Histoire de Camerone, Robert Rideau


                                               


                              La parole donnée
 par le général Robert Rideau, président de la Fédération des anciens de la Légion étrangère


Il y a six années  de cela, peu avant Camerone, je suis informé par le général commandant  la Légion de la possible défection du porteur désigné. Son médecin traitant estimant inopportune l’équipée envisagée. Je suis chargé de le sonder, de faire le point afin, si nécessaire, de procéder en urgence à la désignation d’un suppléant. Je m’acquitte de ma tâche. A l’évidence le bilan n’est pas bon, il est même inquiétant. Se déplacer sur plus de cinquante mètres est une épreuve pour notre homme. Je me montre persuasif, voire  pressant. Je  trouve les mots justes car surmontant ses réticences, il s’engage  à s’entraîner au quotidien, pas à pas, pour tenir sa place, toute sa place, le jour J.
Le 30 avril, installé dans  la position  confortable du spectateur en tribune, je suis préoccupé. J’ai mauvaise conscience. Les interrogations me taraudent. N’eut-il pas été plus sage de se ranger à l’avis de la Faculté et de dissuader l’Ancien de se rendre à Aubagne ? Va-t-il tenir le coup ?
Au travers de la triple haie des pionniers, garde prétorienne s’il en est, je devine plus que je ne vois « mon » porteur. Il remonte la Voie sacrée d’un pas assuré au rythme de La Sarabande de Haendel. Quelques instants après, au pied du monument aux morts, alors que s’égrène le récit du combat de Camerone, sous un déjà chaud soleil provençal, il observe un garde-à-vous à faire pâlir d’envie un jeune engagé volontaire. Je respire mieux. La descente de la Voie sacrée est à l’image de la montée : impeccable. Je souffle !
A l’issue, comme  il est de tradition, le porteur vient se placer à quelques encablures de la tribune  afin d’assister au défilé des troupes. Ayant noté ma présence il me fait face et le visage radieux, lève le pouce en signe de victoire. « Mission accomplie »  me fait-il comprendre. Il est peu de dire que la bière que nous bûmes quelques instants après, avait une saveur plus agréable que de coutume.
Cinq années plus tard, le 12 novembre 2011, à Lille, j’accompagnais le major Otto Willems à son « dernier bivouac ». Commandeur de la Légion d’honneur, officier de l’Ordre national du mérite, Médaillé militaire, six fois cité, trois fois blessé,  prisonnier à Dien-Bien-Phu, il avait fait souffler un certain 30 avril 2006 à Aubagne, l’esprit de Camerone : celui de la fidélité à la parole donnée.

                                                  

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