Histoire de Camerone, Antoine Marquet


Le sous-préfet au champs
par le lieutenant-colonel (e.r) Antoine Marquet

Cela se passa, a priori, à Camerone 1989. J'étais Officier supérieur adjoint, au 6ème étranger. Je ne sais pas pourquoi, mais j'étais désigné pour organiser Camerone...  Plus tard j'ai eu à organiser le 14 juillet à Paris pour mon régiment, alors que c'était une tâche, comme Camerone, habituellement dévolue au BOI. Mais cela me faisait plaisir,  je trouvais que ces missions m’allaient comme un gant et je m’y sentais comme poisson dans l'eau.
Le samedi précédent la cérémonie, le poste de police m'annonça "qu'une autorité en uniforme bleu se présentait à l'entrée". Fort d'une expérience vécue quelques mois auparavant - la présentation d’une autorité, sans uniforme celle-là, un samedi matin et qu'il s'agissait d'un contrôleur des armées... venant pour contrôler, je dis au chef de poste de s'installer comme chef de bord de la voiture et d'amener l'autorité jusqu'au PC, distant de cinquante mètres !
J'entendis grincer le grand escalier d'honneur et je m'avançai dans le hall devant le bureau du chef de corps et le mien. Le sous-préfet, rouge et bedonnant, mais superbe dans son grand uniforme bleu, décorations pendantes en bataille, au rang desquelles une commémorative d'Algérie montrant qu’il fut soldat, s'avança vers moi, main tendue et sourcil levé, me demanda d’un air un peu étonné, s'il était quelque peu en avance...
Je lui répondis oui... de quelque  quarante- huit heures monsieur le sous-préfet ! L'homme s'est déconfit sur place. D'assez forte corpulence, il semblait, néanmoins, n'être soutenu que par son uniforme... sans doute, eût-il aimé disparaître dans un abime autre que celui de sa perplexité.
Courtois, je le fis entrer dans le bureau du chef de corps, prévenu. Venant s'entretenir rapidement avec moi, mon chef me demanda d'organiser un déjeuner avec quelques officiers disponibles, ce qui fut fait, pour ne pas laisser partir le représentant de l'Etat  bredouille, en quelque sorte.
A table nous avons bien ri de cet épisode, même s'il nous empêchait de regagner immédiatement nos pénates... car c'était au temps d'avant les trente-cinq heures, temps où l'on travaillait encore le samedi matin…
Le sous-préfet a eu l'élégance de nous offrir le champagne frais, faisant mentir Jacques Brel dans son « Je suis un soir d'été » :
Et  la sous-préfecture
Fête la sous-préfète
Sous le lustre à facettes
Il pleut des orangeades
Et des champagnes tièdes…

Le lundi qui suivit, le sous-préfet était pile à l’heure pour la cérémonie !



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