Il y a 40 ans, Kolwezi (4 et fin)

Dernier volet du récit de l'opération Bonite, menée par les légionnaires parachutistes du 2ème REP, en mai 1978, dans la ville minière de Kolwezi (Zaïre) où des rebelles katangais ont pris les Européens (et notamment des Français) en otages.


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…Les quartiers résidentiels des expatriés sont libérés puis ceux habités par des Zaïrois. Il faut aussi apprendre à gérer les journalistes. Un photographe demande à un légionnaire de mettre un coup de pied dans la porte d’une case. Absurde scénarisation de l’information et non-sens tactique. Et si un rebelle se trouvait derrière la porte et qu’il tire alors que le légionnaire est en pleine lumière ?

Les légionnaires ne dorment pas ou peu pendant près trois jours. Il faut leur permettre de se reposer à tour de rôle. L’opération permet de mesurer les ressources de chacun. Ils redécouvrent les réflexes des anciens.
- Alors que nous bénéficions d’un moment de repos, se souvient un légionnaire ayant participé à l’opération, mon sergent qui avait beaucoup d’humour y compris dans les situations difficiles me dit. « En Corse, nous assistions « aux exploits » du FLNC, ici nous le combattons. » Il s’agit en Afrique du Front national de libération du Congo. A son retour à Solenzara, le colonel Erulin apprendra que son garage à Calvi a été plastiqué.
Après la France, la Belgique a décidé d’entreprendre une opération « humanitaire.». La Belgique ne sut ou ne put préserver le secret de l’opération avant le départ de ses 1180 paras-commandos. Si bien que les rebelles purent en suivre, via la presse, les préparatifs. Pour éviter le survol de certains pays « hostiles », les Belges mirent vingt-cinq heures pour arriver à Kamina,  ancienne base aérienne belge située à 200 kms de Kolwezi. Alors que le temps prévu par la route la plus courte est de 13h30. Les relations étant si tendues avec la France, que Paris n’a pas accordé aux avions belges de survoler notre espace aérien.
Leur mission : « tout faire » pour que les Belges et les autres étrangers soient évacués. Les Belges ont comme interlocuteur à Bruxelles, Jean Tschombé, coordinateur des mouvements d’opposition au gouvernement de Kinshasa. Celui-ci est le fils de fils de Moïse Tschombé qui, élu président du Katanga 1960, proclama l’indépendance de la province. Les Belges évitent de soutenir directement Mobutu. Ils misent sur la Croix rouge. Mais ce plan ne fonctionnera pas…
Parallèlement, trois C130 et un DC10 de la Royal Air Force décollent d’une base aérienne proche de Londres à destination de Lusaka (Zambie). Ces appareils sont destinés à participer à l’évacuation des réfugiés mais aussi à la protection des britanniques et de tous les étrangers.
Le Shaba (ex-Katanga) province plus grande que la France, est le premier producteur mondial de diamant industriel mais on y trouve également du platine, de l’or, de l’étain, de l’uranium ainsi que du coton, du café. Le Zaïre est le premier producteur mondial de cobalt (60%), le troisième producteur mondial de cuivre. Exploitations réalisées avec le concours des occidentaux. Ces événements constituent une nouvelle phase de la lutte pour les approvisionnements en matières premières que se livrent en Afrique les puissances de l’est et de l’ouest. En périphérie, il y a la guerre des mots, des communiqués. Dans cette coulisse, la guerre froide déploie sa propagande.
Le gouvernement zaïrois affirme avoir la certitude que les rebelles bénéficient d’un soutien logistique de Cuba et de l’URSS. L’hebdomadaire britannique The Observer, croit savoir que ce sont les Allemands de l’est et non les Cubains qui ont orchestré cette attaque, mettant en cause le ministre de la défense, le général Heinz Hoffmann, qui se trouvait en Angola au moment du déclenchement des événements. Et qu’un plan de renversement du régime Mobutu avait été mis en place à Berlin-Est en 1976.
De la Havane où il se trouve pour une réunion des » pays non-alignés, le ministre des affaires étrangères algérien Abdelaziz Bouteflika déclare que l’intervention française constitue un facteur supplémentaire d’aggravation et de tension. Le quotidien gouvernemental El Moudjahid, dans son édition du 20 mai, évoque « l’alibi occidental, car à aucun moment » écrit son éditorialiste, il n’a été sérieusement établi, sauf pour les mass media tendancieux, que les « coopérants » étaient en danger… » De son côté, radio Alger internationale annonce que « 800 parachutistes français ont été fait prisonniers par le Front de libération nationale du Congo » Radio Moscou international (en français), de son côté, évoque « un prétexte » invoqué par les Français pour intervenir au Zaïre. Et l’agence Tass d’enfoncer le clou : « les forces impérialistes exploitent ces événements pour reprendre le mensonge d’une agression extérieure… ». Radio Tripoli n’est évidemment pas en reste et dénonce les « mercenaires français portant l’uniforme de l’armée zaïroise qui participent aux combats contre « les révolutionnaires ».
Le cauchemar des Zaïrois et des Européens prend fin le 22 mai. La Croix rouge enterrera 864 corps à Kolwezi dont ceux de 87 européens.
Du 22 au 27 mai le REP mène une succession d’opérations sur les axes de fuite des rebelles pour leur interdire un éventuel retour offensif. Vers également Likasi et Lubumbashi pour rassurer les expatriés et stopper l’exode. Le caporal-chef Alaoui et les caporaux Clément et Harté tombent.
Le 2ème REP restera au Shaba jusqu’au 14 juin. Bilan de cette « guerre de l’inattendu. ». Cinq légionnaires tués, vingt blessés. Côté rebelles ont été récupérés, 4 canons SR, 15 mortiers, 21 LRAC, 10 mitrailleuses, 38 FM, 304 PM, 151 fusils automatiques, 308 fusils, 250 mines, 8 postes radios et des documents.
Qu’est devenu ce butin ? Officiellement détruit. Une autre hypothèse peut toutefois être émise. Eu égard à la situation régionale mais aussi aux jeux d’influence mondiaux, il est légitime d’envisager que tout ou partie de cet armement ait pu être remis à la guérilla angolaise pro-occidentale de Jonas Savimbi, en lutte contre le pouvoir de Luanda lié lui, à Moscou et à la Havane.

Fin

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