vendredi 2 octobre 2020

Lieutenant-colonel Sabljic

La disparition mardi du lieutenant-colonel Zlatko Sabljic a causé une profonde émotion au sein de la Légion étrangère et parmi les anciens. Engagé le 15 mai 1974, il a quitté le service actif en 2012 après 38 ans 2 mois et 15 jours de service. Son parcours est celui d’un jeune légionnaire croate, issu d’un milieu particulièrement modeste, qui terminera sa carrière au sommet de la hiérarchie. Nous publions une interview qu’il avait accordée à ce blog, il y a six ans, quelques jours avant de porter la main du capitaine Danjou, lors du 151e anniversaire de Camerone.



Vous avez assisté à tellement de Camerone…mais le 30 avril, c’est vous qui porterez la main du capitaine Danjou !
Oui…quarante précisément dont trente huit en activité de service…et jamais, à aucun moment, je n’ai pensé y assister autrement qu’en spectateur.

Comment appréhendez-vous cette cérémonie ?
Comme le point d’orgue de ma carrière…Porter la main, symbole de la fidélité à la parole donnée et de l’accomplissement de la mission à tout prix, est bien évidemment l’honneur suprême que fait la Légion étrangère à l’un de ses serviteurs. Au-delà de ma fierté personnelle cette désignation fait, cette année plus particulièrement, honneur à tous ces étrangers venus servir volontairement la France et qui y ont trouvé la liberté, une patrie à aimer, une famille…Et c’est bien ce qui est absolument extraordinaire dans la Légion étrangère et qui me fascine encore, que cette aptitude à forger des serviteurs émérites, attachés à leur nouvelle patrie jusqu’au sacrifice de leur vie, à partir d’hommes aussi différents qui, pour certains, se haïraient, voire s’entretueraient s’ils n’étaient légionnaires ou anciens légionnaires.

Vous incarnez cette Légion : l’étranger au service de la France, la cohésion, l’intégration…
On peut effectivement penser que je suis un exemple d’intégration réussie. Jeune candidat à l’engagement j’étais étranger, non-francophone, dépourvu de bagages universitaire et technique. Je suis parti de presque rien, sans rien… Et cette intégration s’est faite tout naturellement avec le temps, avec l’acquisition de la langue française et grâce, en particulier, à ce style de commandement « à la française » en usage à la Légion étrangère. Je me sens un citoyen français à part entière : je pense en français, je vote, je suis heureux de payer mes impôts, j’ai une vie de famille en France, beaucoup d’amis. Ma vie et mes centres d’intérêt sont définitivement ici.

Képi blanc, vous terminez votre carrière lieutenant-colonel. A quoi rêvait le jeune croate ?
A quoi rêve un gamin de 18 ans, dont les parents ne possédaient pas même la carte du Parti dans un pays du bloc communiste ? Je me suis évadé de mon pays natal tout simplement pour vivre une vie « meilleure » que celle qui m’était promise.

Pourquoi avoir rejoint la Légion ?
J’avais tout d’abord une image très « romantique » de la France, qui m’avait été donnée par son histoire telle qu’elle était enseignée dans mon lycée. Ensuite, j’ai entendu parler de la Légion étrangère par des amis, anciens légionnaires, et ce que j’en ai entendu –sa réputation de meilleure troupe du monde entre autres- m’a convaincu. Le surlendemain de l’obtention de mon baccalauréat et moins de quarante huit heures après avoir franchi les frontières, je me présentais au Bas Fort Saint-Nicolas à Marseille. Le légionnaire Sablek venait de naître…

L’heure de la retraite a sonné il y a quelques mois. Pourquoi aujourd’hui diriger la Maison du légionnaire ?
Si j’avais pu continuer à servir, je serais encore en activité ! A cinquante sept ans, j’ai atteint la limité d’âge statutaire de mon grade. La Maison du légionnaire est un maillon important de la chaîne de solidarité. L’opportunité de continuer à servir l’Institution s’est ainsi présentée dans ce poste qui me permet de rendre à la Légion étrangère et aux légionnaires, un peu de tout ce que j’ai reçu…