Ce 13 mai 1958 qui précipita la fin de la IVe République

  

Depuis trois ans et demi la guerre ensanglante l’Algérie. Le 24 avril de cette année 1958, trois jeunes Algériens, condamnés à mort, sont passés par les armes. L’un fabriquait des bombes, les deux autres les posaient. Le lendemain, le FLN en représailles, exécute trois Français, des militaires prisonniers (ce que l’on apprend un peu plus tard). 
Les responsables des associations patriotiques organisent au monument aux morts d’Alger, le mardi 13 mai, une cérémonie afin de leur rendre hommage. Mais aussi pour afficher leur colère. Ce « comité de vigilance » s’estime, en effet, trahi par le gouvernement, incapable, à leurs yeux, de lutter efficacement contre la rébellion et de maintenir l’Algérie française.

Une IVe République vacillante

Une nouvelle fois, la France est sans gouvernement. Trois semaines plus tôt, celui conduit par Félix Gaillard est tombé. C’est Pierre Pflimlin qui est pressenti.
Robert Lacoste, ministre-résidant apprécié des pieds-noirs a quitté Alger le 10 mai. Deux jours auparavant il a reçu, sur le front des troupes, la croix de la valeur militaire avec palme des mains du général Raoul Salan, commandant en chef en Algérie. Lacoste leur confie alors : « Méfiez-vous…nous allons vers un Dien Bien Phu diplomatique ». Lacoste a prononcé cette phrase en déclinant l’offre que les militaires viennent de lui faire : « Restez en Algérie, nous marcherons avec vous ». L’armée meurtrie par les défaites en Indochine, par l’indépendance du Maroc et de la Tunisie est en train d’entrer en désobéissance.
Les généraux, sous la signature de Salan, le 9 mai, adressent un télégramme au général Ely, chef d’état-major des armées, dans lequel ils évoquent d’éventuelles négociations avec le FLN en vue d’un cessez-le-feu : « L’armée, d’une façon unanime, sentirait comme un outrage l’abandon de ce patrimoine national. On ne saurait préjuger sa réaction de désespoir » avertissent-ils.

Pierre Pflimlin

Lacoste parti, Pflimlin cherche à réconcilier les irréconciliables dans un parlement désillusionné. Une impuissance qui laisse les généraux seuls en Algérie face à la poussée de la foule algéroise. Dans laquelle se retrouvent des activistes comme Ortiz, Martel, Lagaillarde. On y trouve également Delbecque, ami de Chaban-Delmas, qui essaie tant bien que mal de positionner le général de Gaulle dans cette Algérie des colons qui, lors de la Seconde Guerre mondiale, a d’abord préféré Pétain puis Giraud.
En début d’après-midi, ce 13 mai, les commerçants baissent le rideau de fer.
A 15h à Paris, à l'Assemblée nationale, le débat d’investiture commence. Pflimlin est épuisé par des nuits blanches de négociation. Il prononce son discours : « La France n’abandonnera jamais l’Algérie… Le gouvernement ne repousse pas à priori l’idée que nos voisins (Tunisie et Maroc) pourraient un jour nous apporter leur concours pour amener nos adversaires à entrer en pourparlers avec nous en vue d’un cessez-le-feu ».

Propos blasphématoires
A Alger ces propos mettent le feu aux poudres. La foule est surexcitée lorsque les généraux Salan, Jouhaud, Massu, Allard et l’amiral Auboyneau arrivent pour l’hommage aux trois militaires tués. Des voix crient : « Massu au pouvoir ! ». Pourtant quelques minutes après la cérémonie, la foule commence à se disperser. Soudain, les hauts-parleurs lancent une consigne : « Tous au gouvernement général ! ». Lagaillarde prend la parole au balcon et invite cette foule à pénétrer dans le bâtiment. Les forces de l’ordre, faute de consignes précises, ne réagissent pas.
Le secrétaire général du gouvernement général demande des consignes à Paris. « Faites pour le mieux ! » lui est-il répondu. Lagaillarde, le président des étudiants, dit : « Nous vivons la constitution d’un comité de salut public civil et militaire. Nous ne partirons pas tant que nous n’aurons pas le résultat du vote d’investiture. Si Pflimlin passe, c’est l’émeute ».

Vive de Gaulle
Le général Massu en est conscient. Il accepte donc la présidence du comité dans lequel les gaullistes parviennent à faire entrer un homme, Neuwirth. Massu envoie un message au président de la République, René Coty : « Le comité attend avec vigilance la création à Paris d’un gouvernement de salut public, seul capable de conserver l’Algérie comme partie intégrante de la métropole ».
Le 14 mai à 3h25, le gouvernement Pflimlin obtient toutefois l’investiture par 274 voix contre 129.
A Alger, le 15 mai, jeudi de l’Ascension, le comité de salut public appelle la population à se rassembler au Forum. Les généraux apparaissent au balcon. Salan, l’orateur, rappelle à cette foule qu’un de ses enfants, mort en 1943, repose au cimetière du Clos Salambier. Il enchaîne : « La seule fin acceptable de cette guerre, c’est l’écrasement de la poignée de terroristes rebelles à l’autorité ». Il marque une pause et ajoute : « Vive de Gaulle ».
La fin de la IVe République est proche. Le soir même, de Colombey-les-Deux-Eglises (Haute-Marne), le général de Gaulle précise par communiqué : « Naguère, le pays dans ses profondeurs, m’a fait confiance pour le conduire jusqu’au salut. Aujourd’hui, devant les épreuves qui montent de nouveau vers lui, qu’il sache que je me tiens prêt à assumer les pouvoirs de la République ».

Source : ACP

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