Rwanda, général Lafourcade : les accusations de Paul Kagamé "sont infondées, infamantes et inacceptables"

A l'heure où vont débuter aujourd'hui à Kigali, les cérémonies marquant le 20ème anniversaire du génocide (800 000 morts, majoritairement Tutsi), le président rwandais vient de mettre une nouvelle fois en cause la Belgique et la France, dans une interview à l'hebdomadaire Jeune Afrique, dénonçant "le rôle direct" de Paris et Bruxelles "dans la préparation politique du génocide" et la participation de la France "dans son exécution même". Accusant les militaires français de l'opération militaro-humanitaire Turquoise, déployée en juin 1994 sous mandat de l'ONU dans le sud du pays, "d'avoir été des complices certes" mais aussi des "acteurs" du massacre. A la suite de ces déclarations, l'Elysée a annoncé que Christiane Taubira, ministre de la justice, qui devait représenter le gouvernement, n'effectuerait pas le déplacement. Ainsi va le monde a rencontré le général Jean-Claude Lafourcade, qui commanda au Rwanda, le dispositif Turquoise.
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-     Quelle est votre réaction à cette nouvelle mise en cause de la Belgique et de la France par M. Kagamé ?
JC Lafourcade : Il est regrettable que ce jour de mémoire et de recueillement soit terni par les très graves accusations du président rwandais au regard du comportement exemplaire des soldats français qui ont sauvé et protégé la population du Rwanda en 1994. Ces accusations sont infondées, infamantes et inacceptables. Il doit les retirer.

-     L’armée française aurait été « complice » et les militaires « acteurs » à Bisesero, dit le président rwandais ?
250 journalistes, de nombreuses ONG et organisations internationales ont accompagné l'action des soldats français au Rwanda. Aucun n'a dénoncé à l'époque de fautes. Au contraire, l'ensemble de la communauté internationale a a salué leur action.

-     Que s’y est-il passé ?
Concernant Bisesero, Kagamé fait référence au rapport du régime rwandais dit "Mucyo" qui affirme que les soldats français ont massacré avec des armes lourdes  les réfugiés en mai 1994. Le problème est qu'il n'y avait aucun soldat français au Rwanda en mai 1994. On assiste là à une manipulation de la vérité propre aux régimes totalitaires. L'acheminement de la force Turquoise par voie aérienne a nécessitté un certain temps. Au tout début de l'opération, il n'y avait donc qu'une centaine d'hommes en reconnaissance au Rwanda et une douzaine dans la région de Bisesero où les renseignements indiquaient une avancée du FPR. J'ai donné l'ordre d'attendre de disposer d'appuis et de soutiens avant de risquer la vie de mes soldats face à un FPR agressif. Que se serait il passé si la France avait eu une dizaine de soldats tués pour une opération humanitaire ? Si nous avons du perdre 48 heures, au moins étions nous là et nous avons sauvé des vies. Où étaient les autres grands pays ?

-     Depuis vingt ans de nombreux militaires français se disent hantés par ce qu’ils ont vu au Rwanda ?
Il est injuste d'accuser des soldats français qui ont été à jamais marqués par ce qu'ils ont vu et vécu. Même s'ils sont fiers de ce qu'ils ont faits, certains en gardent encore des séquelles.

-      La France n’a-t-elle pas été la première à employer le mot de génocide ?
Les grandes puissances et notamment les Etats Unis ont fermé les yeux sur le développement du génocide que la France a été effectivement la première à dénoncer. Peut être pour ne pas être obligées d'intervenir.

-          Le président rwandais veut-il ainsi mettre, une nouvelle fois, la pression sur l’enquête des juges Poux et Trévidic concernant l’attentat le 6 avril 1994, contre l'avion de Juvénal Habyarimana, alors président (hutu) du Rwanda ?
Les accusations de Kagamé sont une diversion, un exutoire, face aux nombreuses mises en cause dont il est l'objet par les grandes puissances et les instances internationales et humanitaires, concernant les atteintes aux libertés et aux droits de l'homme, l'assassinat d'opposants ainsi que ses interventions en République Démocratique du Congo qui ont causé plus de 6 millions de victimes. Quant à l'attentat du 6 avril, je pense que si c'étaient les Hutus qui l'avaient perpétré, Kagamé aurait forcé l'ONU à faire une enquête pour asseoir encore plus sa légitimité. L'absence d'enquête doit poser question.

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