mardi 19 septembre 2017

Fred Moore, le lieutenant Baraka

C'était sacré ! A 19 h tous les deux, ils prenaient l'apéritif. Mais depuis la disparition de Jacqueline, il y a quelques mois, le monde de Fred Moore avait été totalement bouleversé. Après plus de soixante dix ans de vie commune. Après avoir contribué à libérer avec sa section l'Ecole militaire à Paris, le 25 août 1944, il avait rencontré, avenue de Suffren, celle qui deviendra sa femme l'année suivante.
Fred Moore était cet infatigable témoin au souvenir affûté, toujours disponible pour raconter la France libre, les combats et ses spahis. Lorsque je lui téléphonais, souvent le samedi en fin de journée, je savais qu'un récit de campagne s'insérerait dans la conversation. Il adorait partager ce passé. Il aimait faire visiter le musée de l'ordre de la Libération, répondre aux invitations qu'il recevait pour parler de son engagement, être présent aux Camerone de la Légion étrangère, au Fort de Nogent (94). Il fallait, il y a quelques étés encore, voir partir le lieutenant baraka en vacances au Danemark au volant de sa Jaguar verte. Il avait été surnommé ainsi par ses hommes en 1943 après être sorti indemne de trois automitrailleuses successivement touchées par les Allemands.
Lorsqu'il dirigea l'ordre de la Libération, le gaulliste, député de la Somme en 1958, s'était bien entendu avec François Hollande et avait rencontré plusieurs fois Emmanuel Macron, qui devrait présider l'hommage qui lui sera rendu vendredi après-midi aux Invalides, à Paris (16h30).
Le colonel Moore (h) se battit en Egypte, en Libye, en Tunisie, en France en août 44, prit part aux campagnes des Vosges et d'Alsace puis à la réduction, en avril 45, des poches de l'Atlantique (La Rochelle) avant de rejoindre l'Allemagne où se déroulent les derniers combats. Lorsqu'il racontait la guerre et parlait de ses camarades tués, il lui arrivait de s'arrêter quelques instants parce les larmes du souvenir le tenaillaient.
Fred Moore m'avait aussi raconté cette anecdote qui résume parfaitement l'homme et la malice qui l'accompagnait : " En revenant un jour à Rabat, je croise cinq jeunes femmes, auxiliaires de l'armée de l'air qui font du stop. En dépit du règlement, j'en prend trois dans mon véhicule. Ce qui me vaudra huit jours d'arrêt de rigueur au motif suivant : A surchargé sa jeep de filles de l'air. A, en outre, manqué de galanterie en en laissant deux sur le trottoir"...