Quand la Chine frappe à la porte de la Nouvelle-Calédonie




A la fin des années 90, Jacques Lafleur, le leader anti-indépendantiste signataire des accords de Matignon en 1988 a accepté d’employer, comme 65 familles calédoniennes, une migrante venue de Chine comme cuisinière. Celle-ci a, ultérieurement invité une parente qui travaillait auparavant pour le département central des Documents et de la Traduction du parti communiste chinois (PCC). Les deux femmes ont ensuite aidé M. Lafleur puis d’autres dirigeants locaux à établir des connexions en Chine. Etait-il une cible du PCC ? Cette anecdote figure dans l’étude d’Anne-Marie Brady, Quand la Chine frappe à la porte de la Nouvelle-Calédonie que publie l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (IRSEM, Paris).

31 personnalités calédoniennes
« Lafleur, un nom qui apparait dans l’Overseas Key Information Database (OKIDB) de Zhanhua.
» Il s’agit d’une gigantesque base de données chinoise contenant les informations personnelles de millions d’individus à travers le monde. 2,4 millions ont révélé des chercheurs indépendants. 10% des données auraient été récupérées. Et les noms de 31 personnalités calédoniennes y figureraient. En tout, 7259 noms de Français ont été recensés.
« Depuis longtemps, explique la chercheuse de l’Australian Strategic Policy Institute de Canberra (Australie), la Nouvelle-Calédonie est dans le viseur de la République Populaire de Chine. » Objectif  : les élites politiques et économiques. Son importance stratégique en fait une cible, eu égard à sa situation de proximité avec les routes maritimes qui relient l’Indo-Pacifique. 
En 2021, des pêcheurs calédoniens qui chassaient le thon « ont été surpris de voir un navire de reconnaissance électronique de la marine de l’Armée populaire de libération (APL) opérer à leurs côtés » raconte Anne-Marie-Brady. « Le navire espion venait de passer trois semaines à longer la côte est de l’Australie, à proximité d’installations militaires sensibles. » Dans ce domaine maritime, les ressources du territoire français intéressent depuis longtemps Pékin. Comme, à terre, les ressources minérales (nickel et cobalt en particulier).

Les associations d’amitié

Les activités d’ingérence étrangère – ce que le PCC appelle le « travail de front uni international » sont au cœur de la politique étrangère agressive du secrétaire général du PCC, Xi Jinping. S’appuyer sur la diaspora chinoise dans le monde (plus de 60 millions) est l’une des pratiques classiques utilisée par Pékin. Pour le leader chinois, c'est là l'une des 
« armes magiques » dont dispose le parti. 
Sur le Caillou, où vivent 1 500 résidents Chinois d’ethnie han, il existe deux associations communautaires. L’Amicale chinoise de Nouvelle-Calédonie, fondée en 1973 est répertoriée comme groupe officiel par Pékin. Le président de l’ACNC est un adjoint à la maire de Nouméa. La seconde a été créée 2006. Elle a à sa tête, un riche homme d’affaires chinois arrivé en Calédonie en 1960. Cette Association pour la réunification pacifique de la Chine en Nouvelle-Calédonie (ARPCCNC) semble disposer d’un effectif très réduit. Pourtant, comme aucune représentation diplomatique chinoise n’est présente à Nouméa, c’est l’ARPCCNC « qui agit comme agent de l’ambassade de la RPC au Vanuatu. Son président se rend habituellement en Chine chaque année pour assister à des événements du Front Uni et obtenir des instructions sur les dernières politiques du PCC. » Ces deux associations ne « coordonnent pas leurs activités. »

Observation politique
La Chine prête une attention particulière au processus de décolonisation en Nouvelle-Calédonie. « L’indépendance pourrait avoir un effet domino sur les territoires d’outre-mer » pointe la chercheuse.
Il existe un projet des indépendantistes du FLNKS d’établir un bureau en Chine. « Les représentants du FLNKS maintiennent des liens réguliers avec le gouvernement de la RPC via le consulat à à Tahiti et l’ambassade au Vanuatu 
» lit-on dans l’étude.
Beaucoup en Calédonie ont toutefois constaté la relation qui s’était créée aux ex-Nouvelles-Hébrides (Vanuatu) voisines, avec la Chine, « une relation d’Etat-client 
» inquiétante. Car, comme Anne-Marie Brady, tous les spécialistes de la région savent bien que la Calédonie n’est qu’un pion dans l’agenda stratégique et militaire du parti communiste chinois dans l’Indo-Pacifique.

Photo : DR

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