Commerces des armes. Zobel Behalal : "Il faut qu’au plus tard à la fin du premier trimestre de l’année 2013, une conférence soit organisée pour finir le travail "
Chargé
de plaidoyer au Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre
solidaire), Zobel Behalal y suit la régulation du commerce des armes. Il a
participé, du 2 au 27 juillet dernier à la conférence organisée à
l’Onu à New-York.
Q. Le président François Hollande a exhorté, mardi à l'ONU, ses homologues à lutter contre la prolifération des armes. Quel écho cet appel peut-il avoir ?
Six ministres européens (dont Laurent Fabius)[i] viennent de leur côté, de se prononcer en faveur d'un traité "fort" sur le commerce des armes. Un autre petit pas ?
Ces ministres appellent également à la tenue d'une conférence en 2013, après l'échec des négociations de juillet dernier à l'ONU ?
Pour réussir il faudrait que gouvernements, opinions publiques, industries de la défense apportent leur soutien à ce mouvement en faveur de nouvelles négociations ?
Nous ne sommes pas inquiets quant à nos chances de convaincre les Etats d’accepter l’idée d’une nouvelle conférence au début de l’année prochaine. Le doute persiste sur le nombre d’Etats qui se mobiliseront en faveur de ce projet, et ce qui sortira de cette nouvelle conférence. Pour être sûr que tout ira dans le sens des aspirations des populations civiles, nous continuerons à expliquer aux industries qu’il est dans leur intérêt que ce commerce soit plus responsable. On limitera ainsi les trafics et la capacité des acteurs irresponsables à nuire. Nous continuerons également à appeler les citoyens partout dans le monde à se mobiliser.
Ce mouvement est-il sérieusement envisageable ?
Zobel Behalal (DR) |
Q. Le président François Hollande a exhorté, mardi à l'ONU, ses homologues à lutter contre la prolifération des armes. Quel écho cet appel peut-il avoir ?
R. Il faut se féliciter que F.
Hollande, lors de son premier discours devant l’Assemblée générale de l’ONU,
ait appelé à lutter contre la prolifération des armes. Rappelons que plusieurs
autres chefs d’Etats et de gouvernement ont également évoqué cette question
directement ou indirectement dans la même enceinte. C’est le cas, par exemple, des
présidents de l’Afghanistan, du Gabon, de la RDC et du Sénégal. Cela démontre
qu’il est plus qu’urgent de s’attaquer à la circulation des armes responsables
en partie de l’instabilité dans plusieurs régions du monde (Sahel, Syrie…).
François Hollande, lui, a été plus précis en rappelant le soutien de la France
à un « traité universel sur le commerce des armes ». C’est un motif
de satisfaction. A travers François Hollande, c’est le quatrième exportateur
mondial d’armes et l’un des cinqmembres permanents du Conseil de sécurité qui
s’exprime. Nous avons donc aujourd’hui l’assurance que le sujet sera traité en
priorité au plus haut niveau.
Evidemment, la France ne décidera pas seule, il faudra compter avec les autres
pays. Mais qu’elle ait fait part de ses intentions est un pas important.
Six ministres européens (dont Laurent Fabius)[i] viennent de leur côté, de se prononcer en faveur d'un traité "fort" sur le commerce des armes. Un autre petit pas ?
Le timing est intéressant.
Quelques heures après la déclaration de F. Hollande, les ministres des
principaux pays exportateurs européens publient leur communiqué. Ils gardent
ainsi le momentum et exercent une sorte de pression sur les autres
pays (USA, Chine, Russie…). Lors de récents échanges avec les diplomates
français en charge de ce dossier, le CCFD-Terre Solidaire et d’autres ONG
françaises ont exprimé le souhait de voir se multiplier les déclarations
publiques en faveur du traité. Nous sommes donc satisfaits. D’autant que les
ministres européens vont plus loin que le président Hollande en parlant d’un
« traité robuste, efficace et juridiquement contraignant ». Nous
espérons que ces pays s’accrocheront à cet engagement jusqu’au bout. En
réalité, concernant les pays européens la question n’est pas de savoir s’ils
veulent ou non un traité. Depuis six ans, ils ont toujours répondu positivement
à cette question. Le point de friction éventuel entre nous et eux, concerne la
nature du traité qu’ils sont prêts à accepter. On constate malheureusement que
plusieurs d’entre eux sont prêts à sacrifier l’efficacité du texte sur l’autel
de la realpolitik.
Ces ministres appellent également à la tenue d'une conférence en 2013, après l'échec des négociations de juillet dernier à l'ONU ?
C’est indispensable ! Il
faut qu’au plus tard à la fin du premier trimestre de l’année 2013 une
conférence soit organisée pour « finir le travail » commencé en
juillet. Il existe aujourd’hui un projet de traité qui comporte de nombreuses
lacunes. Il faut très vite y remédier et adopter un texte. Le monde en a
besoin, tout nouveau retard serait du pain béni pour les dirigeants qui
oppriment leurs populations civiles ou hypothèquent le développement de leurs
pays. Les USA qui ont commencé à briser le consensus lors de la conférence de
juillet ainsi que les Russes, ont demandé plus de temps pour achever les
consultations avec leurs administrations. Nous pouvons penser qu’en huit mois
ces consultations seront terminées. De plus, l’élection américaine –qui en
réalité a été la vraie raison de la « trahison américaine »- sera
passée. Le CCFD-Terre Solidaire sera à New York en octobre lors des débats de
la première commission de l’AGONU qui devra trancher sur cette question. Nous
plaiderons en faveur d’une conférence le plus tôt possible dont le mandat sera
exclusivement de combler les lacunes du projet de traité et d’adopter un texte.
Pour réussir il faudrait que gouvernements, opinions publiques, industries de la défense apportent leur soutien à ce mouvement en faveur de nouvelles négociations ?
Nous ne sommes pas inquiets quant à nos chances de convaincre les Etats d’accepter l’idée d’une nouvelle conférence au début de l’année prochaine. Le doute persiste sur le nombre d’Etats qui se mobiliseront en faveur de ce projet, et ce qui sortira de cette nouvelle conférence. Pour être sûr que tout ira dans le sens des aspirations des populations civiles, nous continuerons à expliquer aux industries qu’il est dans leur intérêt que ce commerce soit plus responsable. On limitera ainsi les trafics et la capacité des acteurs irresponsables à nuire. Nous continuerons également à appeler les citoyens partout dans le monde à se mobiliser.
Ce mouvement est-il sérieusement envisageable ?
Il y a une dizaine d’années,
personne n’accordait du crédit aux ONG lorsqu’elles commençaient à revendiquer
ce traité. Et pourtant aujourd’hui les Etats en débattent. Ils ont même passé
des nuits entières à en discuter en juillet dernier. Tout cela démontre que la
société civile a un poids considérable.
[i] « Finissons le
travail », affirment les ministres des affaires étrangères Guido
Westerwelle (Allemagne), William Hague (Grande-Bretagne), José Manuel
García-Margallo (Espagne), Giulio Terzi
(Italie), Laurent Fabius et Ewa Björling, ministre suédoise du commerce.
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