« C’est l’intérêt de la Nouvelle-Calédonie qui est en jeu »

Le groupe Ebra* m'a proposé, hier, de répondre à une interview sur la Nouvelle-Calédonie et la situation sur le territoire. La voici.

Interview « C’est l’intérêt de la Nouvelle-Calédonie qui est en jeu »

Elle a suscité une nuit d’affrontements d’une rare violence dans l’archipel : la révision constitutionnelle défendue par Gérald Darmanin élargit le nombre de votants lors du scrutin provincial, ce que dénoncent les indépendantistes. Henri Weill, journaliste qui a couvert le dossier calédonien pour la 5 entre 1987 et 1991, et ancien de RFO Nouvelle-Calédonie, analyse la situation pour nous.

Propos recueillis par Ulla Majoube - Aujourd'hui à 06:02 | mis à jour aujourd'hui à 06:54 - Temps de lecture : 3 min

Photo Sipa/Nicolas Job 

Pourquoi la réforme constitutionnelle déclenche une telle réaction  ?

« Le corps électoral varie en fonction des scrutins. Le général permet de participer aux scrutins nationaux (municipales, législatives, présidentielles et européennes) ; le corps électoral spécial aux élections provinciales. Enfin il existe un corps électoral spécifique mis en place, en 1999, pour les référendums sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté. Le dégel (l’ouverture) du corps électoral pour les élections territoriales, au centre de cette réforme constitutionnelle, est fermement contesté par les indépendantistes. C’est un sujet déterminant et qui empoisonne l’histoire calédonienne depuis les années 1970. »

Pourquoi l’élection provinciale cristallise les tensions entre loyalistes et indépendantistes ?

« Parce que si la réforme est adoptée, les citoyens ayant dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie, soit environ 25 000 personnes supplémentaires, pourront élire leurs représentants. Aujourd’hui, les indépendantistes dirigent le gouvernement territorial et le Congrès. Cette réforme pourrait modifier les équilibres [les kanaks représentait 41,2 % de la population au recensement de 2019, selon l’Insee] que l’on peut vraiment qualifier de subtils sur le Caillou. »

Que restera-t-il des accords de Nouméa, une fois le projet gouvernemental voté ?

« Les accords de Matignon, qui ont permis de rétablir la paix civile en 1988, prévoyaient une période de développement de dix ans. Ceux de Nouméa (1998) engageaient une révision de la Constitution pour donner une plus grande autonomie à la Nouvelle-Calédonie. Ces accords prévoyaient également trois référendums sur l’indépendance. Le troisième en cas de vote négatif pour les deux premiers. Si les Calédoniens répondaient par trois fois "non" à la question "Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?" – ce qui fut le cas –, alors l’accord de Nouméa prévoyait que les partenaires politiques se réunissent "pour examiner la situation ainsi créée". »

Quel est l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ?

« Tout est à écrire aujourd’hui. Les deux premiers référendums ont donné une légère majorité au "oui à la France" (56,67 % en 2018, 53,3 % en 2020), et les indépendantistes, pour de bonnes ou mauvaises raisons, ont boycotté le troisième.

Emmanuel Macron a invité, dimanche , les représentants politiques calédoniens à se rendre à Paris. Aujourd’hui, ces émeutes, condamnées par les représentants politiques calédoniens, invitent à une prise de conscience collective (gouvernement, indépendantistes, loyalistes). Le dialogue est la seule issue possible. C’est la compétence et le sens du devoir qui me semblent primer. C’est l’intérêt de la Nouvelle-Calédonie qui est en jeu. Le problème de fond est identitaire et humain. »

« La Chine observe avec intérêt la situation calédonienne »

Quel rôle peut jouer la Chine dans cette crise ? On sait qu’elle est très intéressée par le nickel sur place…

« La Chine, qui a modifié les équilibres en Indo-Pacifique, observe avec intérêt la situation calédonienne. Et bénéficie de relais locaux. Pour comprendre la stratégie chinoise, il suffit de s’intéresser à Vanuatu (l’ancien condominium franco-britannique des Nouvelles-Hébrides), état situé à 1 heure d’avion de Nouméa.

L’Azerbaïdjan, relais de Moscou, s’intéresse actuellement à la Nouvelle-Calédonie. Récemment, un mémorandum a été signé à Bakou par une élue indépendantiste du Congrès. Ce qui a provoqué une polémique sur le territoire. Il s’agit là d’un embryon de coopération ponctuelle avec l’Azerbaïdjan destinée à nuire à la France, soutien affirmé de l’Arménie. »

 *Les dernières nouvelles d'Alsace, l'Alsace, l'Est républicain, le Républicain lorrain, Vosges matin, Le Bien Public, Le Progrès, Le Journal de Saône-et-Loire, le Dauphiné.

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