12 avril 1992 : la fin de la Cinq
Ce soir, les anciens de cette chaîne de télévision vont se retrouver à Paris. Une nouvelle fois. A l'occasion du 20ème anniversaire de la disparition de la Cinq que nous avions, patiemment, contribué à rendre crédible. Ce n'est pas tant pour verser une larme que pour être les uns avec les autres. Tout ensemble, tous ensemble. Le temps passe et court mais nous éprouvons encore ce besoin. Qui brave le silence de l'écran noir et des souvenirs qui n'ont pas été dispersés. Notre rapport à cette chaîne, c'est un peu ce que l'on ressent pour certaines femmes. Non de l'amour, de l'amitié mais de la tendresse.
En 2008 dans un ouvrage ("Trente ans, deux mois", Pascal Galodé éditeurs), j'ai consacré un chapitre à ce que fut la Cinq. J'avais intitulé celui-ci : Pour parler d'amour aux amoureux, il faut avoir été amoureux. En voici des extraits.
Ce fut pour
beaucoup d’entre nous la plus belle aventure journalistique vécue.
Depuis le 3 août 1987, date à laquelle nous étions réunis pour fabriquer les
premiers numéros zéro du journal télévisé, nous avions fait beaucoup de chemin, tenté de nous imposer dans le paysage
télévisuel des chaînes généralistes, navigué puis ramé, écopé et enfin échoué.
Cette dernière soirée fut émouvante et, autant que je me souvienne, éprouvante.
Nous savions que le compte à rebours nous conduirait vers le néant. Nous
assistions, impuissants, à une euthanasie industrielle. L’écran
noir fut notre dernier souvenir commun. La majorité des journalistes se retrouva
ensuite dans une brasserie voisine. Nous décompressions mais chacun adoptait
une contenance. Il fallait se donner des raisons d’espérer. Certains avaient
déjà des contacts avancés mais, par égard pour les autres, n’en parlaient pas.
Beaucoup de rires crépitèrent au milieu de la nuit. Déjà, cette première
assemblée échangeait des souvenirs. Nous constituions la mémoire de la chaîne.
Mais ce soir-là fut le bienvenu. Il marquait le terme de longs mois
d’incertitude où nous étions balancés de rumeurs en plans de reprise éphémères,
qui accroissaient chaque jour un peu plus la tension. Une histoire détendit
l’atmosphère des derniers jours. Il fallait trouver la différence entre le Titanic
et La Cinq. La réponse était que, chez nous, il n’y avait pas d’orchestre en
smoking ! L’humour constituait une parenthèse, mais cliniquement le poumon
financier était insuffisant. Pour la première fois de ma vie, je passais par la
case « chômage ». Ce ne serait pas la dernière. Nous sortions tous de là avec
des pages et des pages de souvenirs. Ce ne sont là que des images personnelles,
des instantanés.
(…) La dernière page de l’éphéméride de la chaîne
marqua une éclipse totale. Après, l’esprit de famille est resté. La communauté
d’existence s’est donc disloquée et la destinée s’est souvent jouée de nos
calculs (…).
Mors ultima
ratio. « La mort est la
raison ultime de tout ». En
guise d’épitaphe, je trouverais plaisant de lire : « Journaliste, il a goûté un
plaisir d’une qualité exceptionnelle : vivre La Cinq. »
Bonjour,
RépondreSupprimerJe prends un réel plaisir à lire ces lignes sur votre blog, votre aventure sur La Cinq vous a marqué pour toujours et vous le décrivez si bien. Sachez que l'émotion que vous avez ressenti de l'intérieur était palpable pour un grand nombre de téléspectateurs (encore et toujours aujourd'hui d'ailleurs) Vous tous manquez cruellement au PAF français. Merci de nous avoir donné autant de souvenirs de qualité par une information sans concession.
Stéphane Tamarindo
vivelacinq.fr
Bonjour,
RépondreSupprimerJeudi soir, sur le bateau amarré au coeur de Paris, 200 anciens étaient présents. C'est dire le plaisir que chacun prend à ces retrouvailles. Certains venaient du sud de la France, d'autres du Sud-Ouest, du Centre...
Il y avait eu un brunch des anciens, en décembre 2009, une fête pour les dix ans...Aujourd'hui encore, beaucoup parmi ces Anciens annoncent que c'était là notre dernière "fête". Je suis près à prendre les paris que non....Et ce sera toujours aussi agréable.