Nouvelle-Calédonie avril 1988, Julie Akaro
Le journaliste est acteur parce témoin. "Témoin professionnel" comme l'écrit Michel Moutot, de l'Agence France Presse (AFP). Il y a des circonstances où on n'oublie jamais ce que l'on a vécu.
Après l'attaque de la gendarmerie de Faya-Oué (Ouvéa) et la prise d'otages, la situation est extrêmement tendue à l'est de la Grande-Terre, à Canala. Le 25 avril 1988, je pars y réaliser un reportage avec Nicolas Moscara, pour la 5, chaîne de télévision pour laquelle, je travaille alors. Voici le détail de cette journée, raconté naguère dans Opération Victor (1989).
Après l'attaque de la gendarmerie de Faya-Oué (Ouvéa) et la prise d'otages, la situation est extrêmement tendue à l'est de la Grande-Terre, à Canala. Le 25 avril 1988, je pars y réaliser un reportage avec Nicolas Moscara, pour la 5, chaîne de télévision pour laquelle, je travaille alors. Voici le détail de cette journée, raconté naguère dans Opération Victor (1989).
(…) La Calédonie
est devenue folle. L'épidémie gagne du terrain. Le lendemain (le 25), alors que
nous filmons à l’entrée de Canala, notre équipe est
interceptée brutalement par les gendarmes de L’ELI (élément léger
d’intervention) de Nouméa, au pied du Calvaire. Le moteur de notre voiture
tourne. Ils ne me laisseront pas le temps de le couper. Les insultes fusent. Les
gendarmes excités, nous conduisent manu militari dans leur VBRG (véhicule
blindé de reconnaissance de la gendarmerie). Nicolas Moscara, le cameraman qui
m’accompagne, reçoit un coup de crosse sur la tête. En nous interpellant, les
gendarmes ont essuyé des tirs d’indépendantistes cachés à proximité, dans la
végétation. Ils répliquent. Le serveur de la mitrailleuse s’énerve. Des rafales
partent du véhicule. J’essaie d’avancer un mot. J’enregistre un tonitruant «
Ta gueule ! ». Le voyage dans cet habitacle surchauffé dure moins de trois
minutes. Nous arrivons à la gendarmerie forteresse de Canala. Le responsable
régional (…) le commandant Fontaine, procède à un rapide contrôle d’identité
qui se termine... au
bar.
Seulement
l’arrestation a tourné à la tragédie. Une vingtaine de minutes après notre
arrivée, un Mélanésien demande à voir « le responsable des gendarmes ». Peu
après, les visages se ferment. Plus un mot. On apprendra mais plus tard, à
l’extérieur, qu’au cours de notre interception- qui ne s’imposait
absolument pas- une jeune fille de dix-sept ans a été touchée par les tirs des
gendarmes, à la mission catholique où elle se trouvait en spectatrice. Je revois la réaction du médecin militaire
auprès de qui nous voulions vérifier l’information qui, en guise de réponse,
nous expulse du dispensaire. Et l’empressement de la hiérarchie à nous évacuer
(…) en hélicoptère.
Comment oublier ce
voyage ? Dans l’Alouette, sous notre siège, repose le corps de l’adolescente. «
Une bavure ! » dira le pilote à un adjudant de gendarmerie lors de l’escale
technique que nous ferons à Thio…
Nicolas Moscara conserve une empreinte très vive de cette journée. Journaliste-réalisateur, (nicolasmoscara.com), il a consacré, ces dernières années, de nombreux documentaires et magazines à la gendarmerie et au GIGN. Il raconte souvent cet épisode aux gendarmes qu'il côtoie.
Nicolas Moscara conserve une empreinte très vive de cette journée. Journaliste-réalisateur, (nicolasmoscara.com), il a consacré, ces dernières années, de nombreux documentaires et magazines à la gendarmerie et au GIGN. Il raconte souvent cet épisode aux gendarmes qu'il côtoie.