jeudi 27 septembre 2012

Commerces des armes. Zobel Behalal : "Il faut qu’au plus tard à la fin du premier trimestre de l’année 2013, une conférence soit organisée pour finir le travail "

Chargé de plaidoyer au Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre solidaire), Zobel Behalal y suit la régulation du commerce des armes. Il a participé, du 2 au 27 juillet dernier à la conférence organisée à l’Onu à New-York.

Zobel Behalal (DR)

Q. Le président François Hollande a exhorté, mardi à l'ONU, ses homologues à lutter contre la prolifération des armes. Quel écho cet appel peut-il avoir ?

R. Il faut se féliciter que F. Hollande, lors de son premier discours devant l’Assemblée générale de l’ONU, ait appelé à lutter contre la prolifération des armes. Rappelons que plusieurs autres chefs d’Etats et de gouvernement ont également évoqué cette question directement ou indirectement dans la même enceinte. C’est le cas, par exemple, des présidents de l’Afghanistan, du Gabon, de la RDC et du Sénégal. Cela démontre qu’il est plus qu’urgent de s’attaquer à la circulation des armes responsables en partie de l’instabilité dans plusieurs régions du monde (Sahel, Syrie…). François Hollande, lui, a été plus précis en rappelant le soutien de la France à un « traité universel sur le commerce des armes ». C’est un motif de satisfaction. A travers François Hollande, c’est le quatrième exportateur mondial d’armes et l’un des cinqmembres permanents du Conseil de sécurité qui s’exprime. Nous avons donc aujourd’hui l’assurance que le sujet sera traité en priorité  au plus haut niveau. Evidemment, la France ne décidera pas seule, il faudra compter avec les autres pays. Mais qu’elle ait fait part de ses intentions est un pas important.

Six ministres européens (dont Laurent Fabius)[i] viennent de leur côté, de se prononcer en faveur d'un traité "fort" sur le commerce des armes. Un autre petit pas ?

Le timing est intéressant. Quelques heures après la déclaration de F. Hollande, les ministres des principaux pays exportateurs européens publient leur communiqué. Ils gardent ainsi le momentum et exercent une sorte de pression sur les autres pays (USA, Chine, Russie…). Lors de récents échanges avec les diplomates français en charge de ce dossier, le CCFD-Terre Solidaire et d’autres ONG françaises ont exprimé le souhait de voir se multiplier les déclarations publiques en faveur du traité. Nous sommes donc satisfaits. D’autant que les ministres européens vont plus loin que le président Hollande en parlant d’un « traité robuste, efficace et juridiquement contraignant ». Nous espérons que ces pays s’accrocheront à cet engagement jusqu’au bout. En réalité, concernant les pays européens la question n’est pas de savoir s’ils veulent ou non un traité. Depuis six ans, ils ont toujours répondu positivement à cette question. Le point de friction éventuel entre nous et eux, concerne la nature du traité qu’ils sont prêts à accepter. On constate malheureusement que plusieurs d’entre eux sont prêts à sacrifier l’efficacité du texte sur l’autel de la realpolitik.  

Ces ministres appellent également à la tenue d'une conférence en 2013, après l'échec des négociations de juillet dernier à l'ONU ?

C’est indispensable ! Il faut qu’au plus tard à la fin du premier trimestre de l’année 2013 une conférence soit organisée pour « finir le travail » commencé en juillet. Il existe aujourd’hui un projet de traité qui comporte de nombreuses lacunes. Il faut très vite y remédier et adopter un texte. Le monde en a besoin, tout nouveau retard serait du pain béni pour les dirigeants qui oppriment leurs populations civiles ou hypothèquent le développement de leurs pays. Les USA qui ont commencé à briser le consensus lors de la conférence de juillet ainsi que les Russes, ont demandé plus de temps pour achever les consultations avec leurs administrations. Nous pouvons penser qu’en huit mois ces consultations seront terminées. De plus, l’élection américaine –qui en réalité a été la vraie raison de la « trahison américaine »- sera passée. Le CCFD-Terre Solidaire sera à New York en octobre lors des débats de la première commission de l’AGONU qui devra trancher sur cette question. Nous plaiderons en faveur d’une conférence le plus tôt possible dont le mandat sera exclusivement de combler les lacunes du projet de traité et d’adopter un texte.

 Pour réussir il faudrait que gouvernements, opinions publiques, industries de la défense apportent leur soutien à ce mouvement en faveur de nouvelles négociations ?

Nous ne sommes pas inquiets quant à nos chances de convaincre les Etats d’accepter l’idée d’une nouvelle conférence au début de l’année prochaine. Le doute persiste sur le nombre d’Etats qui se mobiliseront en faveur de ce projet, et ce qui sortira de cette nouvelle conférence. Pour être sûr que tout ira dans le sens des aspirations des populations civiles, nous continuerons à expliquer aux industries qu’il est dans leur intérêt que ce commerce soit plus responsable. On limitera ainsi les trafics et la capacité des acteurs irresponsables à nuire. Nous continuerons également à appeler les citoyens partout dans le monde à se mobiliser.

Ce mouvement est-il sérieusement envisageable ?

Il y a une dizaine d’années, personne n’accordait du crédit aux ONG lorsqu’elles commençaient à revendiquer ce traité. Et pourtant aujourd’hui les Etats en débattent. Ils ont même passé des nuits entières à en discuter en juillet dernier. Tout cela démontre que la société civile a un poids considérable.




[i] « Finissons le travail », affirment les ministres des affaires étrangères Guido Westerwelle (Allemagne), William Hague (Grande-Bretagne), José Manuel García-Margallo (Espagne),  Giulio Terzi (Italie), Laurent Fabius et Ewa Björling, ministre suédoise du commerce.

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