Bill Mauldin, le troufion passionné aux crayons


Le prix Pulitzer décerné chaque année par l’université américaine de Colombia récompense des journalistes, des auteurs sous différentes rubriques. En 1945, Bill Mauldin l’obtint dans la catégorie « dessins de presse ». Ceux-ci publiés dans le journal militaire Stars et stripes et dans plusieurs journaux américains, racontent la vie quotidienne des fantassins de l’US Army que le caricaturiste partage sur les fronts européens de la Seconde Guerre mondiale. Willie et Joe sont les personnages clés des dessins de Bill Mauldin qui paraitront en 1945 dans l’ouvrage qui lui valut donc, il y a 80 ans, ce prix international prestigieux et que l’éditeur français Pierre de Taillac a choisi de traduire et de publier à la fin du printemps 2025. Son titre :  Sur le front, la face cachée de l’US Army.

L’envers du décor
Mauldin, enfant de l’Amérique profonde, s’engage en 1940 à l’âge de 19 ans. Très rapidement, les soldats se reconnaissent chez ce reporteur qui utilise un crayon pour raconter les journées et les nuits de ces hommes en guerre. Il devient une sorte de porte-parole. « Adoré des troufions, ses semblables dont il partageait le rude quotidien, sachant se moquer d’eux dans ses dessins avec l’affection d’un frère d’armes, Mauldin ulcéra plus d’un général pour son "mauvais esprit" *. Plusieurs s’échinèrent à museler ses crayons et à le faire jeter en prison » raconte dans son avant-propos Nicolas Ancellin, traducteur d’Up Front (titre américain du livre). Le sous-titre français est en effet là pour le rappeler, Bill Mauldin retrace 
« l’ordinaire » du soldat au feu : la peur, la solidarité, le poids de l’épreuve mais aussi comme le souligne N. Ancellin « le traitement injuste réservé aux infirmiers**, l’exaspération face aux trafics des gars de l’intendance ou le comportement de certains officiers, les combats pour se procurer de l’alcool, améliorer l’ordinaire ou tirer au flanc. » Bill Mauldin évoque également avec la précision du témoin, la fraternité tacite qui se développe au front. « La fraternité bienveillante et protectrice de ceux qui se font tirer dessus » écrit-il. C'est en cela que ce livre est épatant, car il nous embarque (embedded) au milieu de ces anonymes qui font l'histoire.

Hier, aujourd’hui
Des caricatures pas toujours bien perçues par la hiérarchie. Mais alors que la censure est en vigueur, des chefs comprirent qu’une couverture de la guerre moins aseptisée, éloignée de la propagande, serait profitable. Mauldin en bénéficia.
Son ouvrage connut un immense succès. 
Ce dessinateur autodidacte, natif de Moutain Park (Nouveau-Mexique)*** reste aujourd’hui encore une référence en matière de dessin de presse. « L’écho persistant de ses dessins nous rappelle que le moral du fantassin de base représente un défi permanent que l’armée doit relever, quels que soient les progrès technologiques » conclue à la fin de ce livre, Erin Mauldin, petite-fille du caricaturiste et actuellement officier d’infanterie dans l’US Army.

*Comme Patton
**A qui a été retiré le badge de combat de l’infanterie, en première ligne, porté sur le calot
***1921-2003.

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