dimanche 20 novembre 2011

Ouvéa, le témoignage inédit de Jean Bianconi (2). Les négociations


Contrairement à ce qu’affirment Mathieu Kassovitz et Philippe Legorjus, qui s’efforcent de faire passer Bernard Pons et le général Vidal pour des bellicistes forcenés, l’autorisation de prendre contact avec  Franck Wahuzue était aussitôt donnée à Philippe Legorjus par Bernard Pons qui donnait également instruction au général Vidal de suspendre momentanément les opérations d’intervention. Un hélicoptère était mis à disposition de Legorjus pour se rendre à Lifou où il rencontrait Franck Wahuzue qui promettait de faire de son mieux mais se montrait très réservé sur une intervention des membres du Bureau politique du FLNKS.
Franck Wahuzue me dira plus tard « qu’il n’avait pas eu l’autorisation de se rendre à la grotte, le Bureau politique du FLNKS considérant que chaque comité de lutte était maître de ses actions et décisions. »
Cette position, que j’ignorais bien évidemment au moment où j’ai fait appel à Franck - tout comme j’ignorais que celui-ci avait fait partie de la délégation indépendantiste chargée de repérer les lieux quelques jours avant l’attaque de la gendarmerie -, condamnait par avance toute possibilité pour Legorjus de libérer les otages par le dialogue et la négociation 5...)
Parmi nos ravisseurs, si tous regrettaient le massacre des gendarmes à Fayaoué, qu’ils n’avaient pas voulu, ni même envisagé, beaucoup rejetaient l’idée de se rendre et d’aller en prison - m’opposant ‘le verdict du procès de Hienghène’-, et considéraient qu’ils n’avaient rien à attendre d’une justice aussi ‘pourrie’.
Ce blocage de la situation n’échappait pas à Philippe Legorjus, qui, très vite conscient de l’inanité de ses efforts et du refus du FLNKS de répondre à ses appels, me suggérait, dès notre première rencontre à Saint Joseph, en présence du colonel Benson, peu après la menace d’Hilaire Dianou d’exécuter Pichegru, d’introduire dans la grotte un moyen de défense des otages.
Je repoussais tout d’abord cette suggestion, considérant cette demande comme contraire à mon éthique de magistrat. Ne voulant en aucun cas participer à une action de force contre les kanaks, j’acceptais seulement de faire passer une montre et deux clefs de menottes pour soulager les souffrances des GIGN qui étaient sévèrement menottés et gardés au plus profond de la grotte.
Cette demande d’armer les otages était reprise par Philippe Legorjus dans l’après-midi du 3 mai. Il me faisait valoir, toujours en présence du colonel Benson, que j’étais le seul en mesure d’agir pour protéger la vie des otages pendant l’assaut militaire qu’il me présentait désormais comme inéluctable.
Je précise qu’à aucun moment Bernard Pons ou le général Vidal ne sont intervenus dans le cours de ces discussions.
Conscient du péril encouru par les otages en cas d’assaut de la grotte, je me résignais à cette solution tout en prenant ma part de responsabilité et de risque, une fois l’assaut décidé, en restant à leur côté jusqu’au bout. Fort heureusement ces deux armes servaient uniquement à repousser les tentatives de nos ravisseurs de se saisir de comme boucliers humains alors que nous étions réfugiés dans un coin obscur de la grotte pendant tout le temps de l’assaut. Quatre balles sur les dix contenues dans les barillets des deux petits révolvers étaient tirées par les deux GIGN mis en possession de ces armes.
Sans remettre en cause la volonté sincère de Philippe Legorjus de négocier j’ai peine à croire qu’il ait pu s’impliquer autant dans la préparation de l’assaut de la grotte sans avoir été intimement convaincu de la nécessité de cette intervention dont il soulignait l’urgence une fois les armes rentrées dans la grotte.
En réalité Philippe Legorjus n’a jamais été en mesure de résoudre la libération des otages par la négociation et il est tout à fait faux d’énoncer, comme le fait Mathieu Kassovitz dans l’interview qu’il donne au journal Nice-Matin, le 11 septembre 2011, que Legorjus «croit dur comme fer qu’il va arriver à résoudre le problème par la négociation, alors que la décision de donner l’assaut a déjà été prise, et qu’on ne fait que l’instrumentaliser. » 
Quant à la médiation Pisani, qui peut croire un instant qu’elle aurait reçue l’accueil enthousiaste d’Alphonse Dianou et de ses amis indépendantistes alors que celui-ci est à leurs yeux le responsable politique de ‘l’assassinat’ d’Eloi Machoro.