« Nos ainés, ce sont les résistants de 1940 » affirment dans une nouvelle tribune des militaires anonymes (actualisé*)
Cette nouvelle tribune attribuée à des militaires a fait son apparition, précédée d’un teasing**. Dans les arguments utilisés par le ou les rédacteurs du document, une phrase mérite une attention minutieuse. "Le cri d’alarme de nos Anciens renvoie enfin à de plus lointains échos. Nos aînés, ce sont les résistants de 1940, que, bien souvent, des gens comme vous traitaient de factieux, et qui ont continué le combat pendant que les légalistes, transis de peur, misaient déjà sur les concessions avec le mal pour limiter les dégâts." La comparaison avec les résistants est audacieuse car l'histoire doit toujours être utilisée avec beaucoup de mesure. Quel a été le rôle des militaires lors de la naissance de la Résistance (extérieure et intérieure) ?
Début juillet 1940, la France libre, donc une résistance en gestation, c'est 2700 civils, officiers et hommes de troupe. 900 des 1600 légionnaires de la 13e DBLE ont choisi, à Londres, de poursuivre le combat. Ils se sont battus en Norvège. Du corps expéditionnaire constitué, 37 volontaires sur 735 hommes du 6e bataillon de chasseurs alpins (dont six officiers) effectueront le même choix ainsi que des personnels d’une section de chars légers, d’une batterie de 75 et des éléments du train. Modeste bilan. Deux mois après l’Appel du 18 juin, 5 officiers supérieurs seulement ont répondu au général de Gaulle. Et deux officiers généraux. Ce sont l’amiral Muselier (en retraite) et le général Legentilhomme. Fin août, Catroux les rejoindra. Il sera le seul général d’armée à avoir effectué ce choix… pendant deux ans. Les FFL souffrent alors d’une pénurie de cadres. La Flotte est sans marin. Seul l’équipage du sous-marin Rubis a rejoint l’Angleterre. Les amiraux seront ainsi nombreux à adhérer à la Révolution nationale du maréchal Pétain et à occuper des postes politiques et administratifs de premier plan. En cet été 1940, une seule unité ralliera intégralement la France libre : le régiment de marche du Tchad. L’armée d’Afrique se convertissant immédiatement au pétainisme (officiers en particulier). En métropole, la Résistance (intérieure) est uniquement balbutiante et inorganisée. Ce sont des individualités qui "veulent faire quelque chose." Ce sont d'autres individualités qui traversant la Manche, qui d’Afrique (AEF ou AOF), du Levant, d’autres colonies ou venues d’autres pays disent « non ». Ce n’est qu’à partir de la fin 1942 après le débarquement américain en Afrique du Nord que l’armée d’Afrique rejoindra les Français libres. Avec un état d’esprit bien différent de celui des "pionniers" qui, en 1940 et 41, ont été condamnés par contumace, souvent à mort, par les tribunaux militaires de Vichy. Individuellement toujours, d’autres militaires auront rejoint en France occupée réseaux (ainsi l'Organisation de résistance de l’armée, ORA...) et maquis. L’après-guerre a construit une image résistante des Français. Pourtant, celle-ci n’est pas si conforme à la réalité.
Considérer enfin dans cette tribune que les "résistants" d'aujourd'hui seraient accusés de "factieux" par une hiérarchie, comparée aux généraux qui ont suivi le vieux maréchal, est une appropriation excessivement douteuse de l'histoire.
* Ce n'est pas la bonne version du post qui a initialement été publiée. Je vous prie de m'en excuser.
**Procédé qui cherche à éveiller la curiosité.