Il y a 40 ans, Kolwezi (2)
Le 13 mai 1978, la guérilla katangaise s'empare de la ville minière de Kolwezi, située au sud du Zaïre (actuelle République démocratique du Congo). 2500 Européens y travaillent dont de nombreux Français qui sont pris en otage. Valéry Giscard d'Estaing, président de la République, ordonne une opération militaire en liaison avec les Zaïrois, "afin de rétablir la sécurité et l'ordre à Kolwezi". Nous poursuivons le récit de l'opération Bonite, entamé hier.
… Le 2ème REP du colonel Philippe Erulin a
été choisi alors que le régiment n’est pas d’alerte de rang 1. C’était le tour
du 8ème RPIMA. Cette décision provoquera quelques frictions au sein de la 11ème
division parachutiste. L’Elysée préfère certainement envoyer des
« étrangers » dans une « aventure africaine ». Certes, le REP, comme
les autres régiments Légion, est une unité d’urgence. Que l’on peut donc
facilement mobiliser pour une opération non planifiée. Aucun politique, pour
lesquels les pertes sont un souci, ne l’écrira jamais mais les légionnaires
sont plus « consommables » que les fils de France, même si la formulation,
abrupte, peut paraître caricaturale. Le capitaine de Borelli en 1885 l’avait
parfaitement exprimé :
Et quand donc les Français voudront-ils bien entendre
Que la guerre se fait dent pour dent, œil pour œil
Et que des étrangers qui sont morts, à tout perdre,
Chaque fois, en mourant, leur épargnaient un deuil. »
Bonite est le mot codé pour une intervention au Zaïre mais l’opération est baptisée Léopard par le chef de la mission militaire française à Kinshasa, le colonel Yves Gras, qui la commandera. Pour Stéphane Coevoet, officier opérations du REP, qui l’a côtoyé longuement pendant cette opération son rôle, de même que celui des militaires Français des troupes de marine présents au Zaïre au titre de la coopération, a été déterminant pour le succès de cette intervention.
L’officier propose au chargé d’affaires belge d’étudier une opération militaire commune. Les Belges se méfient des Français et ne veulent pas collaborer. Le cabinet de crise à Bruxelles, a aussi réagi « à la belge ». Et certains de ses membres cyniquement. Les nationalistes flamands de Volksunie s’opposent à toute intervention « pour des motifs que l’on pourrait qualifier de linguistiques. Les expatriés de Kolwezi sont surtout des francophones. ». Lorsque leur opération sera déclenchée, leurs ordres seront clairs : « Ne pas participer à l’opération militaire en cours ». Les débats ont également donné lieu à beaucoup de fuites « du fait que dans certains ministères des fonctionnaires politiquement ou idéologiquement proches du FLNC ont désiré se désolidariser de l’intervention ».
- Si cela avait mal tourné pour nous, estime un officier, non seulement les Belges ne seraient pas venus à notre aide mais je ne vois pas comment les Français auraient pu nous sortir de là.
3 DC 8 d’UTA, 1 Boeing 707 d’Air France et 1 DC 8 du Cotam, transportent, le 18 (et pour 4 avions les 18 et 19), 635 légionnaires, deux équipes du 13ème RDP, ainsi qu’un officier de liaison de l’armée de l’air. Arrivés à Kinshasa, les officiers disposent de cartes au 1/250, de plans ou photocopies au 1/10. Deux options se présentent : sauter à l’extérieur de Kolwezi ou au centre, sur l’ancien hippodrome puis éclater vers des points définis. C’est la deuxième hypothèse qui est choisie. Les parachutes zaïrois qui sont attribués étant de fabrication américaine, il a fallu les bricoler afin d’attacher les gaines, les musettes et l’armement collectif.
19 mai, 8h40 locales, alors que les légionnaires sont embarqués, l’état-major des armées à Paris leur adresse un message flash « Annuler opération en cours ». Ce sont les Belges, en particulier le ministre des affaires étrangères Henri Simonet, qui sont parvenus à la retarder. Léo Tindemans, le Premier ministre reproche à son ministre cette intrusion. « Si les Français veulent y aller, qu’ils y aillent. Ou ils se casseront les dents ou ils réussiront et nous n’aurons plus qu’à recueillir les réfugiés. » A Kinshasa, l’attaché militaire belge pense que l’opération française ne pourra se dérouler car les troupes sont trop peu nombreuses et il pointe aussi l’état des avions zaïrois. C’est pour lui, une manip « dingue ». Et rajoute « il n’est pas possible d’exiger cela d’une troupe normale ». Ordre de décoller est finalement donné aux Rep’men. Ils sont donc acheminés, après trois heures trente de vol au Shaba par 4 C130 zaïrois en surcharge et un C160 français, en deux vagues alors que sept avions étaient initialement prévus. Le commandant de la formation, un colonel zaïrois « se perd » pendant le vol Kinshasa-Kolwezi mais est remis sur la voie par le commandant de bord du C160...
A suivre
Léo Tindemans, Premier ministre belge 1974-78 |
Et quand donc les Français voudront-ils bien entendre
Que la guerre se fait dent pour dent, œil pour œil
Et que des étrangers qui sont morts, à tout perdre,
Chaque fois, en mourant, leur épargnaient un deuil. »
Bonite est le mot codé pour une intervention au Zaïre mais l’opération est baptisée Léopard par le chef de la mission militaire française à Kinshasa, le colonel Yves Gras, qui la commandera. Pour Stéphane Coevoet, officier opérations du REP, qui l’a côtoyé longuement pendant cette opération son rôle, de même que celui des militaires Français des troupes de marine présents au Zaïre au titre de la coopération, a été déterminant pour le succès de cette intervention.
L’officier propose au chargé d’affaires belge d’étudier une opération militaire commune. Les Belges se méfient des Français et ne veulent pas collaborer. Le cabinet de crise à Bruxelles, a aussi réagi « à la belge ». Et certains de ses membres cyniquement. Les nationalistes flamands de Volksunie s’opposent à toute intervention « pour des motifs que l’on pourrait qualifier de linguistiques. Les expatriés de Kolwezi sont surtout des francophones. ». Lorsque leur opération sera déclenchée, leurs ordres seront clairs : « Ne pas participer à l’opération militaire en cours ». Les débats ont également donné lieu à beaucoup de fuites « du fait que dans certains ministères des fonctionnaires politiquement ou idéologiquement proches du FLNC ont désiré se désolidariser de l’intervention ».
- Si cela avait mal tourné pour nous, estime un officier, non seulement les Belges ne seraient pas venus à notre aide mais je ne vois pas comment les Français auraient pu nous sortir de là.
3 DC 8 d’UTA, 1 Boeing 707 d’Air France et 1 DC 8 du Cotam, transportent, le 18 (et pour 4 avions les 18 et 19), 635 légionnaires, deux équipes du 13ème RDP, ainsi qu’un officier de liaison de l’armée de l’air. Arrivés à Kinshasa, les officiers disposent de cartes au 1/250, de plans ou photocopies au 1/10. Deux options se présentent : sauter à l’extérieur de Kolwezi ou au centre, sur l’ancien hippodrome puis éclater vers des points définis. C’est la deuxième hypothèse qui est choisie. Les parachutes zaïrois qui sont attribués étant de fabrication américaine, il a fallu les bricoler afin d’attacher les gaines, les musettes et l’armement collectif.
19 mai, 8h40 locales, alors que les légionnaires sont embarqués, l’état-major des armées à Paris leur adresse un message flash « Annuler opération en cours ». Ce sont les Belges, en particulier le ministre des affaires étrangères Henri Simonet, qui sont parvenus à la retarder. Léo Tindemans, le Premier ministre reproche à son ministre cette intrusion. « Si les Français veulent y aller, qu’ils y aillent. Ou ils se casseront les dents ou ils réussiront et nous n’aurons plus qu’à recueillir les réfugiés. » A Kinshasa, l’attaché militaire belge pense que l’opération française ne pourra se dérouler car les troupes sont trop peu nombreuses et il pointe aussi l’état des avions zaïrois. C’est pour lui, une manip « dingue ». Et rajoute « il n’est pas possible d’exiger cela d’une troupe normale ». Ordre de décoller est finalement donné aux Rep’men. Ils sont donc acheminés, après trois heures trente de vol au Shaba par 4 C130 zaïrois en surcharge et un C160 français, en deux vagues alors que sept avions étaient initialement prévus. Le commandant de la formation, un colonel zaïrois « se perd » pendant le vol Kinshasa-Kolwezi mais est remis sur la voie par le commandant de bord du C160...
A suivre