mardi 29 mai 2018

Disparition d'Yves de Daruvar

Depuis 1674, la cour d’honneur de l’Hôtel des Invalides est le témoin des moments forts de recueillement nationaux. Ce sera encore le cas, lundi prochain, à l’occasion de l’hommage qui sera rendu à Yves de Daruvar décédé, hier, à l’hôpital militaire Percy (Clamart), à l’âge de 97 ans. Daruvar, homme malicieux et délicieux, était le dernier Compagnon de la Libération, encore en vie, à avoir servi au sein de la 2ème DB du général Leclerc.
Lorsqu’il avait été élevé, en 2015, à la dignité de grand'croix de la Légion d'honneur, j’avais évoqué ce parcours qui lui avait valu d’entrer, en 1945, dans la galerie des 1038 titulaires de la croix de la Libération (post du 12 avril 2015). Utilisant le récit de ses années de guerre qu’il m’avait fait pour un ouvrage consacré aux Compagnons et à ses compagnons (Privat, 2006). Voici des extraits de ce texte très riche des interrogations d'un jeune homme dans une Europe au bord de la conflagration.

@ Ordre de la Libération

"Je suis encore, aujourd'hui, en quête d'identité. Je possède des ascendances variées. Mon père, hongrois, officier de carrière avait pris part à la Première Guerre mondiale du côté de la "triple alliance" puisque son pays était allié de l'Allemagne. Ma mère qui était d'ascendance à la fois autrichienne et française (ma grand-mère maternelle, catholique, était née à Montpellier, son mari était juif de Vienne), avait vu le jour à Constantinople et était de nationalité iranienne. On disait persane à l'époque. Son père étant conseiller du shah d'Iran.
Quant à moi, je suis né turc ! Et catholique. Mon père qui avait acquis cette nationalité, s'est ensuite converti à l'islam. A partir de là, la relation entre mes parents s'est considérablement dégradée. Ce qui nous a conduit ma sœur et moi à partir, avec notre mère, pour la France. Cela se passait en 1929, j'avais huit ans.
Bien que de langue maternelle française, j'étais un étranger. Au collège on me traitait de "sale boche". J'en étais excédé.
Cette IIIème République que je découvris n'était pas très reluisante. Je suis né trois ans après la fin du premier conflit mondial. Le deuxième round s'est rapidement profilé. Les grondements étaient perceptibles. Des événements s'annonçaient.
          Quel serait mon destin ? De quel côté serais-je engagé ?
Nous assistions, en France, à une lâcheté morale généralisée. Les actualités nous montraient des régimes "resplendissants" en Allemagne et en Italie. Un culte de la jeunesse annonçait un autre avenir. J'étais fasciné.
          Que faire ? J'étais comme l'âne de Buridan.
L'année de terminale, j'ai miraculeusement viré ma cuti grâce à un livre de Friedrich Sieburg, Dieu est-il français ? Dès la préface ce fut un coup de clairon. En substance, il écrivait : "Nous Allemands, nous avons de l'ordre chez nous mais du désordre dans nos têtes. Vous Français, vous avez de la pagaille chez vous mais de l'ordre dans vos têtes".
Qu'un allemand qui avait vécu vingt ans en France puisse écrire cela m'a soudainement éclairé. Il décrivait les Allemands comme un peuple brumeux, qui cultivait des mythes "moyenâgeux", tandis qu'il admirait la clarté et l'ordre intellectuel français.
Electrochoc qui m'a incité à la réflexion. Je me suis, dès lors, demandé ce qui faisait l'essence de la France, et me suis mis à lire Péguy, y découvrant le mystère profond de l'âme française. Puis j'ai lu Psichari, "Les voix qui crient dans le désert", "Le voyage du centurion", préfigurant pour moi "Le silence de la mer" de Vercors qui a si bien pénétré et analysé l'étrange complexe d'infériorité morale des Allemands vis-à-vis de la France.
Cela s'est produit à la veille même de la guerre. Je ne peux m'empêcher de penser que sinon, j'aurais peut-être été séduit par la propagande de Vichy et me serais engagé dans la division Charlemagne où je ne sais quoi.
Lorsque la guerre a éclaté, j'étais mûr. Mon choix, incertain, quelques courtes années plus tôt, était fait. Durant cette Seconde Guerre mondiale, trois généraux hongrois de ma famille ont combattu avec les Allemands sur le front de l'est.
J'avais pensé à l'Ecole navale, une sorte de désir d'évasion, mais ce fut l'Ecole coloniale.
Au début du mois d'octobre 1940, une lettre, suivie d'une publication au Journal officiel, m'informait de ma réussite au concours. Je n'étais plus en France depuis plusieurs mois déjà ! Je n'appris donc mon succès que l'année suivante, lors de mon passage à Brazzaville.
J'avais quitté Paris, à bicyclette, le 12 juin à quatre heures de l'après-midi. Le 15 juin à minuit, j'étais à Bordeaux. Révulsé par le discours de Pétain annonçant que "nous allions demander à l'ennemi de traiter entre soldats, dans l'honneur", j'ai repris mon vélo et poursuivi ma route vers le sud. A Saint-Jean-de-Luz,  j'ai réussi, déjouant la surveillance des policiers français, à embarquer sur un navire polonais, le Batory, et rallier Plymouth, le 23 juin et Londres, le 25.
Le 1er juillet, je signe mon premier engagement pour la durée de la guerre. Au dos du document, il était spécifié qu'en cas de défaite nous étions assuré d'être accueilli au Canada.
J'ai alors vu de Gaulle pour la première fois. Il était en grand uniforme, avec son képi orné de feuilles de chêne, de grandes bottes. Il a été accueilli par un tonnerre d'applaudissements. Il avait un air très hautain, mais il m'a alors fait bonne impression. Ce jour-là, il ne fumait pas. Ce qui était déplaisant chez lui à l'époque, c'était cette cigarette ou ce mégot qui pendouillait toujours à ces lèvres !
Lorsque le calme a été rétabli, il nous a déclaré tout de go : "Voilà, chers amis, je crée une légion de volontaires français. Nous allons parcourir le monde. Et un jour, au bout de combien de temps, je n'en sais rien, nous rentrerons en libérateur dans notre pays".
C'était très napoléonien, exactement ce que nous voulions : des aventures, voyager, et rentrer en libérateur, sinon en héros. D'où l'enthousiasme qui a suivi ces propos !
Depuis mon départ de France, j'ai eu le sentiment d'une succession de miracles : embarquement pour l'Angleterre, rencontre avec le colonel Leclerc en août 41.Celui-ci a illuminé ma vie ! Je crois qu'il m'avait pris en affection car, deux ans plus tard, il est venu me voir à l'hôpital d'Héliopolis, au Caire, lorsque j'ai été blessé à la mâchoire en Tunisie. Je l'avais trouvé assis à mes côtés alors que je m'éveillais de ma sieste.

Leclerc c'était ça : très pète-sec dans le service mais un cœur tendre. Il m'a aussi beaucoup impressionné sur le plan spirituel car cet homme que j'admirais énormément était profondément pieux. Je l'ai vu, auprès d'un missionnaire de Faya-Largeau, agenouillé, servant la messe. Il est juste de dire que nous étions nombreux à aimer ce meneur d'hommes. C'est la raison pour laquelle j'avais fait le vœu de communier lorsque j'avais été blessé si je restais en vie. Autant j'ai adoré Leclerc, autant, je n'ai pas eu de chance dans mes contacts avec de Gaulle. C'était un génie politique qui par certains côtés ressemblait au roi Louis XI : il mettait ses adversaires en cage.
(...) La première partie de notre jeunesse, dans quelque nation d'Europe que ce fut, se déroula dans les rumeurs décroissantes d'un premier conflit universel, la seconde s'accomplit dans les rumeurs croissantes d'une deuxième guerre mondiale qui s'avérait de jour en jour inévitable. Nous l'attendions presque tous de pied ferme, avec une certaine fierté, car ce cataclysme humain nous semblait destiné. Cette guerre serait la nôtre, pensions-nous.
Les jeunes générations d'hommes furent toujours quelque peu jalouses de la gloire des vieilles et aussi quelque peu désireuses de se débarrasser des préjugés débilitants d'un autre âge, de secouer l'emprise, si agaçante, des vieux. L'expérience, le prestige et le droit d'élever la voix, que fournissent généralement les actions de guerre, étaient d'excellents moyens pour écarter leur passé et se tourner, délibérément, vers un avenir qui était notre apanage et dont nous étions, pour la plupart, impatients de prendre possession. La guerre nous paraissait l'avènement de notre jeune génération, la consécration éclatante de ses droits et aussi, par la même occasion, la régénération sanglante d'un monde périmé, désuet, terne, étouffant et une juste "resélection" des forces vives de la terre. Dans les premiers jours de septembre 1939, cette guerre jetait donc ses premiers crépitements.
J'avais dix huit ans. Je voulais m'engager mais ma famille m'en dissuada. Je devais terminer mes études. Je ne devais, finalement, attendre que dix mois. En signant à Londres mon engagement dans les Forces françaises libre, j'avais le cœur léger…"


lundi 28 mai 2018

Décès de Serge Dassault

@Franceinfo.tv

Industriel de l'armement, ancien sénateur de l'Essonne, Serge Dassault est mort aujourd'hui " à son bureau" vient d'annoncer sa famille. Il était âgé de de 93 ans. Ce polytechnicien également diplômé de SUPAERO et d'HEC devient en 1987, PDG de Dassault Industries à la mort de son père, Marcel, fondateur de la société des avions Marcel Bloch en 1928, qui fut déporté au camp de Buchenwald pour avoir refusé de collaborer avec les nazis. Dassault se développera grâce au succès des Mirage IV et Mirage F1, notamment. En 2004, Serge Dassault prend le contrôle de la Socpresse, alors premier groupe de presse français, vendant rapidement les titres pour ne conserver que le Figaro. Maire de Corbeil-Essonnes (91) en 1995, réélu puis reconduit en 2008, son élection est ensuite annulée par le conseil d'Etat. Son ami et collaborateur Jean-Pierre Bechter lui succède à la mairie mais l'élection sera également invalidée. Serge Dassault  sera mis en examen, en 2014 pour « achat de votes », « complicité de financement illicite de campagne électorale » et « financement de campagne électorale en dépassement du plafond autorisé ». Cette mise en examen fait suite à celle de Jean-Pierre Bechter. Il sera condamné, en 2017 à deux millions d'euros d'amende et cinq ans d'éligibilité.
Pendant cette période, Groupe Dassault connaît des succès majeurs, avec à sa tête Eric Trappier, nommé PDG du groupe, en 2013. Le Rafale, avion de combat de 4e génération, décroche vingt ans après sa mise en service en France (2004), trois contrats à l’export en Egypte, au Qatar et en Inde.

Le 2ème REI et le 2ème REG sur les Champs-Elysées

Le 14 juillet à Paris, le 2ème Régiment étranger d’infanterie (Nîmes, Gard) qui a participé ces derniers mois, notamment, aux opérations Sentinelle, Chammal, Barkhane mais a aussi été déployé au Burkina Faso, participera au défilé des troupes à pied. La compagnie qui prendra part, sur les Champs-Elysées à la fête nationale, reviendra d’ailleurs du Mali. Le 2ème Régiment étranger de génie (Saint-Christol, Vaucluse) qui sera intégré au dispositif motorisé a, lui essentiellement, participé à Sentinelle. Cette année, le défilé du 14 juillet devrait, en effet, porter sur l’engagement sur le territoire national, sur les capacités dont dispose l’armée de terre pour intervenir, dans l’urgence, en appui d’autres moyens de l’Etat, sur la réactivité et la réversibilité des forces.

vendredi 25 mai 2018

Premiers éléments sur l'affaire des deux agents de la DGSE soupçonnés de trahison

L'avis, publié au Journal officiel du 28 juin 2017, était passé relativement inaperçu. Le 15 juin précédent, la Commission du secret de la défense nationale, saisie quinze jours plus tôt par Sylvie Goulard, alors ministre des armées, émettait un avis favorable à la déclassification de documents de la DGSE. La ministre avait, en effet, reçu le 4 mai, une requête formulée par Jean-Marc Herbaut et Nathalie Poux, vice-présidents chargés de l'instruction au tribunal de grande instance de Paris. Ces deux magistrats avaient été chargés de l'instruction d'une information judiciaire ouverte, notamment, pour "trahison par intelligence avec une puissance étrangère, provocation directe au crime de trahison et compromission du secret de la défense nationale."
Selon nos informations, c'est la DGSE qui a découvert cette affaire. La trahison de ces deux agents, au profit de la Chine, aurait été repérée par un service interne chargé de déceler les retournements ou les tentatives d'infiltration. La Direction générale de la sécurité extérieure, en accord avec le ministère des armées, aurait alors saisi le procureur de la République de Paris, lequel, en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale, aurait ouvert cette information judiciaire.
Les deux agents, aujourd'hui "retraités", ont été placés en détention depuis décembre dernier.

Deux anciens agents de la DGSE soupçonnés de trahison au profit de la Chine (actualisé)

Le ministère des armées l'a confirmé jeudi, en toute fin de soirée. "Deux anciens agents" de la Direction générale de la sécurité extérieure et la conjointe de l'un d'entre eux "ont été déférés devant un juge d'instruction pour des faits susceptibles de constituer des crimes et délits de trahison par livraison d'informations à une puissance étrangère." Ces deux hommes ont été placés, alors, en détention. Un peu plus tôt dans la soirée, l'émission Quotidien (TMC) puis le Le Monde révélaient que quatre agents de la DGSE avaient été interpellés en décembre dernier et mis en examen. Ils seraient soupçonnés d'espionner pour les Chinois. Pour ces deux médias, la DGSI serait à l'origine de la mise au jour de cette affaire.

jeudi 24 mai 2018

Qui a bâché la statue du général ?


@ Léon Nöel, Dépêche du Midi

La scène se déroule en plein pèlerinage militaire international à Lourdes (Hautes-Pyrénées), samedi 19 mai. La secrétaire d’Etat Geneviève Darrieussecq est là. Une commémoration se déroule square Foch, devant la statue du maréchal. Jusque-là rien que de très normal sauf qu’à quelques mètres, raconte La Dépêche du Midi, la statue du général de Gaulle est recouverte d’une bâche. L’idée aurait été abordée lors d’une visite préparatoire par un représentant de la délégation militaire départementale, rapporte le quotidien. Dans la mesure où les deux statues qui composent le lieu se font face et afin d'éviter tout malentendu de positionnement vis à vis des délégations étrangères, la DMD aurait suggéré d'apposer un voile sur la statue du Général de Gaulle, explique une autre source. Une solution « déconseillée » par la préfecture. La préfète du département  explique aujourd’hui que « jusque-là on faisait confiance pour appliquer ce qui était dit (…) C’est du jamais vu. » Quant au maire de Lourdes, il explique que « ce doit être nos services qui sont intervenus mais sur ordre des militaires. » Cette cérémonie n’étant pas, à priori, du ressort de la municipalité.