Rapport Glavany. L’eau de la discorde entre Israéliens et Palestiniens
Il avait été remis en
décembre dernier, enregistré le 13 par les services de l’Assemblée nationale et
mis en ligne le 23. Ce qui fait que ce rapport sur la géopolitique de l’eau est passé inaperçu, fêtes de Noel et de la nouvelle
année, obligent. Même les politiques de l’ambassade d’Israël à Paris ont oublié
sa sortie. C’est le quotidien israélien Haaretz
(gauche) qui, la semaine dernière, a publié les principaux extraits
concernant le Moyen-Orient. La polémique s’est aussitôt engagée. Le
rapporteur de la mission (11 députés), précise,que dans la région, la situation de
l’eau est « révélatrice d’un nouvel apartheid ». Le rapporteur, c’est
Jean Glavany, député socialiste des Hautes-Pyrénées, ancien ministre de
l’agriculture (1998-2002) et le président, Lionnel LUCA (UMP, Alpes-Maritimes).
Voici des extraits du texte où apparaît donc ce mot « apartheid » qui
a fait bondir les Israéliens :
L'eau, révélatrice d'un
nouvel apartheid au Moyen Orient
Mise en place en 1948 par le premier ministre F. Malan,
l'apartheid a vu le développement différencié des groupes ethniques en Afrique
du Sud pendant un demi siècle (...) Bien sûr, comparaison n'est pas forcément raison : la Palestine
n'est pas l'Afrique du Sud, et les années 2010 ne sont pas celles d'avant 1990.
Pourtant, il est des mots et des symboles qui par leur force peuvent avoir une
vertu pédagogique. Or, tout démontre, même si bien peu nombreux sont ceux qui
osent employer le mot, que le Moyen-Orient est le théâtre d’un nouvel
apartheid. La ségrégation y est raciale mais comme on n’ose pas le dire, on
dira pudiquement « religieuse ». Pourtant, la revendication d’un état
« Juif » ne serait-elle que religieuse ? La ségrégation est
spatiale également : le mur élevé pour séparer les deux communautés en est
le meilleur symbole. La division de la Cisjordanie en trois zones, A, B et C en
est une autre illustration (…) La ségrégation est aussi hautaine et méprisante
(« ces gens-là ne sont pas responsables »…répètent à l'envie certains
responsables israéliens), vexatrice et humiliante (les passages aux check point
sont restreints ou relâchés sans prévenir) voire violentes (la répression des
manifestations fait régulièrement des morts…). C’est donc bien d’un
« nouvel apartheid » qu’il s’agit.
Et dans cette situation, l'eau est ainsi un élément particulier du
conflit entre Palestiniens et Israéliens, au point qu’elle constitue le
« 5ème volet » des accords d'Oslo. La Déclaration d’Oslo du 13
septembre 1993 reconnaît les droits des Palestiniens sur l’eau en Cisjordanie.
L’accord intérimaire de Taba du 28 septembre 1995 prévoit un partage des eaux
jusqu’à la signature d’un accord permanent. Mais ce partage est
incomplet : il ne porte que sur les aquifères ; le Jourdain en est
exclu, les Palestiniens n’y ayant plus accès. Ensuite il gèle les utilisations
antérieures et ne répartit que la quantité d’eau encore disponible, c’est dire 78 mètres cubes de
l’aquifère oriental. Il est donc très défavorable aux Palestiniens qui
n’exploitent que 18 % des aquifères ; soit 10 % de l’eau disponible sur le
territoire. C’est pourquoi sans règlement politique global, on voit mal comment
ce qui est devenu un véritable "conflit de l'eau" pourrait trouver
une solution. Quelles sont donc les caractéristiques de ce « conflit de
l'eau » ? Du point de vue « hydrique », il concerne avant tout
le fleuve Jourdain, où sont réunis tous les éléments prompts à déclencher une
« crise de l'eau » : depuis le début du conflit, guerre après guerre,
les « extensions territoriales » d'Israël, qu'on le veuille ou non,
s’apparentent à des « conquêtes de l'eau », que ce soit des fleuves
ou bien des aquifères. Or, l'eau est devenue au Moyen-Orient bien plus qu'une
ressource : c'est une arme.
Pour comprendre la nature de cette « arme » au service
de ce « nouvel apartheid », il faut savoir, par exemple, que les
450 000 colons israéliens en Cisjordanie utilisent plus d’eau que 2,3
millions de Palestiniens.Sachons aussi entre autres multiples exemples
que :
- la priorité est donnée aux colons en cas de sécheresse en
infraction au droit international ;
- le mur construit permet le contrôle de l’accès aux eaux
souterraines et empêche les prélèvements palestiniens dans la « zone
tampon » pour faciliter l’écoulement vers l’ouest ;
- les « puits » forés spontanément par les Palestiniens
en Cisjordanie sont systématiquement détruits par l’armée israélienne ;
Le ministère israélien des
affaires étrangères se dit « indigné ». « Le rapport est chargé
d’une terminologie venimeuse (…) » a précisé un porte-parole.
« Au lieu de contribuer à l’entente et à la coopération (entre Israël et
les Palestiniens), il attise les tensions en accumulant des données fausses et
affirmations biaisées ».
Un dossier qui sera vraisemblablement
abordé à Marseille lors du 6ème forum mondial de l’eau. Mais ce
contentieux majeur semble à des années lumière de trouver une solution
équilibrée.