Avoir 20 ans en 1940. Qu'aurions-nous fait ?


Que savent les jeunes générations de la Seconde Guerre mondiale ? Peu de choses. Que savent les jeunes générations d’une période si importante dans la lecture du monde contemporain, à l’heure où l’on supprime la culture générale de Sciences Po Paris, où l’histoire et la géographie disparaissent du programme des terminales scientifiques ? Ainsi, peut-il être utile de leur parler de ces jeunes gens qui eurent 20 ans alors que l’Allemagne allait occuper la France.

L’effondrement de 1940 est un immense événement toujours aussi difficile à saisir dans sa totalité et dont on ne souligne jamais assez à quels points, avec des effets et ravages divers, il a pu humilier les Français. Les hommes ou les femmes qui se sont engagés, relativement tôt, dans les Forces françaises libres à Londres ou dans la Résistance à l’intérieur du pays, ont, immédiatement ou très vite, ressenti des douleurs particulières.
Ne disposant pas de la Légion d’honneur, c’est pour récompenser pareil engagement que l’Ordre de la Libération a été crée par le général de Gaulle, le 16 novembre 1940. Le ruban vert de la décoration est barré de noir, couleur de deuil. En 1940, ce fut le deuil de la France. L’académicien Jean-Marie Rouart a attrapé le mot juste : cette date là marque « les années de basses eaux » [1]
Tous avaient, à l’heure de la défaite, pour passé commun d’avoir fait leur apprentissage à l’ombre de la Première Guerre mondiale et des monuments aux morts encore neufs. Ils entendaient presque chaque jour dans les conversations familiales, évoquer les noms des hommes ayant disparu. Et côtoyaient, quotidiennement, les silhouettes noires des veuves qui entretenaient le souvenir. Dans cet entre-deux-guerres, il était impossible à un enfant de vivre loin de ce culte.
Destin croisé. A l’heure d’un choix, certains de ceux qui l’effectuèrent se dirigèrent vers la poursuite du combat. D’autres, aussi jeunes, glissèrent, petit à petit, vers le camp adverse, le plus éloigné, celui de la Collaboration et pour certains, l’une de ses formes les plus pernicieuses (et  efficace), celle des mots. Pourtant, au moment de la « drôle de guerre », tous partageaient le constat établi par un garçon à peine plus âgé qu’eux, Robert Brasillach (fusillé en 1945) : « Nous avions aussi la tâche importante de poursuivre notre jeunesse »[2].
Ils  avaient souvent donc entre 18 et 25 ans en 1940…les premiers à avoir constitué, après l’immense défaite, la France Libre.  Eux n’ont pas estimé définitives les conclusions militaires et politiques. Des rangs du public, ils montaient sur la scène… En quelques minutes, quelques heures, quelques jours, ils ont commencé à amorcer un balancement. Il est utile de préciser qu’il faut, ici, raisonner en termes d’individualités. Inorganisés, il leur fallait gagner l’Angleterre. Ce serait une belle histoire s’ils s’en étaient tous sortis. S’ils étaient revenus.

D’autres, du même âge, pensaient « à faire quelque chose » en France. La difficulté était immense. Comment ? Avec qui ? Face à un occupant tout puissant qui allait trouver rapidement des relais français, officiels ou anonymes. Pourtant, peu à peu, la résistance intérieure s’inventa. Que de chemins parcourus en quatre ans !
Aujourd’hui, face au temps qui s’enfuit, il me parait important de parler de leur engagement, de l’engagement. Adresse destinée, en particulier, à cette génération de jeunes filles et jeunes garçons qui fêtera ses vingt ans en 2012. Au centre du dialogue, par conférences interposées, il y a les valeurs, objet de références par trop absentes de notre quotidien .Et cette question obsédante : qu’aurions-nous fait ?

L’analyse de cette période apporte d’incalculables informations permettant de mieux comprendre les contours du drame, sur ce que fut la France écartelée.
Ecartelée entre Vichy et Londres, entre engagement et attentisme, entre prudence et résistance, entre honneur et humiliation, entre modestie (de ces hommes et femmes) et gloriole (des combattants de la dernière heure). A la bourse des valeurs historiques, l’action Résistance continuera-t-elle d’être cotée après la disparition des derniers « engagés » ? C’est-à-dire bientôt…


[1] Jean Marie Rouart, Adieu à la France qui s’en va, Grasset 2003.
[2] Robert Brasillach, Notre avant-guerre, Plon 1941. Il fut avec Drieu La Rochelle, le grand écrivain « fasciste » de sa génération. Il fut condamné à mort en particulier pour ses articles dans l’hebdomadaire Je suis partout.

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