardino, qui combattit lui aussi au sein du BIMP et Teriieroo A Teriierooiterai, qui est l’un des artisans du ralliement du territoire (qui s’appelait alors Etablissements français d’Océanie) à la France libre, le 2 septembre 1940. Enfin, ceux qui iront à la Réunion (port des Galets) se nommeront Auguste Techer et Félix Éboué. Le premier servit au 1er bataillon d’infanterie de marine qui a fusionné après Bir Hakeim (1942) avec le bataillon du Pacifique. Le second a rallié le 26 août 1940, le Tchad, dont il était gouverneur, à la France libre.

mercredi 19 mai 2021

Patrice Faure nouveau haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie

 


Nommé ce matin en conseil des ministres, cet ancien officier va quitter Vannes pour Nouméa. C’est en 1994 que ce drômois a commencé sa carrière militaire à Trèves en Allemagne avant de devenir instructeur à Saint-Cyr. En 1998, Patrice Faure sert au 14e régiment parachutiste de commandement et de soutien à Toulouse (devenu en 2018, 14e régiment d’infanterie et de soutien logistique parachutiste.) Quatre ans plus tard, ils est affecté à la DGSE avant de rejoindre le cabinet militaire du ministre de l’outre-mer. En 2006, l’officier choisit la préfectorale et quitte l’armée. Il était depuis l’été 2019 préfet du Morbihan. Cet ancien préfet de Guyane, arrive en Calédonie alors que le territoire s’apprête à vivre un moment charnière de son histoire (3e et dernier référendum sur son indépendance).

dimanche 16 mai 2021

Pour ne pas oublier que cela fut




Ce sont deux silhouettes. La première est celle d’une déportée réchappée de l’ignominie nazie. La seconde, celle d’une jeune fille pas encore majeure. Quasiment 80 années les séparent. Ce qui les relie est un enjeu de mémoire. Aujourd’hui, alors que ces survivants(es) sont pour les plus jeunes nonagénaires, Karine Sicard Bouvatier a souhaité faire rencontrer des déportés à des jeunes gens du même âge que le leur lors de leur arrestation. 25 jeunes garçons et filles de 11 à 22 ans qui font à face à 25 survivants « in extremis » pour reprendre une formule utilisée dans l’ouvrage. Ce rendez-vous a donné un livre, Déportés, leur ultime transmission (Editions de La Martinière).
Des milliers de textes ont été écrits sur le sujet. Cet ouvrage reste pourtant déterminant car il met face à face deux générations. Celle qui peut, pour quelque temps encore, témoigner, et celle qui peut servir de rempart à l’oubli. Car « l’herbe de l’oubli » chère à Leconte de Lisle menace de recouvrir l’histoire.
Ces 190 pages représentent donc une nouvelle pièce et un défi contre la menace d’amnésie ou d’indifférence historiques. Les témoignages ont certainement constitué un séisme pour ces garçons et filles qui ont participé au projet de Karine Sicard Bouvatier, tant le récit de leur interlocuteur ou de leur interlocutrice est insupportable. Chacune et chacun raconte la même histoire dans laquelle les monstres allemands et leurs nombreux supplétifs, ont alimenté le Mal. Une heure de gagnée dans ces camps de destruction de l’Homme constituait une prouesse ; survivre dans le froid glacial des hivers de l’Est avec des ersatz de nourriture tout autant ; échapper à la sélection pour la mort immédiate, une sorte d’exploit ; survivre à la maladie permanente, aux coups, à la haine…
Lorsqu’ils sont rentrés, ces ombres pesaient 25, 30 kg. Ces « choses » pour leurs bourreaux, sont en deuil depuis leur libération. En qui croire lorsqu’on a vécu cela ? « Mon Dieu à moi est parti par la cheminée du four crématoire avec mes parents » a raconté Elie Buzyn, déporté à 15 ans à Auschwitz. Certains chaque nuit, depuis si longtemps, continuent à cauchemarder, tourmentés par les images de ces entreprises de « mise à mort. » A l’odeur des cadavres, de celle des morts-vivants avec lesquels ils vivaient 24h sur 24h.
C’est paradoxal d’avancer cela, mais eux ont eu de la chance… Ces « chanceux » rentrés de l’enfer ont été bien peu nombreux. Il leur a ensuite fallu tenter l’impossible : se reconstruire. Face à l’incrédulité, au manque de considération et d’intérêt. Juifs, ils ont souvent perdu dans les camps d’extermination, parents, frères et sœurs arrêtés fréquemment avec eux, Longtemps très longtemps, ils n’ont jamais raconté. A personne. Trop douloureux. Mais parler devenait urgent. Alors ils l’ont fait !

Karine Sicard Bouvatier, Déportés, leur ultime transmission, Editions de La Martinière.

samedi 15 mai 2021

Suisse, départ du chef des services secrets

 

©DDPS

En poste depuis le 1er juillet 2018, le général Jean-Philippe Gaudin va quitter fin août la direction du Service de renseignement de la Confédération (SRC). Selon des sources helvétiques, il aurait été remercié par la conseillère fédérale (ministre) en charge de la défense et de la protection de la population, Viola Amherd. Le communiqué officiel précisant que « Les parties mettent fin d’un commun accord aux rapports de travail. » Le général Gaudin, qui fut attaché de défense à Paris,(nommé par le prédécesseur de madame Amherd) pourrait selon le quotidien romand Liberté, avoir été victime de Crypto pour ne pas avoir informé rapidement le conseil fédéral de cette affaire révélée mi-février, qui concerne l’écoute par la CIA et les services de renseignement allemands (BND) des conversations de plus de 100 états étrangers. Ceci grâce à des appareils de chiffrement de Crypto AG.

vendredi 14 mai 2021

Pamela et Sylvain

Le fait divers est un événement tragique qui survient lorsqu’on ne s’y attend pas et dont chacun d’entre nous peut être la victime. Il met en jeu des vies ordinaires. Imagine-t-on, toutefois, à la lecture d’un fait divers, ce que les quelques mots d’un entrefilet dans un journal induisent ? Ils renvoient à l’homme et à l’état de la société. Ces dernières heures, le quotidien Sud-Ouest et France Bleu Gironde ont raconté cette terrible histoire.

©DR (famille)/France bleu Gironde

Ce 20 juin 2020, Pamela, 25 ans et Sylvain, 35 ans ont décidé d’aller passer, en famille, une journée à la plage. Au Porge, sur la façade Atlantique. Tous deux vivent ensemble depuis 5 ans. Ils sont même pacsés. La jeune femme veut devenir assistante maternelle. Elle vient d’ailleurs de passer un CAP et attend le résultat. Lui, le natif de la Côte d’Or, est militaire dans les Forces spéciales, au 13e Régiment de dragons parachutistes (RDP, camp de Souges). Il est tard ce 20 juin 2020, le couple songe à rentrer. Tous deux montent sur la Harley Davidson. Alors qu’ils roulent à vitesse normale sur une départementale, vers 23h30, la moto est percutée par l’arrière par un véhicule qui roule très très vite. Leurs corps, établira l’enquête, sont projetés à 300 m du point d’impact. Le conducteur s’enfuit dans la forêt. Celui-ci, âgé de 33 ans vient quelques minutes avant le choc de poster sur la messagerie Snapchat une photo du compteur de la Skoda Octavia, affichant 190 km. L’homme, a bu beaucoup d’alcool depuis 13h, beaucoup, ont expliqué, mercredi, des témoins devant la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux. Puis les mêmes précisent que vers 17h, il a pris de la cocaïne. Rentré chez lui, il se dispute avec son amie, emprunte la voiture de son père… Déjà jugé à trois reprises pour « conduite en état d’ivresse », en détention provisoire, la justice l’a condamné à 5 ans de prison, dont 18 assorties d’un sursis probatoire. Pamela ne saura jamais qu’elle avait réussi son CAP...

jeudi 13 mai 2021

Nouvelle-Calédonie : en cas d’indépendance, 10 000 personnes quitteraient le pays

 

©DR

Dans une projection livrée par l’institut Quid Novi qui vient de mener une étude auprès de la société civile calédonienne à la demande du ministère des Outre-mer, ces 10 000 départs sont considérés comme certains. 24 000 autres résidents l’envisageraient. Enfin 59 000 s’interrogent si au terme du troisième référendum sur l’avenir du territoire, qui doit avoir lieu avant octobre 2022, l’indépendance l’emportait. Le directeur de l’institut estimant que « potentiellement » près de 30% de la population (290.000 habitants) pourrait quitter la Nouvelle-Calédonie « si l’indépendance se traduisait par une notion qui ne lui convient pas. » Cette consultation a été menée auprès de 2200 personnes dont les étudiants représentent la moitié du panel.

mardi 11 mai 2021

La Légion d’honneur attribuée à Eric Masson

 

©DR

C’est un décret publié ce matin au Journal officiel qui confirme qu’Eric Masson, policier tué à Avignon recevra, à titre posthume, la Légion d’honneur. Ce texte précise également que ce jeune père de famille a été promu au grade de commandant. Cette décoration sera déposée sur le cercueil du policier par le Premier ministre lors d’un hommage national qui se déroulera cet après-midi à la préfecture du Vaucluse. Agé de 37 ans, Eric Masson a été tué mercredi dernier lors d’une intervention contre un point de drogue dans le centre d’Avignon. Quatre personnes ont été arrêtées dimanche soir. Les principaux suspects ont 19 et 20 ans.

lundi 10 mai 2021

« Nos ainés, ce sont les résistants de 1940 » affirment dans une nouvelle tribune des militaires anonymes (actualisé*)

Cette nouvelle tribune attribuée à des militaires a fait son apparition, précédée d’un teasing**. Dans les arguments utilisés par le ou les rédacteurs du document, une phrase mérite une attention minutieuse. "Le cri d’alarme de nos Anciens renvoie enfin à de plus lointains échos. Nos aînés, ce sont les résistants de 1940, que, bien souvent, des gens comme vous traitaient de factieux, et qui ont continué le combat pendant que les légalistes, transis de peur, misaient déjà sur les concessions avec le mal pour limiter les dégâts." La comparaison avec les résistants est audacieuse car l'histoire doit toujours être utilisée avec beaucoup de mesure. Quel a été le rôle des militaires lors de la naissance de la Résistance (extérieure et intérieure) ?
Début juillet 1940, la France libre, donc une résistance en gestation, c'est 2700 civils, officiers et hommes de troupe. 900 des 1600 légionnaires de la 13e DBLE ont choisi, à Londres, de poursuivre le combat. Ils se sont battus en Norvège. Du corps expéditionnaire constitué, 37 volontaires sur 735 hommes du 6e bataillon de chasseurs alpins (dont six officiers) effectueront le même choix ainsi que des personnels d’une section de chars légers, d’une batterie de 75 et des éléments du train. Modeste bilan. Deux mois après l’Appel du 18 juin, 5 officiers supérieurs seulement ont répondu au général de Gaulle. Et deux officiers généraux. Ce sont l’amiral Muselier (en retraite) et le général Legentilhomme. Fin août, Catroux les rejoindra. Il sera le seul général d’armée à avoir effectué ce choix… pendant deux ans. Les FFL souffrent alors d’une pénurie de cadres. La Flotte est sans marin. Seul l’équipage du sous-marin Rubis a rejoint l’Angleterre. Les amiraux seront ainsi nombreux à adhérer à la Révolution nationale du maréchal Pétain et à occuper des postes politiques et administratifs de premier plan. En cet été 1940, une seule unité ralliera intégralement la France libre : le régiment de marche du Tchad. L’armée d’Afrique se convertissant immédiatement au pétainisme (officiers en particulier). En métropole, la Résistance (intérieure) est uniquement balbutiante et inorganisée. Ce sont des individualités qui  "veulent faire quelque chose." Ce sont d'autres individualités qui traversant la Manche, qui d’Afrique (AEF ou AOF), du Levant, d’autres colonies ou venues d’autres pays disent « non ». Ce n’est qu’à partir de la fin 1942 après le débarquement américain en Afrique du Nord que l’armée d’Afrique rejoindra les Français libres. Avec un état d’esprit bien différent de celui des "pionniers"  qui, en 1940 et 41, ont été condamnés par contumace, souvent à mort, par les tribunaux militaires de Vichy. Individuellement toujours, d’autres militaires auront rejoint en France occupée réseaux (ainsi l'Organisation de résistance de l’armée, ORA...) et maquis. L’après-guerre a construit une image résistante des Français. Pourtant, celle-ci n’est pas si conforme à la réalité. 
Considérer enfin dans cette tribune que les "résistants" d'aujourd'hui seraient accusés de "factieux" par une hiérarchie, comparée aux généraux qui ont suivi le vieux maréchal, est une appropriation excessivement douteuse de l'histoire. 

* Ce n'est pas la bonne version du post qui a initialement été publiée. Je vous prie de m'en excuser.

**Procédé qui cherche à éveiller la curiosité.

mardi 4 mai 2021

« Les guerriers sans nom » de Jean-Christophe Notin



 
Pourquoi s’engage-t-on ? Cette question est la première que Jean-Christophe Notin a posée à ces « Guerriers sans nom ». Comme naguère, il l’avait formulée à d’autres combattants, bien plus âgés, décorés de la croix de la Libération pour leur engagement durant la Seconde Guerre mondiale. Cet ouvrage publié par les éditions Tallandier est le quatrième d’une série d’entretiens. Ce furent auparavant les clandestins de la DGSE, les Compagnons de la Libération donc, les ambassadeurs étrangers en poste à Paris. Construit avec 28 officiers généraux, officiers et sous-officiers servant ou ayant servi dans les forces spéciales (FS) cet ouvrage est un « livre de bibliothèque » pour reprendre la formule utilisée au XIXe siècle par Flaubert pour parler d’un écrit qui compte. Et c’est même une gageure pour un livre construit sur des interviews. Mais la liberté de ton des acteurs crée immédiatement une proximité avec les opérateurs. Il y a toutefois un autre élixir. Qui va au-delà des séquences incontournables concernant l’engagement (le souhait d’en être), de la sélection, de l’entrainement, des missions, de l’organisation du Commandement des opérations spéciales (COS). Et qui a pour nom : l’intimité. Les invités de J.C. Notin n’éludent pas cette intériorité. Ils ont beau être des guerriers sans nom, des orfèvres de l’ellipse (avec leur famille et leurs proches) des adeptes d’une langue solitaire, pleine de rétractions de phrases, de tournures frugales pour des raisons de sécurité, ce sont avant tout des hommes. Qui doivent affronter ces minutes de séparation mélancolique avec une épouse, une compagne, les enfants lorsque l’heure de la mission sonne. Connaissant fort bien l’inséparable souci que ce départ provoque chez ceux qui restent. Qui sont confrontés à l’épaisseur de la réalité, la peur, la crainte de la blessure, de la mort qu’ils donnent ou peuvent recevoir. L’adresse du général Patton à ses hommes, évoquée dans l’ouvrage, définit l’équation : « Vous n’êtes pas là pour donner votre vie pour votre pays mais pour que le gars d’en face le fasse pour le sien ! »
Cette intimité fait le livre. Jean-Christophe Notin a ainsi su également entrer avec beaucoup de respect et de retenue dans la proximité de Florence de Pierrepont et Léa Bertoncello, dont les conjoints, commandos Marine, ont été tués en mission, il y a quasiment deux ans, dans la nuit du 9 au 10 mai 2019.
L’auteur a mis dans ces 375 pages de la lumière sur l’occulte. L’interview est l’une des techniques les plus difficiles. Sa maîtrise ne s’acquiert que grâce à la confiance. Qui se construit au fils du temps. Poser des questions ouvertes à des représentants d’un milieu fermé en n’obtenant pas la langue de bois est aussi une mission délicate. Au fond, à partir d’un banal adverbe interrogatif, « pourquoi », on parvient à construire un livre percutant.

samedi 1 mai 2021

Halte au feu !

La tribune des militaires qui a pris des proportions inattendues, n’est que l’avatar d’un climat qui ne cesse de se détériorer dans la société. C’est ce qu’ont d’ailleurs dit, à leur façon, au début de leur libelle, les signataires. 
Force est de constater qu’autour de nous, le climat devient de plus en plus exécrable. Ainsi le fiel anonyme circulant sur les réseaux sociaux. Où l’insulte, la menace font florès d’autant que les porteurs de haine avancent la plupert du temps dissimulés. Cette délation nauséabonde est un réflexe classique et un révélateur des périodes de crise. L’occupation de la France durant la Seconde Guerre mondiale en a donné un aperçu mortifère.
Les élus sont ainsi souvent trainés dans la boue. Les maires de petites communes en sont les principales victimes alors que d’autres élus, acteurs du débat national alimentent goulûment les braises en fonction de leurs intérêts.
Ce climat délétère touche également les journalistes. Il faut parfois du courage à certains confrères pour exercer leur métier ; c’est-à-dire transmettre des faits, les mettre en perspective, être ce lien entre l’information et le public. Je ne parle pas de mes confrères chinois, russes, algériens, afghans, iraniens, syriens, saoudiens, mexicains… qui se battent contre Goliath pour tenter de rester indépendants. Non, je parle de contrées où on ne part pas habituellement la boule au ventre, c’est-à-dire en France ou en Belgique.
Hier matin, la RTBF (Radio-Télévision belge) racontait combien les pressions verbales se multiplient sur le terrain. Un reporteur expliquait que, récemment, allant couvrir une « boum » au bois de la Cambre (Bruxelles) en dépit des mesures sanitaires, il s’est fait copieusement insulter « Journalope », « Collabo » « Merdia ». « J’ai ressenti de la haine » commente-t-il. Cet exemple n’est évidemment pas isolé mais duplicable en France (parfois, souvent ?). Les journalistes couvrant les manifestations des « Gilets jaunes » ont aussi entendu ces insultes. D’autres, il y a quelques années, lors de réunions du Front national… Ce sont généralement des mots. Mais les confrères sont bien placés pour connaitre leur poids. Thierry Curtet, journaliste à France Télévisions, se rappelle avoir été pris à partie lors du congrès d’une centrale syndicale, simplement parce que le quotidien Libération, dépassait de sa poche. C’est dire l’exacerbation ambiante. Au-delà de cette anecdote, la concurrence des réseaux sociaux contribue grandement à déformer les comportements. « Il y a là, une grande méconnaissance du fonctionnement de la presse. Certaines personnes, qui ont vu circuler une information sur les réseaux sociaux lui donnent la même valeur que celle des médias professionnels. Sauf qu’un journaliste va la vérifier afin de la valider » explique Thierry Curtet.
Au-dessus de l’insulte, il y a la violence inouïe, celle dont a été victime un photographe de L’Union, le 27 février dernier. Hervé Lantenois est resté de longues semaines dans le coma, il est toujours hospitalisé et suit une rééducation intense.
Mercredi, le rédacteur en chef des Nouvelles Calédoniennes, expliquait dans son journal et sur le site que la situation financière du quotidien était en mauvaise posture. Quelques heures plus tard, il rendait compte par les mêmes moyens de la réaction des Calédoniens : « Nous étions loin d'imaginer le flot de haine qui serait déversé à notre encontre sur les réseaux sociaux. Nous avons appris, dans des termes fleuris, que nous ne savons pas faire notre travail, que nous n'aimons que le sensationnel, que nous sommes à la fois incapables d'enquêter et totalement inféodés (pas toujours aux mêmes d'ailleurs), que nous passons nos journées à déformer la vérité, voire à mentir délibérément pour on ne sait quel obscur dessein. En bref, la mort annoncée des Nouvelles était la seule bonne nouvelle que nous pouvions apporter à nos lecteurs. » Ce qui, par parenthèse, montre bien le raidissement du Caillou à l’aube d’un déterminant troisième référendum sur l’avenir de ce territoire du Pacifique océanien, dont on ne mesure pas en métropole, les multiples enjeux.
Victoire des complotistes, de ceux pour qui, par définition, les journalistes sont « des pourris » ou une « profession nuisible » ? Il serait bon de retrouver un peu de calme, de nuance. Parce que ce flot de comportements individuels nourrit une vague nauséeuse qui ne cesse de grossir.
Alors « Halte au feu ! ». Les plus anciens se souviennent de ce cri lancé par un officier et des manifestants, à de multiples reprises, le 26 mars 1962 à Alger lors d’une fusillade, rue d’Isly. « Halte au feu ! »