La Centrafrique vers la somalisation ?

Après tant d’autres, cette semaine, ce sont deux responsables onusiens qui ont demandé au gouvernement centrafricain de « prendre d’urgence des mesures pour protéger les populations contre les risques d’atrocités ». Mais quel effet peut avoir une telle demande dans un pays où l’Etat n’existe plus ? Qualifié par l’archevêque de Bangui, de « pays fantôme ».
Une autre (nouvelle) alarme, plus médiatisée, avait été tirée par François Hollande quelques jours plus tôt. « Je veux lancer maintenant un cri d’alerte, comme je l’avais fait l’année dernière sur le Mali » a expliqué le président de la République devant l’assemblée générale de l’ONU le 24 septembre. Cette alerte concerne la Centrafrique, « petit pays ravagé depuis trop d’années par des coups d’Etats et des conflits. Aujourd'hui, c’est le chaos qui s’est installé ». Et de réclamer que le Conseil de sécurité donne mandat à une force africaine « dont la première mission serait de rétablir la stabilité en Centrafrique ».

Des acronymes labyrinthiques

Le réflexe est louable mais toutes les missions qui s’y sont succédé ont montré leur inefficacité depuis 2002, année ou a été mise en place la FOMUC, remplacée six ans plus tard par la MICOPAX qui elle-même va laisser sa place à la MISCA. « Des forces d’interposition aux acronymes labyrinthiques (…) bien souvent inoffensives » comme les qualifie le documentariste Vincent Munié (1). Les missions de ces différentes forces d’interposition consistaient à protéger la population civile, à assurer le respect des droits de l’homme, à sécuriser le territoire, à faciliter le dialogue politique. Aucune n’a été atteinte. Laurent Fabius espère faire adopter ce mois-ci, par le conseil de sécurité, une résolution soutenant la MISCA, avec pour perspective plus lointaine une mission de maintien de la paix de l’ONU en Centrafrique. Mais chacun sait que les négociations autour de son financement seront rudes et incertaines. Au-delà, le temps du terrain n’est pas celui de l’ONU. Autre démonstration : l’organisation vient de créer un mandat d’expert indépendant pour examiner la situation des droits de l’homme dans le pays. Celui-ci sera nommé…en mars 2014.

D’abord une crise centrafrico-centrafricaine

« Ce réveil international reste une bonne chose » commente Zobel Behalal, de l’association catholique française de développement, CCFD-Terre solidaire, « mais tout processus de sortie de crise ne sera durable que s’il accorde une place importante à la société civile ». « Oui », répond un opposant vivant à l’étranger « mais notre problème est de n’avoir pas formé d’élites ». Celui-ci ajoute « c’est aussi à nous à nous organiser avec l’aide de pays amis, et d’établir une résistance car nous sommes un pays occupé par 20 000 étrangers. Car je sais bien que la France n’a pas les moyens de faire deux guerres successives et que les grandes puissances n’ont plus d’argent ».

Un repaire pour les extrémistes ?

Ces 20.000 « étrangers » constituent l’épine dorsale de la Séléka, milice qui a porté au pouvoir le 24 mars dernier Michel Djotodia (premier président musulman dans un pays chrétien à près de 80 %) qui a été dissoute le 15 septembre par celui-ci. La Séléka est incontrôlable et a semé le chaos suivi d’un désastre humanitaire. Elle est composée « de Centrafricains, de Tchadiens aux ordres de Deby, de Soudanais dissidents, de Soudanais fidèles à Al Béchir… » explique un bon connaisseur du dossier (2). « Mais nous pouvons encore empêcher la RCA de devenir une nouvelle Somalie » affirme Kristalina Georgieva, commissaire européenne à la coopération internationale et à l’aide humanitaire. Qui utilise les mêmes termes que ceux prononcés à Paris lors de la conférence des ambassadeurs par François Hollande, fin août. Toutefois le temps des extrémistes et des terroristes n’est pas non plus celui de l’ONU, des organisations internationales et des démocraties. Une zone de non-droit peut très très vite devenir un repaire de mouvements terroristes. « Avant tout, la RCA doit être protégée pour éviter qu’un arc de cercle formé par les Shebab, Aqmi et Boko Haram ne soit complet.....de l'Océan indien à l'Atlantique » conclut ce spécialiste du renseignement. Nairobi ne peut que renforcer les craintes !



(1) Agonie silencieuse de la Centrafrique, Le Monde diplomatique, octobre 2013.
(2) Composée également selon certaines organisations, d’enfants-soldats.


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