Ouvéa, le témoignage inédit de Jean Bianconi (3). Les exécutions sommaires après l'assaut
Plus graves sont les allégations
« d’exécutions sommaires » après la reddition des preneurs
d’otages proférées par Philippe Legorjus.
Contrairement au rôle qui m’est prêté
dans le film je ne suis jamais intervenu pour « arrêter le
massacre ». Je suis sorti de la grotte par la cheminée latérale en même
temps que tous les otages et après la fin des opérations d’assaut. Plus aucun
coup de feu n’a été tiré en ma présence et celle du général Vidal aux cotés
duquel je me trouvais à compter de cette sortie. Je suis par contre intervenu
auprès des militaires qui avaient rassemblé indistinctement dans un coin du
cratère ravisseurs, porteurs de thé et anciens de la tribu de Gossanah, et
même s’en prenaient à leur collègue mélanésien Samy Ihage, pour faire mettre à
part ces derniers. J’intervenais à nouveau, au cours de l’après-midi, pour
faire cesser des brimades à l’encontre des ‘porteurs de thé’ alors qu’ils
étaient gardés, mains sur la tête et à genoux, dans une salle de l’école à Saint
Joseph.
La mort d’Alphonse Dianou pose par contre
un problème d’une toute autre gravité. Dans les minutes qui ont suivi notre
sortie de la grotte je me suis longuement entretenu avec lui alors qu’il était
allongé sur une civière, perfusé, un pansement au genou, son casse-tête fétiche
entre les bras. A ma question de savoir pourquoi il n’avait pas
rendu les armes dès le premier assaut, ce qui aurait préservé la vie de
plusieurs de ses compagnons, Alphonse m’a rappelé sa détermination totale à
aller « jusqu’au bout de son engagement». J’ai pu constater, avant de le
quitter pour rejoindre les officiers de police judiciaire chargés des premières
constatations, qu’il avait toute sa lucidité et que sa blessure, pour grave
qu’elle soit, ne semblait pas mettre sa vie en danger. Il n’est pas contesté,
et l’enquête de commandement l’a établi, que des actes d’une extrême violence
ont entraîné sa mort pendant son transport vers l’hôpital, après qu’il ait reçu
les premiers soins que nécessitait son état.
Hormis ces faits condamnables je n’ai pas
constaté d’exécutions sommaires après la fin des opérations d’assaut et ne peut
donc me prononcer sur la véracité de ces allégations.
J’observe toutefois que les récentes
déclarations de Philippe Legorjus, qui met en cause « des hommes du 11 ème
choc et un gradé de l’EPIGN » dans ces exécutions, (journal Le Monde du
3/11/2011) sont en totale contradiction avec celles qu’il tenait le 12 mai 1988
dans une interview au journal Les Nouvelles Calédoniennes où il rendait un
pseudo hommage aux « morts kanaks, tous tombés les armes à la main. »
Si, comme il le déclare aujourd’hui,
« les débriefings ont bien montré qu’il y avait eu exécutions », il
se devait de dénoncer immédiatement les auteurs de ces exécutions – GIGN ou
autres - et ne peut regretter hypocritement aujourd’hui un défaut de sanction
des « dérapages des forces de l’ordre » auquel il a contribué par son
silence (voir interview du 3/6/2011aux Nouvelles-calédoniennes.)