Sagane, l’officier légionnaire bédéiste

 


« La Légion étrangère m’a accueilli dans ses rangs comme képi blanc, il y a vingt et un ans. Elle m’a permis de grandir, de m’épanouir et de gravir les échelons jusqu’à porter l’épaulette et, à mon tour, de commander des légionnaires à la tête d’un escadron ». L’homme qui se raconte est le capitaine Emmanuel Sabouret Garat de Nedde qui sert aujourd’hui à l’état-major de la 6e BLB. Cet ancien de la 13e DBLE et du 1er REC est également connu sous le pseudonyme de Sagane. Co-auteur, avec W.H. Williamson de deux bandes dessinées, « Légionnaire, face au Reich » et « Légionnaire, contre les Viets »*. Rencontre avec cet officier désireux de préserver et de transmettre l’histoire de l’institution.  

Pourquoi avoir fait le choix de raconter l’histoire et la Légion via la bande dessinée ?
Animé par la volonté de raconter l’épopée de ces hommes sans nom et de faire découvrir cette unité mythique, je me suis naturellement tourné vers l’écriture. Dans un monde où le numérique tend à étouffer la lecture, la bande dessinée me semble résister avec panache. Elle demeure un formidable vecteur de communication, de mémoire et de transmission.
En 2021, j’ai eu l’opportunité de participer à la réalisation de la bande dessinée Royal Étranger, consacrée au 1er Régiment étranger de cavalerie. Cette expérience fut particulièrement enrichissante et stimulante. Le choix de poursuivre cette aventure par ce support s’est alors imposé comme une évidence.

Ces deux premiers titres, ce sont des romans BD ?
Ces deux albums peuvent en effet être considérés comme de véritables « romans graphiques ». Solidement ancrés dans des faits historiques et émaillés d’anecdotes authentiques, ils sont également ponctués de rencontres avec de grandes figures de la Légion étrangère. Le récit prend vie à travers les aventures d’un héros fictif, créé pour les besoins de la narration, mais dont la personnalité et le parcours incarnent fidèlement l’esprit et les traits de nombreux légionnaires de l’époque. Youri Andronov, ancien cadet du tsar Nicolas II, fuit la Russie après la défaite des armées blanches face aux troupes de Trotski. Il trouve refuge en Tunisie, où il s’engage dans la Légion étrangère. Son parcours s’inscrit dans la lignée des nombreux Russes ayant rejoint la Légion, participant ainsi à la création du 1er Régiment étranger de cavalerie et des compagnies montées des régiments d’infanterie.
Afin de préserver la dynamique du récit et le rythme des aventures vécues par le héros, certains événements ont été légèrement adaptés. Toutefois, chaque modification est clairement signalée dans l’avant-propos de l’album et ne contredit jamais la grande Histoire. Quelques personnages secondaires ont également été imaginés pour illustrer des épisodes ou des scènes emblématiques de la légende de la Légion étrangère.

Votre ambition est de faire entrer le lecteur dans « l’esprit de la troupe » ?

C’est évidemment mon souhait. Il me semble essentiel que le lecteur puisse goûter au quotidien, à la gouaille et à l’état d’esprit du légionnaire. À ses côtés, il doit vivre l’aventure, découvrir sa bravoure, son sens du sacrifice, mais aussi son côté fantasque, tête brûlée, et son cœur tendre, parfois assombri par le fameux cafard.
Pénétrer cette intimité, c’est approcher l’Histoire à travers ces héros anonymes qui ont tout quitté, accepté de servir et, parfois, de mourir pour la France — leur patrie d’adoption — sous le fanion vert et rouge de la Légion étrangère.

Une mission pédagogique ?
Vous savez, faire découvrir la Légion étrangère constitue effectivement l’un des objectifs de ce travail. Plus que jamais, cette institution demeure un repère solide dans notre société. Recrutant aux quatre coins du monde, elle unit des hommes de toutes origines, races, religions et nationalités, fondus dans un même idéal. Elle leur offre un nouveau départ, fondé sur une règle simple et absolue : servir la France avec honneur et fidélité.

Votre co-auteur est belgo-américain. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
C’est l’histoire d’une belle rencontre avec un artiste accompli, fils d’une mère belge et d’un aviateur de l’US Air Force : Willy Harold Williamson, le dessinateur de la bande dessinée Royal Étranger évoquée précédemment. Nous avons collaboré sur cet album, une expérience à la fois stimulante et enrichissante.
De cette première aventure est née une amitié sincère, nourrie par une passion commune pour l’histoire et le récit. C’est elle qui nous a naturellement conduits à envisager un nouveau projet partagé. Aujourd’hui, cette idée a pris vie.

Combien de temps pour réaliser un album ?
La réalisation d'un album prend environ un an et demi. Cela inclut les recherches historiques, la rédaction du scénario et sa mise en page avant les phases de dessin puis de mise en couleur.

Votre 3ème album a pour titre : « Je ne regrette rien ». Que raconte-t-il ?

Ce troisième volet des aventures de notre légionnaire mettra en scène les faits d’armes du 1er REP lors de l’affaire de Suez, puis durant la guerre d’Algérie. Le héros y combattra en Égypte, dans le djebel, à la frontière tunisienne, jusque dans les confins du Sahara et au cœur de la kasbah.
Si cette période de l’histoire demeure sensible et sujette à controverse, tel n’est pas l’objet du récit. Celui-ci s’attache avant tout à restituer la réalité du terrain, à dénoncer la violence et le terrorisme du FLN, tout en mettant en lumière le courage, la droiture et l’humanité du héros et de ses compagnons. Il témoigne aussi de l’attachement profond qu’ils éprouvaient pour l’Algérie et pour ceux qui l’habitaient.

Le dernier ?
Le dernier de la trilogie, oui ! Je forme cependant le vœu que de nombreux projets germent et se traduisent par de nouveaux albums !

Quand sortira-t-il ?
Sa parution est prévue à l'automne 2026.

Concomitamment, le premier « Face au Reich » est en cours de réédition ?
Effectivement, le premier tome rencontre un beau succès qui a conduit à une réédition. J'espère que de nombreuses autres suivront ainsi que pour les autres albums.

Pourquoi avez-vous choisi ce pseudonyme Sagane, qui au premier abord rappelle l’histoire du lieutenant Charles Saganne racontée au cinéma par Alain Corneau en 1984 dans Fort Saganne ?
Il est vrai que beaucoup établissent un lien avec cette fresque épique inspirée du remarquable roman de Louis Gardel. L’amour du désert qui habite le personnage principal, Charles Saganne, tout comme l’évocation de la Légion dans les confins sahariens, semblent en effet constituer un pont naturel justifiant un tel pseudonyme. Pourtant, il n’en est rien. Sagane est simplement l’acronyme de mon nom de famille : Sabouret Garat de Nedde. À l’origine, j’ai choisi de l’utiliser afin de préserver une certaine discrétion au moment de la préparation de mon premier album. Le désir d’adopter un nom d’auteur court, percutant et facile à retenir a également influencé ce choix.

*Editions du Triomphe
Photo : ©DR

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