Toulouse, le journaliste et le story telling

Les chaines d'information en continue ont consacré plus de quarante heures de direct au dernier chapitre de l'affaire Merah. Ce qui l'a grossi démesurement.
La réactivité de la presse est quasi-immédiate et les journalistes interviennent presque aussi vite que les forces de sécurité. Ils peuvent donc émettre, grâce à l'évolution de la technologie en un temps record. Les ressorts sont donc les suivants : directs quasi-instantanés des radios, télévisions, ou quasi-directs pour les journalistes de presse écrite qui adressent leurs infos au site Internet de leur journal...La difficulté pour l'envoyé spécial est de parler d'un événement qu'il ne voit pas. Donc de rester prudent. Il lui faut travailler sur des hypothèses, des ambiances, tout en écoutant ce que disent les confrères mais en essayant de ne pas être trop suiviste, répondre également en direct aux multiples questions que posent le ou les présentateurs. Qui eux pensent souvent que l'envoyé spécial sait tout. Les contacts policiers peuvent fournir quelques infos...à condition qu'eux-mêmes détiennent les bonnes. Et puis interviennent les experts...Ah les experts ou ceux auxquels les journalistes fournissent cette casquette, sont des "joyaux" car ils sont parfois experts pour se contredire (entre eux). 
Autre phénomène : l'auto-intoxication. Jeudi, vers 10h45, sur le plateau d'une chaine d'information en continue, comme il ne se passait rien autour de l'appartement du tueur,  journalistes et invités commencent à broder et se lancent sur une piste. En l'occurrence,  "Et si Merah s'était suicidé ?". Base du raisonnement : les deux coups de feu entendus dans la nuit précédente. Tout le monde y va longuement de son explication. Sur place, la journaliste est interrogée, relancée et au bout de vingt minutes, le télespectateur est convaincu que telle est la réalité. Balayée immédiatement  par l'assaut final du Raid....Du story telling. Dans lequel les politiques déterminent leurs places. La posture de Claude Guéant a pour cela été inédite. Comme les journalistes étaient cantonnés de deux côtés opposés du périmètre de sécurité, le ministre de l'intérieur, une fois l'assaut mené, s'est rendu très rapidement vers eux afin d'effectuer une déclaration. Passant du point 1 au point 2. Du jamais vu, car habituellement, un point presse est organisé une heure ou deux après. Et les téléspectateurs ont eu droit aux deux interventions. Le temps est une denrée précieuse ; nous sommes en campagne électorale et les journaux de la mi-journée étaient proches... De quelle marge de manoeuvre dispose alors le fabricant d'information, (rédacteur en chef) alors que tout va si vite ? 
Certes, mais en ouvrant l'antenne à l'infini ne se retrouve-t--il pas pris à son propre piège ?

Commentaires

  1. Le fabricant d'info, rédac chef ou autre n'a depuis plusieurs années que la marge de manoeuvre qu'il se donne dans toutes les rubriques, du fait divers à l'économie spécialisée. La semaine dernière, j'ai attendu 24h avant de publier l'annonce d'une fermeture de site industriel au Luxembourg déjà donnée par tous mes confrères car j'estimais ne pas avoir assez d'informations précises venant du groupe concerné.

    La crise est faite de ces fausses urgences qui produisent des messages contradictoires en permanence et contribue à l'amplification médiatique du message comme le disait fort justement le sociologue Philippe Champagne voici quelques années en analysant les feux de voitures et les révoltes dites urbaines à Lyon-Vénissieux à la fin des années 80, début des années 90.

    Jusqu'à constater que des télés françaises et japonaises allaient jusau'à payer des jeunes pour incendier des voitures et leur permettre de filmer des images qui passaient aussitôt au 20h. Sans commentaire.

    Jo Gatsby

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  2. Anonyme a ajouté un nouveau commentaire sur votre message "1989, une autre tuerie, la mort d'autres enfants" :

    Un vrai travail journalistique, vous faîtes marcher la mémoire collective qui frôle l'amnésie en ces temps d'hyper société du spectacle, où un fait en efface un autre, et le suivant de même, ce que Milan Kundera déplorait déjà dans "Le livre du rire et de l'oubli". Merci!
    Jo Gatsby

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  3. Cher confrère,
    Ce soir, votre texte m'a inspiré. Merci, et voici *:


    C’était l’hiver,
    les vers de terre dormaient à l’envers
    et les taupes sur le dos.
    C’était l’hiver,
    dans les cheminées brûlaient les stères
    et leurs fumées montraient du doigt
    des montagnes de nuages.
    C’était l’hiver, mais ça ne l’est plus.
    C’est le printemps… et avec lui l’enfer.
    On ne l’attendait pas, le printemps c’est la joie.
    Un très pâle soleil se levait sur Sierres
    Et trente enfants sont morts et dites-moi pourquoi ?
    Puis mille charognards se sont précipités
    Pour entendre pleurer des parents déchirés.
    Non, le temps n’attend pas pour la faucheuse atroce.
    Après deux jours passés vers Toulouse a volé.
    Vers d’autres enfants martyrs l’ange noir Momer
    A tué de sang froid des juifs et des soldats.
    Et pendant ce temps là tous nos grands dirigeants
    A coups de médias hurlent en langue de bois
    …Pour devenir le Roi.
    Le ciel en est témoin, l’Homme est devenu fou.
    Aux senteurs du printemps il préfère l’égout.
    Du soleil radieux il enlève les flammes
    Pour brûler des enfants, faire périr l’innocent.
    Certains crient à Dieu, pourquoi veux-tu cela ?
    D’autres qui n’y croient pas veulent changer les lois.
    La peur et le dégout prennent le pas sur tout.
    Mais pour changer le monde, il faut se changer soi.
    Arrêter de penser au moins pour un moment
    Respirer puis lâcher ce qui brûle en dedans
    Et puis au lieu d’attendre en criant au scandale
    Observer cet enfant qui joue avec sa balle
    Et se dire que lui ne sait rien de tout çà
    Et qu’il attend de nous, force, espoir… et joie.

    Pierre De Greef
    Journaliste R.T.B.F. retraité.

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