La guerre personnelle de Vladimir Poutine (3e et dernier volet) : les tourments de la population russe

 

Ce n’est pas une invasion de l’Ukraine qui a été engagée il y a 36 mois, mais une « opération militaire spéciale ». La façon de nommer est politique, et en Russie un ordre. Avec utilisation d’une figure d’atténuation, l’euphémisme. Pourtant les figures de style ne parviennent pas à dissimuler une réalité : la déstabilisation profonde de la société russe. Plus de 1 million de Russes de la classe moyenne ont quitté leur pays depuis 3 ans. Ajoutons-y le nombre de citoyens de la Fédération qui ont choisi d’émigrer depuis 15 ans. Au moins 5 millions. « Pour ceux qui sont restés, l’avenir est bouché. L’un des secrets les mieux gardés du Kremlin est l’insatisfaction des élites » explique, ce matin, dans une tribune publiée par le site du Monde, Marie Mendras, professeur à Sciences Po (Paris).

Les sondages et la réalité
La guerre est invisibilisée dans l’espace public. Et le pouvoir aime afficher l’appui de sa population et donc une faible contestation. Les sondages réalisés par certains instituts font état d’un soutien à l’invasion de 70 à 75% de celle-ci. « Comment prendre au sérieux des "sondages" d’opinion alors que la dictature impose le silence et punit d’emprisonnement toute critique de "l’opération militaire spéciale" » explique Marie Mendras.
La population russe en 2022, a dû gérer ce choc moral que représente une guerre et ses conséquences sur les familles. La vente d’antidépresseurs aurait ainsi atteint des pics en 2024, selon certains indicateurs. Les familles redoutent qu’un fils, qu’un frère, qu’un mari, qu’un cousin ne soit tué. Donner sa vie pour la patrie ? Un slogan politique… Et tous ces blessés graves, ces éclopés de retour, ces tombes fraîchement fleuries et si nombreuses...

Les soucis du Kremlin
Le pouvoir sait parfaitement que le retour des soldats du front ukrainien constitue une source d’inquiétude. Le directeur adjoint de l’administration présidentielle, Sergueï Kirienko y voyant, selon certaines sources, un facteur « de risques politiques et sociaux. »
Ce qui est craint, en particulier, par le Kremlin ce sont les traumatismes subis par les militaires russes, nés des crimes de guerre et de l’exécution de prisonniers ukrainiens, de cette brutalité systémique qui va du bizutage institutionnalisé des recrues à ce conflit violent qu’affrontent les conscrits. Un rapport britannique évoquait en 2023 le chiffre de 100 000 soldats souffrant d’un stress post-traumatique. Des milliers d’autres souffriraient d’addiction pouvant notamment accroître leur agressivité.

Et inquiétudes
Comment également gérer le retour de criminels ou d’individus suspectés de crimes, partis combattre en échange de leur impunité ? Comment se comporteront-ils ? Le pouvoir peut craindre une explosion de la criminalité… Un pouvoir qui a développé un contrat social qui favorise le repli des Russes sur leur vie personnelle et professionnelle et d’une guerre dont la visibilité à réduite au minimum. Toute forme d’opposition au régime étant sévèrement réprimée. Pourtant ce pouvoir solitaire, cynique et autocratique est inquiet.

Fin

Illustration : depositphotos

Posts les plus consultés de ce blog

Sordide commentaire

Le colonel de la Légion et l’ostréiculteur

Et Marie- Laure Buisson...