Jean Zay, le Panthéon et le général Delort


Des historiens s’étaient opposés, il y a quelques mois, sur l’opportunité de transférer les cendres du résistant Pierre Brossolette au Panthéon. Au centre du débat, l’animosité de Brossolette envers Jean Moulin. Finalement le président de la République a tranché en faveur du transfert et aucune voix ne s’est élevée pour polémiquer. Dans la liste des quatre figures de la Résistance (dont deux femmes Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillion) dont les cendres seront transférées au Panthéon, un nom, celui de Jean Zay, a pu étonner. Pour le chef de l’Etat il s’agit d’un choix symbolique. Celui-ci a certainement choisi d’honorer une autre forme de la Résistance, au travers du ministre de l’éducation nationale du Front populaire[1], député du Loiret, qui s’engagea dans l’armée en 1939. En juin 1940, avec l'autorisation de ses supérieurs, Jean Zay rejoignit Bordeaux pour participer le 19, à la dernière session du Parlement replié avec le gouvernement qui débattait de l’abandon de la métropole aux troupes allemandes et d'un transfert du gouvernement en Afrique du Nord. Aucune décision n'était prise mais deux jours plus tard, Camille Chautemps, vice-président du conseil, les présidents des deux chambres, Jean Zay et Pierre Mendès-France ainsi que vingt-cinq autres parlementaires embarquaient au Verdon (Gironde) à bord du Massilia. Arrivés à Casablanca le 24 juin, les passagers étaient d'abord consignés par le Résident dans un grand hôtel, puis quatre d'entre eux, dont Jean Zay, étaient arrêtés le 15 août  pour « désertion devant l'ennemi ». Renvoyé en métropole, Jean Zay était interné à la prison militaire de Clermont-Ferrand. Il sera abattu par la Milice le 20 juin 1944. Soit huit jours avant que Philippe Henriot, porte-parole de l’ultra-collaboration et secrétaire d’Etat à l’information du dernier gouvernement de Pierre Laval, ne soit exécuté à Paris par un commando de la Résistance. Henriot qui n’avait de cesse depuis huit ans de dénoncer dans ses interventions publiques, dans ses déclarations, puis ensuite à Vichy dans ses billets quotidiens sur les antennes de la radiodiffusion nationale «l’anti-France» représentée selon lui par Jean Zay, « le juif, le franc-maçon, l’anti munichois, l’anti hitlérien ». Avant-guerre, il citait longuement un poème de Zay, écrit en 1924, c’est-à-dire juste après la Première Guerre mondiale, jamais publié, utilisant des mots injurieux pour le drapeau français : «... Terrible morceau de drap coulé à ta hampe, je te hais férocement, Oui, je te hais dans l’âme, je te hais pour toutes les misères que tu représentes… Que tu es pour moi de la race vile des torche-culs ….».

Ce sont des extraits de ce poème et uniquement ceux-ci qui ont été utilisés il y a quelques jours, par le général Delort, président du Comité d’entente des associations patriotiques, pour crier sa colère devant la décision de François Hollande de « panthéoniser » Jean Zay. Le texte du général Delort reprend, comme l’explique sur son blog Secret défense mon confrère Dominique Merchet, « sans nuance, les accusations de l'extrême-droite des années 30 ». 
Libre à chacun de penser ce qu’il veut de cette décision et d'argumenter. Libre aussi de lui rétorquer que l’Histoire est une matière scientifique sensible, qu’une opinion ne peut être forgée sur une seule déclaration, laquelle doit être mise en perspective et qu’il est indispensable de passer l’ensemble des faits au tamis du sens critique. La prudence étant prise comme rigueur intellectuelle et non mollesse de pensée !

[1] Ministre pendant 40 mois, il fut un réformateur qui travailla sur trois projets : le droit d’auteur, la création d’une école nationale d’administration, la réforme de l’enseignement (scolarité obligatoire jusqu’à 14 ans, effectif maximal des élèves à 35 par classe, présence accrue de l’éducation physique dans les programmes…) Il fonda le CNRS  et est à la base du festival de Cannes.

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