Le Mali, l’Afghanistan africain ?


Le général Assimi Goïta a, en juillet dernier, promulgué une loi lui permettant de rester au pouvoir jusqu’en 2030. Mais cette vision à long terme ne résiste pas à la situation sécuritaire du Mali. L’Etat islamique au Sahel (EIS) contrôle le nord-est du pays, le Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaida), son concurrent attaque lui les camions-citernes transportant le précieux carburant venant du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, axes économique déterminants pour l’économie malienne*. Et aujourd’hui, la capitale se retrouve quasiment encerclée.

De ruptures en ruptures

La situation est donc critique pour la junte qui, depuis son arrivée en 2020, a fait le vide autour d’elle. Son chef, Assimi Goïta jeune officier des forces spéciales, expert du pronunciamiento (deux en moins d’un an) réalisé avec un quintette d’officiers a multiplié les cassures. Rompant l’alliance avec la France et l’Europe, congédiant la Minusma, dénonçant l’accord signé en 2015 avec les groupes indépendantistes du Nord, suspendant les partis, emprisonnant les opposants, mettant au pas la presse, purgeant également l’armée. La junte a aussi quitté la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest et est en bisbille avec l’Algérie qu’elle accuse de soutenir les groupes djihadistes et indépendantistes. Enfin, la création de l’AES avec les militaires au pouvoir au Burkina Faso et au Niger n’apparait être qu’un leurre de communication.

Les Russes
Si cette junte avait fait de la sécurité sa priorité, les forces armées (FAMa) ont été incapables de reprendre le terrain perdu face aux groupes armés insurrectionnels (GAI). Bien au contraire.
La carte maîtresse sortie du béret d’Assimi Goïta, les Russes, ne lui a pas permis de gagner la partie. Les mercenaires envoyés par Moscou n’ont apporté aucune valeur ajoutée. Pis, ces hommes ont pillé les ressources et se sont livrés avec les FAMa a des exactions contre les populations civiles (massacres, tortures, viols…) qui sont les premières à souffrir de la guerre. 
Aujourd’hui, pour les mercenaires russes présents, l’heure semble plus à la retraite qu’à l’offensive. « La junte au pouvoir a fait appel, en 2022, à Moscou pour tenter d’inverser une situation fort dégradée. D’abord la SMP Wagner, puis le groupe paramilitaire Africa Corps. Les mercenaires russes au Mali n’auront rien changé, bien au contraire » analyse un diplomate français. S’il nourrissait la moindre illusion, l’histoire récente ne devrait pas réjouir le général d’armée Goïta car Moscou ne se précipite généralement pas pour aider ses alliés en difficulté. Et ce ne sont pas ses partenaires de l’AES (Niger, Burkina) face à des situations locales incertaines qui viendront lui donner un coup de main. Alors que parallèlement le GSIM et le Front populaire de libération de l’Azawad, qui rassemble les différents groupes rebelles à dominante touareg, ont engagé des discussions en vue d’une alliance.

Départ des étrangers
Le 29 octobre, l’Italie, l’Allemagne ou encore l’Australie ont suivi les États-Unis (voir post du 28 octobre) appelant leurs ressortissants à quitter le Mali « dans les plus brefs délais ». Aux abois, le régime militaire a fait arrêter en août, en violation des règles de l’immunité diplomatique le lieutenant-colonel Yann V., servant à la DGSE, affecté comme deuxième secrétaire à l’ambassade de France où il y était chargé de la coordination avec ses homologues maliens de la lutte anti-terroriste. Celui-ci est accusé de « complot »...
« Le Mali, notre Afghanistan à nous ? »** s’interroge dans son dernier ouvrage Seidik Abba, président du Centre international d’études et de réflexion sur le Sahel (CIRES). Le point d’interrogation disparaitra si les islamistes s’emparent du pouvoir.


* Le GSIM a mené le 17 septembre 2024, une double attaque à Bamako qui a fait au moins 80 morts, dont de nombreux militaires.
** Mali/Sahel: notre Afghanistan à nous ? » (Impact éditions)
Photo : DR

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